Yves Ekoué Amaïzo
Il y a incontestablement une grande différence entre les vœux de la Chine d’en finir avec le dollar comme monnaie de réserve internationale, la volonté effective des États-unis de ne pas se laisser dicter la fin de l’hégémonie du billet vert et la défense des intérêts collectifs du peuple africain. Manifestement, sur ce sujet encore, l’anticipation n’est pas africaine.
1. Le silence des autorités africaines fait grand bruit
Pourtant, des économistes africains de renom ont offert au cours du Congrès des économistes africains organisé par l’Union africaine qui s’est tenu à Nairobi, Kenya du 2 au 5 mars 2009, plusieurs solutions pour la convergence des monnaies africaines. Outre les possibilités d’intégration monétaire africaines au plan sous-régional par le biais d’une monnaie de référence reposant sur un régime de taux de change fixe à l’intérieur de l’espace monétaire africain, il a surtout été question aussi d’évoluer, au plan international, vers une monnaie africaine reposant soit sur un panier de monnaie intégrant entre autres le Dollar américain, l’Euro et le Yuan chinois ou alors choisir de revenir à une monnaie reposant sur un ensemble de matières premières.
Sur le terrain et au niveau des politiques, c’est le statu quo le plus absolu. Le silence des autorités africaines est ahurissant malgré les conseils des experts indépendants. Ce qui n’empêche pas les autres pays, la Chine en particulier, de faire ses comptes dans cette période de l’après crise financière et de constater que sa grande dépendance vis-à-vis des exportations l’ont conduit à accumuler des excédents monétisés en dollar américain ($ US) et à racheter souvent les dettes américaines sous forme principalement de bons du Trésor américain.
Avec une sortie de crise reposant sur un endettement colossal des États-unis et la possibilité pour l’Administration américaine de modifier unilatéralement les règles concernant la parité du dollar, les réserves chinoises ainsi que celles de plusieurs pays exprimées en dollar américain sont en train de fondre par l’effet conjugué de l’inflation et des fluctuations de la valeur de la devise américaine. Il fallait réagir. La Chine l’a fait.
L’Afrique qui se fait payer la plupart de ses matières premières en $ US semble avoir choisi, sur ce sujet, le silence comme porte d’entrée dans les négociations. En réalité, le manque d’anticipation fait que ce n’est pas encore véritablement sur les agendas des responsables monétaires africains. Au cours de la rencontre entre les dirigeants africains et le FMI du 11 mars 2008 en Tanzanie , beaucoup de responsables africains ont préféré mettre l’accent d’une part, sur la responsabilité des pays riches dans la crise financière, et d’autre part sur la responsabilité des institutions financières de Bretton Woods par le passé dans les mauvais conseils prodigués à l’Afrique qui ont ralenti l’industrialisation du continent. Les responsables africains ont préféré amener, pour la énième fois, les pays occidentaux à respecter l’affectation d’au moins 0,7 % de leur produit intérieur brut aux pays en développement, à l’Afrique en particulier. Cette stratégie qui cache des problèmes internes au continent de non respect des critères de convergence monétaire, fait perdre à l’Afrique, sa capacité à s’exprimer puis à offrir des solutions crédibles qui défendent ses propres intérêts. Certains ont préféré faire dans l’autosatisfaction bien que les populations ne voient pas clairement les fruits de la croissance économique.
Aussi, la proposition de la Chine de mettre fin à l’hégémonie du dollar américain sans toutefois remettre en cause le système actuel du Fond monétaire international qui marginalise les voix africaines, ne peut servir de recours aux autorités monétaires africaines. L’Afrique se doit de se positionner et proposer une solution. Pour faire avancer le débat ou pour certains prendre conscience de l’existence du débat, il est question ici de constater que la proposition chinoise de mettre fin à l’utilisation du dollar comme monnaie de réserve internationale semble oublier les intérêts africains. La diversification au plan mondial de l’utilisation ne se décide pas parce qu’on constate que l’on est en train de voir ses réserves fondre. C’est toute la politique de création de richesse qui a permis les excédents budgétaires chinois qu’il faudra revisiter. Dans ce cas particulier, l’Afrique ferait bien de regarder par deux fois avant de tenter de rejoindre la position de la Chine par souci de solidarité entre pays dits « non-alignés ». La position chinoise est d’abord purement nationale et mérite d’être prise en compte comme une initiative positive dans la recherche en cours de reformulation de l’architecture financière et économique mondiale.
