Les Visas refusés : une grosse perte pour les Africains et un juteux business pour les nations occidentales
La Commission européenne a confirmé que le coût du visa pour l’espace Schengen augmenterait en juin prochain. Une augmentation prévue de 12 %. Le droit pour un visa passera donc de 80 à 90 euros pour les adultes et de 40 à 45 euros pour les enfants. La Commission a imputé cette hausse à l’inflation dans les États membres.
Michelle Nehoya, une citoyenne namibienne de 38 ans vivant à Windhoek, attend un visa pour se rendre au Canada depuis plus de deux ans. Elle voulait absolument se rendre au Québec pour rendre visite à sa tante et à ses cousins, qu’elle n’avait pas vus depuis près de dix ans. Pour obtenir un visa, elle a dû remplir de nombreux formulaires. Elle a notamment dû fournir des relevés bancaires de six mois, une lettre d’invitation et un historique détaillé de ses déplacements. Comme il n’y a pas d’ambassade canadienne en Namibie, elle a dû se rendre en Afrique du Sud pour soumettre ses données biométriques, ce qui impliquait de donner ses empreintes digitales et de se faire photographier. À ce jour, la demande lui a coûté près de 500 dollars et aucun visa n’est en vue.
Cette expérience n’est pas malheureusement pas unique pour les Africains qui se rendent dans les pays occidentaux. Selon Henley and Partners, sept des dix pays où le taux de refus de visa Schengen était le plus élevé en 2022 se trouvent en Afrique.
Informations incomplètes ou non-fiables, demandeur faisant objet de mesure lui interdisant le retour ou l’accès au territoire du pays d’accueil, ou encore présentant un risque de menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique du pays d’accueil. Voici entre autres motifs à la base du refus de visa aux nombreux Africains par les pays européens de l’espace Schengen.
De nombreux demandeurs africains se voient refuser le visa Schengen, malgré les sommes colossales qu’ils déboursent, de la préparation des paperasses jusqu’à l’acquittement des frais de visa. Ils y mettent leur énergie, leur fortune, bref tout leur espoir pour l’obtention du précieux sésame.
Mais pour la plupart, à la fin, c’est la déception. Le visa leur est refusé et n’ont même pas le courage de faire un recours. Frustration, résignation, et même parfois colère sont les sentiments qui animent ces candidats malheureux au visa Schengen. Parce que les frais de visa ne sont pas remboursables. Lorsqu’il arrive au demandeur de réitérer la demande, il faut alors faire saigner sa bourse une nouvelle fois.
Après avoir vu sa demande de visa refusée, Baye Niass, jeune étudiant à Dakar, était surpris d’apprendre que les frais de visa ne sont pas remboursables. Mais il ne peut que se morfondre dans la résignation.
La plupart de ces demandeurs refusent de faire le recours puisque les chances que ces démarches aient un avis favorable sont très minimes.
Un impact économique considérable
Selon des statistiques analysées par Schengen News, les demandeurs africains perdent 56 millions d’euros, soit la bagatelle de près de 37 milliards de F.CFA en raison des rejets de visa Schengen.
Cela représente un enjeu financier considérable, surtout que les frais liés au visa ne sont pas remboursables. En plus, des données personnelles des demandeurs sont recueillies par des sociétés privées et constituent des risques pour les demandeurs. Personne ne sait comment ces données sont traitées par la suite, en absence de norme et de gouvernance locale en la matière.
Schengen News indique dans ses statistiques qu’en 2023, les ressortissants africains ont reçu 704 000 réponses négatives à leurs demandes de visa. Ce nombre de visas refusés représente 41,3 % de tout le montant généré par les demandes rejetées cette année.
Dans les agences de voyage auxquelles s’adressent ces demandeurs, la situation est vécue dans une gêne, puisque ces dernières disent mettre tout en œuvre afin que le client, qui dépense presque sa fortune, puisse avoir satisfaction.
Le coût exorbitant des visas Schengen pour les Africains : des “millions d’euros engloutis”
Ce sont des millions d’euros perdus par les ressortissants africains en quête d’un visa Schengen, qui permet de séjourner pour une courte période dans les pays de la zone. Une situation qui alarme la presse africaine, qui y voit un paradoxal et vain transfert d’argent des pays défavorisés vers la riche et claquemurée Europe.
Près de 56 millions d’euros: C’est la somme perdue par les Africains en 2023 en demandes de visas Schengen qui ont été refusées par les pays membres de l’espace Schengen. Ce coût abyssal occupe la presse africaine, qui revient sur ce chiffre.
Le titre marocain Hespress s’amuse même à convertir la somme en voitures de luxe, affirmant qu’elle représente de 225 Ferrari 488 GTB, lesquelles “ont été données gratuitement aux autorités européennes qui ont, en plus, refusé d’octroyer un droit de voyage”.
Et ce sont les Algériens qui fournissent le plus gros de cette manne financière, rapporte le site de Radio M. “Treize millions d’euros ont été engloutis pour des requêtes infructueuses”, note le média algérien, qui rappelle que le salaire moyen algérien avoisine les 240 à 300 euros mensuels. Les 80 euros de chaque demande représentent une dépense qui équivaut à plus d’un tiers de leur revenu mensuel. Une “iniquité flagrante”, fustige Radio M, alors que toutes ces démarches ne fournissent “aucune garantie d’obtenir le précieux sésame”.
Siphon de dépenses pour les pauvres
Dans les autres pays sur le continent, les demandes infructueuses de visas Schengen ont aussi un prix :
- Le Maroc: 11 millions d’euros au total
- L’Égypte: 3,7 millions d’euros
- Le Nigeria: 3,4 millions d’euros
- La Tunisie: 3,1 millions d’euros
- Le Sénégal: 2,11 millions d’euros sans visa
Au total, en 2023, les pays africains et asiatiques ont supporté 90 % des coûts des visas Schengen refusés évalués à 130 millions d’euros, selon une étude de EU Observer.
Pendant ce temps, les ressortissants de pays tels que les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie, qui sont en visite pour de courtes périodes, n’ont pas besoin de demander un visa Schengen. En effet, ils ont droit à 90 jours de voyage sans visa sur 180.
L’UE envisage par ailleurs d’augmenter encore les droits pour les pays qui font preuve d’une « coopération insuffisante en matière de réadmission », c’est-à-dire qui acceptent la réadmission de personnes expulsées d’un État membre.
Pour les pays qui n’ont pas fait preuve de coopération en matière de réadmission des citoyens, le coût pourrait passer de 120 à 135 euros et de 160 à 180 euros.
La Commission européenne impute ces hausses des prix à l’inflation dans les États membres. Elle assure que les frais sont encore « relativement bas » par rapport au coût d’un visa observé dans d’autres pays. Au Royaume-Uni, par exemple, le prix s’élève à 134 euros, aux États-Unis à 185 euros et en Australie à 117 euros.
Il reste donc encore un peu de marge; et nous nous étonnons, hypocrites, que le commerce des vendeurs de rêves clandestins soit encore aussi florissant…
Source: Internet