LES DOSSIERS

Kossi Efoui, lauréat 2009 du Prix des cinq continents de la Francophonie

Source : Internet

Le Prix des cinq continents de la Francophonie 2009 est attribué à Kossi Efoui pour son roman Solo d’un revenant (Éditions du Seuil)

Le jury du Prix des cinq continents de la Francophonie, réuni le 28 septembre au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie à Paris, a désigné Kossi Efoui (Togo), comme lauréat 2009 pour son roman Solo d’un revenant (Éd. Seuil). Le jury a distingué « ce texte qui remet en cause des évidences en imposant un métissage des genres – fable, théâtre, poésie – portant sur la cruauté du monde un regard vif et intransigeant ».

Solo d’un revenant, troisième roman* de Kossi Efoui, évoque le retour au pays natal après une décennie de massacres. Un homme revient régler ses comptes ; le passé et le présent se bousculent, les victimes et les bourreaux se mêlent, la clownerie et la tragédie se confondent.

Kossi Efoui est né au Togo en 1962. Il y fait des études de philosophie avant de se tourner vers le théâtre. Il est l’auteur d’une douzaine de pièces jouées sur les scènes européennes et africaines, dont Le Carrefour (l’Harmattan, 1989) qui remporte le prix du concours théâtral interafricain de RFI ainsi que le Grand prix Tchicaya U Tam’si. Kossi Efoui a déjà reçu deux récompenses en 2009 pour Solo d’un revenant : le prix Tropiques et le Prix Ahmadou Kourouma.

Le Prix sera remis le 24 octobre à Beyrouth, capitale mondiale du livre, au cours d’une cérémonie qui réunira le lauréat et les membres du jury sur le lieu du Salon international du livre.

Créé par l’Organisation internationale de la Francophonie, le Prix des cinq continents met en lumière chaque année des talents littéraires reflétant l’expression de la diversité culturelle et éditoriale en langue française sur les cinq continents. Il consacre un roman d’un écrivain témoignant d’une expérience culturelle spécifique enrichissant l’expression de la langue française. Le prix est doté d’un montant de 10 000 euros. L’Organisation internationale de la Francophonie assurera la promotion du lauréat sur la scène littéraire jusqu’à la proclamation du prochain lauréat.

Le lauréat a été désigné parmi dix finalistes par un Jury international prestigieux présidé par Lise Bissonnette (Canada-Québec), écrivain et Présidente directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, et composé de : Monique Ilboudo (Burkina Faso), Paula Jacques (France-Égypte), Vénus Khoury-Ghata (Liban), Pascale Kramer (Suisse), Jean-Marie Gustave Le Clézio (Maurice), Henri-Lopes (Congo), René de Obaldia (Hong Kong), Leïla Sebbar (France-Algérie), Denis Tillinac (France), Lyonel Trouillot (Haïti) ainsi que Hubert Haddad (France-Tunisie), lauréat du prix 2008 qui siège pour cette session.

* Kossi Efoui a publié La Polka en 1998 et La Fabrique de cérémonies en 2001, deux romans édités aux Éditions du Seuil.

Source : OIF

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L’Afrique intérieure de Kossi Efoui

« Mince et belliqueux comme une lance. » C’est un vers de Neruda, qu’aime bien le Togolais Kossi Efoui. Cela tombe bien, il lui ressemble. Solo d’un revenant n’est pas un roman sur les massacres interethniques au Rwanda, mais une réflexion sur l’amnésie collective.

Le revenant du roman est le fantôme de ce qui a été enfoui sous la rhétorique officielle, ni victime ni bourreau, mais témoin d’une guerre totale, conduite à la machette, mais avec les visées exterminatrices d’une puissance atomique. Les cicatrices sont là, bien présentes, d’un massacre conduit au nom de l’existence vitale commune. La totalité du groupe, Kossi Efoui la rassemble dans une trouvaille romanesque, celle d’un trio autrefois inséparable.