2. La fin de l’unilatéralisme américain remet en cause le rôle du dollar américain
La fin de l’unilatéralisme américain, les pertes importantes dans les réserves liées à la faiblesse du dollar ont modifié le centre de l’histoire monétaire, dominée par des initiatives essentiellement américaines depuis quelques décennies. En 1945, les accords de Bretton Woods et en 1971, la fin du système de change fixe.
En effet, c’est le 15 août 1971 que le Président Nixon a fait sortir officiellement le dollar du système de Bretton Woods liant le dollar de manière fixe à un système d’étalon or ouvrant ainsi la voie au régime de changes flottants entre les monnaies. Il s’agit bien d’une approche sans référence à une matière première quelconque. De facto, c’est le dollar US qui servait indirectement de référence avec en filigrane l’assurance que l’État américain ne peut être défaillant en termes d’honorabilité de ses engagements. Mais quatre conditions nouvelles conduisent à penser que le risque de défaillance de l’État américain n’est pas une hypothèse d’école à savoir :
- La valeur du dollar américain est tombé de près de 80 % depuis 1971, ce qui remet en cause la valeur des réserves effectuées en cette monnaie et appauvrit la plupart des pays africains qui se font payer leurs matières premières dans cette devise ;
- L’augmentation massive du déficit budgétaire qui fait que le doute s’installe durablement dans le reste du monde sur la capacité effective des États-unis à rembourser ou plutôt à changer les règles de remboursement en les rendant discriminatoires, étalées dans le temps en rejetant tout solde de tout compte ;
- Le monde réduit l’achat de la dette américaine (bons du Trésor par exemple) de peur que les États-unis ne soient en situation de cessation de paiement ;
- Le monde évite dans la mesure du possible d’utiliser le dollar comme monnaie de réserve par peur d’une dévaluation inconditionnelle et imprévue qui risquerait de faire fondre la valeur de ces réserves. Cet argument semble poser problème pour la plupart des officiels chinois.
Tout ceci aura des conséquences importantes et fondamentales sur la future architecture financière mondiale et dans ces conditions, le Fonds monétaire international (FMI) ne peut continuer dans l’état à servir de payeur en dernier ressort puisqu’il n’aura pas les moyens nécessaires pour faire face à des demandes effectives et simultanées de paiement de plusieurs États-membres.
Le FMI joue en effet le rôle d’un fonds de dépôts des États membres et celui de payeur en dernier ressort. Les réserves placées auprès du FMI reposent donc sur une monnaie de réserve créée en 1969, appelée Droits de Tirage spéciaux (DTS) dont la valeur fut déterminée par rapport au seul dollar américain et depuis déterminée par rapport à une moyenne pondérée de quatre devises : le Dollar, l’Euro, le Yen et la Livre Sterling. La monnaie chinoise, le Yuan, est absente de cette combinaison. En réalité, le DTS ne sert pas réellement de monnaie de réserve mais plutôt de monnaie de compte dans les transactions avec le FMI. Les allocations de DTS aux pays membres du FMI se font sur une base asymétrique et en fonction d’un rapport de force et du poids économique des pays. Du coup, le DTS n’est jamais arrivé à s’imposer comme monnaie de paiement au plan global contrairement au dollar américain.
3. Obama ne veut pas d’une autre monnaie de réserve, ni de paiement
La dérégulation à outrance et le principe de valorisation de la création de richesse accélérée sur fonds de spéculation et d’évasion fiscale dans les paradis fiscaux ont pris de cours les pays occidentaux, les États-unis en particulier. La crise financière et la récession qui s’en est suivie ont sonné le glas d’un mode de vie fondée sur le crédit sans contreparties productives, d’une dérégulation et d’une architecture financière mondiale qui exclut les pays africains. Le G20 de Londres du 2 avril 2009 a surtout consacré un véritable G2 (États-unis et Chine) qui semble avoir véritablement dessiné les contours d’un déplacement des rapports de force dans le monde.
