Quand Donald Trump fait des émules : la France d’abord.
Le rachat de Carrefour est bloqué par le gouvernement français qui avance assez maladroitement des raisons de sécurité alimentaire. Le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, s’est formellement opposé au rachat de l’enseigne Carrefour par un distributeur canadien Couche-Tard. Il faut être complètement stupide pour ne pas voir la main du politique derrière la décision.
Le candidat acheteur, originaire du Canada affiche un chiffre d’affaires de 48 milliards d’euros avec des magasins adossées à des stations-service et une rentabilité beaucoup plus élevée que celle du groupe Carrefour. Au niveau de la capitalisation boursière, Couche-Tard éclipse Carrefour : le premier est valorisé à hauteur de 46 milliards de dollars canadiens (environ 30 milliards d’euros), contre 12,6 milliards d’euros pour le second. Mais le ministre de l’Économie en France n’est pas d’accord avec ce rachat pour des raisons dites de sécurité alimentaire. En clair, il ne veut pas que les Français soient privés de pâtes, de riz et papier hygiénique. Etant donné que le secteur de la distribution alimentaire a été ajouté à la liste des secteurs protégés, ce ministre a donc un droit de veto.
En Belgique, pendant ce temps, de nombreuses entreprises, dans des secteurs bien plus critiques (l’énergie et les télécommunications), ont été rachetées par des entreprises françaises. Carrefour est largement représenté chez ses voisins sans une quelconque mise en danger de leur sécurité alimentaire… Ce refus étonne sur le marché, d’autant plus que le Canada est un pays ami (membre important de la Francophonie). Comment peut-on arriver à défendre l’idée qu’une entreprise commerciale est stratégique, si l’objectif premier est d’abord la rentabilité?
La France se montre protectionniste quand des étrangers veulent acheter une entreprise française. Dans la bouche de Donald Trump, on aurait parlé de comportement voyou…
Pendant ce temps, dans les Etats-bananes du continent africain, des pans entiers de la souveraineté sont bradés dans la joie et la bonne franquette à l’ami français. Des entreprises privées de droit français possèdent les secteurs les plus rentables du continent, exportant des tonnes de valises de billets tous les jours. Les grands ports sont possédés par le français Bolloré, la télécommunication est aux mains du groupe Orange et Bolloré, des transactions sont en cours pour la reprise de l’énergie, les mines sont exploitées par des entreprises françaises, les institutions bancaires sont progressivement francisées avec les données des clients hébergées sur les serveurs en métropole.
Nombre de filiales d’entreprises françaises par zone d’implantation en Afrique en 2002
- Afrique : 2.637 filiales d’entreprises implantées
- Afrique subsaharienne : 1.260 filiales d’entreprises implantées soit 48% des implantations en Afrique
- Zone franc : 731 filiales d’entreprises implantées soit 27 % des implantations en Afrique et 58% des implantations en Afrique subsaharienne
Source IZF http://www.izf.net/
Mais tout cela n’est pas le plus grave…
De la présence militaire française en Afrique
Pendant que les derniers rapports recommandent aux francais de reconquérir leur indépendance économique, en orientant tout ou partie de la production vers les biens et services essentiels à la vie du pays, ou stratégiques pour son développement(sic) [Lire], des militaires français sont en mission dite humanitaire sur le continent africain. Officiellement les bases permanentes sont implantées dans la corne de l’Afrique et sur la côte occidentale du continent avec un accès direct sur l’océan Atlantique. Au nombre de 4, au total, elles comptent plus de 3 000 soldats français.
Si tous les biens sont orientés vers des objectifs stratégiques pour la France, il va falloir expliquer ce que font les forces Barkhane au Mali. La grande excuse, qui vient contredire la déclaration précédente est que LE DISPOSITIF MILITAIRE FRANÇAIS EN AFRIQUE DOIT RÉPONDRE AVANT TOUT AUX BESOINS ET AUX DEMANDES DES ÉTATS AFRICAINS… [Lire] Dans cette logique, nous pouvons aussi déduire que le meurtre de Khadafi était exécuté à la demande de ses enfants.
Pendant ce temps il est officiellement interdit dans ces pays de critiquer la présence française.
La France et le franc CFA
Une seconde aberration de l’histoire moderne: le franc des colonies françaises. Si la France doit orienter toutes ses actions et productions vers les biens essentiels à la vie du pays, on comprend très mal son entêtement à garder sous son contrôle le franc CFA. Des dirigeants africains souffrant de maux divers et accusant un retard plus ou moins marqué, s’alignent pour trouver un intérêt dans le statu quo. L’argument avancé est celui de la stabilité monétaire liée à la garantie de convertibilité illimitée par le trésor français.
Comment peut-on prétendre qu’un pays qui refuse de céder une entreprise comme Carrefour puisse assurer une garantie à d’autres états, sans aucune contrepartie?
Epilogue
Si nous devions avancer l’argument de la sécurité stratégique, quel est l’axe le plus important entre l’économique, le militaire et l’alimentaire?
L’Afrique noire francophone ne se pose pas la question, elle remet sa vie entre les mains de la France souverainiste. Le dirigeant africain-mal-élu aime voir sa maîtresse se pavaner en Renault, la Bible dans un sac, dans des rues conçues sans trottoir par le groupe Colas, et faire ses courses en franc CFA chez Champion ou Carrefour, sous la protection rapprochée de militaires français…
Il ne faut pas être un Couche-tard pour déceler l’arnaque.
Bruxelles, le 20 janvier 2021
Ablam Ahadji