Trois amis avaient fondé le Théâtre des Pièces à conviction. Leur quartier général, derrière une palissade ondulée : « Au couvent des vierges folles – bar dancing. C’est là que nous nous retrouvions, Mozaya, Asafo Johnson et moi, pour cueillir l’inspiration, dont nous nous remplissions en même temps que de la gnôle populaire, et écrire des saynètes sur l’augmentation du prix du pain ou sur les nouvelles loi pour lutter contre la rumeur. »

Le verbe qui manque à toute reconstruction artificielle, le voici incarné dans cette triade d’abord heureuse, avant de devenir l’image même de la chute : Mozaya le poète, fou de citations puisées fébrilement dans son carnet, est mort. Le livre devient une ode à cette amitié merveilleuse, au nom de laquelle le narrateur revient hanter la réalité : « Les matins nous retrouvaient souvent sur la plage, le corps en état de rire et d’épuisement, une excitation mêlée d’une légère anxiété, comme si la renaissance du jour reposait uniquement sur l’espérance des hommes et que nous étions les derniers au monde. »

Alors que Mozaya est parti avec une femme, s’approche le jour du Grand Tourment. L’organisation de la mort progresse, on dresse des listes, la presse à sensation diffuse des mots à succès comme « Les rebelles ». Ceux-ci répètent une comédie musicale trash, une sorte de mise en scène dans le style Roman comique de Scarron, avec des Rambo en robe de mariée, furieusement tendance : « Il faut imaginer, c’est la mort qui s’entraîne à rire. » Bientôt, on immolera jusque sur les autels.

Daniel Morvan
Solo d’un revenant. Le Seuil, 216 pages, 17 €.
Publié par Daniel Morvan à l’adresse 16:07
Libellés : Afrique

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Kossi Efoui, Prix Kourouma

Lors du 6e Salon africain du livre, de la presse et de la culture, qui se tenait à Genève (Suisse) du 22 au 26 avril, le 6e prix Ahmadou Kourouma, doté de 5 000 francs suisses (3 300 euros), a été attribué au dramaturge et romancier togolais Kossi Efoui pour son dernier roman, Solo d’un revenant, paru aux éditions du Seuil.

Les membres du jury ne s’y sont pas trompés, qui ont couronné là un texte puissant et original. Parmi les écrivains africains contemporains, Kossi Efoui est sans doute celui dont la « petite musique » détonne le plus, si l’on peut dire. Ses romans ne sont pas tout à fait des romans ; ses pièces de théâtre, pas tout à fait des pièces de théâtre. Plutôt de longs poèmes en prose, faits pour être hurlés à tue-tête, et non pour être lus en silence.

Solo d’un revenant n’échappe pas à la règle. Bien sûr, il s’agit de l’histoire d’un Africain – vraisemblablement – qui retrouve son pays après une guerre civile (ou un génocide), ne le reconnaît pas, ressent l’étendue du massacre et la folle hypocrisie de la reconstruction. Mais il ne s’agit ni du Rwanda, ni de la Côte d’Ivoire, ni du Togo. Un pays, en Afrique. Un espace abstrait, coupé en deux par une ligne imaginaire et pourtant bien réelle.

Efoui évoque l’absurdité des frontières et des démarcations. Surtout quand la folie des hommes les pousse à s’opposer sur leurs origines. « Quiconque ne pouvait chanter sa généalogie jusqu’à l’octave juste, jusqu’au Totem [à Tête d’Ivoire], était appelé l’Anomalie : quelqu’un dont l’apparence humaine allait compter pour contrefaçon », écrit-il en faisant allusion aux « événements » passés.

Rythmée, mélodique, l’écriture d’Efoui n’est pas toujours aussi allusive. Elle peut aussi se faire cruelle pour dire l’horreur sur le ton le plus juste : « Et comme ce n’était qu’une école, le peuple ne revint pas fouiller les décombres à la recherche de pièces et de bijoux. Ce ne sont pas des choses qu’on trouve facilement en retournant la cendre des cartables. »

Par : Nicolas Michel

15/05/2009 | Jeune Afrique |
Kossi Efoui, Prix