Paradoxalement, la nouvelle administration américaine de Barack Obama, avec Tim Geithner, le Secrétaire d’État au Trésor, semble prendre en considération positivement cette proposition en parlant d’évolution et non de révolution tant qu’aucune autre monnaie ne viendrait remplacer le dollar comme moyen de paiement. Bref, c’est une façon diplomatique d’indiquer que la résistance américaine sera farouche et que le Président Obama a affirmé le 24 mars 2009 que la création d’une « autre » monnaie de réserve ne serait pas opportune .
4. La Chine veut une nouvelle monnaie mondiale de réserve
Les États-unis avec un endettement massif et une dépendance énorme vis-à-vis de la Chine découvrent les vertus de l’interdépendance quand la Chine commence à dicter ses conditions, poliment et sans vagues. Les autorités chinoises sont en train de réfléchir à mettre fin à la domination du dollar comme la monnaie d’équivalence universelle . Le Gouverneur de la Banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan, se propose de créer une nouvelle monnaie de réserve dont la valeur ne se déprécie pas en fonction des fluctuations du dollar américain. Il s’agit en fait d’un problème de souveraineté monétaire. La dernière crise financière asiatique de 1997 a laissé un mauvais souvenir. Avec plus de 739 milliards de $ US de bons de Trésor américain en janvier 2009, la République populaire de Chine se demande quelle serait la valeur de cette réserve si l’inflation, les risques de change ou des modifications unilatérales des autorités américaines venaient à modifier les règles du jeu. La diversification par le jeu des conversions dans d’autres monnaies génère des coûts importants puisque près de 2/3 des réserves chinoises sont en dollar américain et rend l’opération peu rentable. Comment alors proposer une nouvelle unité monétaire de réserve internationale sans froisser les États-unis ? Comment limiter la tendance des États-unis à financer partiellement leur important déficit budgétaire par le reste du monde et introduire un nouvel équilibre dans le système mondial de réserves et de paiement ?
La solution pour la Chine passe par la création d’une monnaie de réserve additionnelle auprès du Fonds monétaire international qui serait une sorte de Nouveaux Droits de Tirage spéciaux (DTS) provenant des pays disposant de surplus de réserves internationales, ce qui devrait permettre au FMI de mettre en œuvre ses « conditionnalités » pour les pays qui feront appel à ses NDTS, y compris les États-unis. En réalité, il est question de rappeler deux des propositions de l’économiste John Maynard Keynes que les États-unis ont rejetées en 1945 : créer une monnaie nommée le « bancor » basée à l’époque sur les matières premières et imposer une taxe aux pays qui se retrouveraient avec des réserves et des surplus budgétaires importants non affectés à une relance de l’économie par la demande. Mais à y voir de plus près, la Chine est plus préoccupée par l’érosion de ses réserves que par une véritable volonté de créer un étalon monétaire mondial. Au demeurant, une intégration du Yuan dans le panier de monnaies actuel du DTS pourrait peut-être servir de compromis. Mais tant que cette nouvelle devise ne servira pas de monnaie de paiement volontairement acceptée par les principaux pays du monde, l’objectif recherché par la Chine risque de n’être qu’un vœu pieux. Par ailleurs, la Chine n’a aucun intérêt à jouer cavalier seul. La position des pays d’Amérique latine et d’Afrique totalement exclus dans la composition du DTS ne peut passer par perte et profit. Aussi, le cadre de travail pour discuter de ces sujets en y associant l’ensemble des régions du monde ne peut se limiter au G20. La proposition des Nations Unies d’aller vers une représentation des 192 pays du monde reste d’actualité.
5. L’Afrique ne mesure pas l’importance de la création d’un Fond monétaire africain
La Chine a peu de chance de voir beaucoup de pays lui emboîter le pas d’autant plus que la crise financière a réduit les marges de manœuvre des pays disposant de réserves et de surplus budgétaires. Par ailleurs, les États-unis ne sont pas prêts à céder un pouce sur la position dominante du $ US comme monnaie de réserve, de paiement et de compte au plan mondial puisque cette situation leur permet de réduire indirectement le déficit budgétaire américain en le transférant au reste du monde.
Il s’agit en fait d’aider à une meilleure régulation et favoriser une autodiscipline monétaire pour tous. Cela devrait amener tous les pays à comprendre que l’interventionnisme de l’État n’est pas un dogme mais une nécessité surtout en période de récession ou de crise financière. Les gouvernements avisés, disposant de surplus budgétaire, devraient réfléchir à augmenter la demande par une meilleure distribution des dépenses du Gouvernement au service des populations et du développement des capacités productives.
Le mérite de la proposition de la Chine, outre celui de poser le problème d’égal à égal, est de forcer les autres régions notamment l’Afrique à sortir de leur torpeur et de leur incapacité à décider et mettre en œuvre rapidement les moyens de leur souveraineté monétaire. Si l’Afrique avait mis en place son Fonds monétaire africain , cette dernière institution serait le symbole de la solidarité africaine et peut-être panafricaine en coopération avec la Banque du Sud de l’Amérique latine. Mais le FMA aura une autre fonction déterminante pour l’unité monétaire africaine, celle de servir de payeur en dernier ressort en Afrique. Ce n’est qu’à cette condition que l’autodiscipline monétaire pourrait permettre d’atteindre rapidement les convergences monétaires en sous-régions, puis au niveau continental afin de faciliter l’avènement d’une monnaie commune africaine. Sans monnaie commune, la participation de l’Afrique dans n’importe quelle structure en charge de la recomposition de l’architecture internationale monétaire passera par pertes et profits les multitudes de monnaies africaines lesquelles, pour la plupart, n’arrivent pas à maintenir leur parité vis-à-vis du billet vert sauf pour celles dépendant de l’Euro comme l’espace CFA.
6. L’ONU veut mettre tout le monde d’accord : y parviendra-t-elle ?
Selon un groupe d’experts économistes internationaux et indépendants mandatés par les Nations Unies et sous la direction de Joseph Stiglitz, un prix Nobel d’économie, de nouvelles propositions sont en train de voir le jour. Soumises à l’Assemblée général de l’ONU dès fin mars 2009, il n’est pas sûr que cela recueille l’aval du conseil de sécurité. Parmi les 10 propositions suggérées , il est question, entre autres, de :
- remplacer le G20 par un Conseil économique global, une sorte d’organe économique mondial qui représenterait un G192, soit tous les pays membres de l’ONU. Ce conseil devrait être composé d’économistes internationaux, serait rattaché aux Nations Unies et deviendrait le principal espace de fixation de l’agenda mondial sur les politiques économiques et financières ;
- créer une nouvelle structure décisionnelle des Nations Unies composée de 20 à 25 membres qui serait indépendante du Conseil de Sécurité ;
- créer un système mondial de réserve qui soutiendrait les pays en développement régulièrement et sans le véto des pays industrialisés ;
- proposer, ceci volontairement, que les pays mettent en réserve 1 % de leur fiscalité au niveau national pour réaliser des dépenses dans les pays en développement, ceci en plus des 0,7 % de PIB qui devront être alloués à l’aide au développement ;
- demander un engagement ferme des pays industrialisés d’éviter le protectionnisme afin de ne pas augmenter les distorsions dans l’économie mondiale ;
- critiquer fortement des institutions notamment le Fonds monétaire international qui ont structuré le développement de l’Afrique sans les capacités productives. Cette critique importante a été faite à l’encontre des recommandations peu judicieuses faites et qui ont eu pour conséquences d’empêcher les pays en développement d’adopter des politiques d’anticipation des crises cycliques alors que celles-ci ont été promues dans les pays industrialisés.
7. Conclusion : Vers un pacte africain de soutien au pouvoir d’achat des populations
Compte tenu du petit nombre de pays en Afrique disposant de réserves internationales excédentaires, d’un solde budgétaire excédentaire sur au moins 3 ans, la capacité d’influence africaine reste bien limitée si elle continue à avancer sur les sujets monétaires en rang dispersé. Les pays africains disposant d’un solde excédentaire ont une responsabilité de solidarité envers le reste du continent. C’est donc un véritable pacte africain de création de richesses fondée sur le soutien au pouvoir d’achat des populations qu’il faudra mettre en place en réalisant rapidement le fond monétaire africain, l’institution qui servira de payeur en dernier ressort dans l’espace africain avant éventuellement de s’adresser à un fonds monétaire international qui n’a pas fondamentalement changé les règles du jeu pour ce qui est de la prise en compte des intérêts des pays africains dans les prises de décisions au plan monétaire . Le Pacte africain sera composé d’au moins 7 sous-pactes qui offriront des positions africaines sur les principaux points de régulation, de réforme de l’architecture financière africaine et mondiale, des institutions à mettre en place et du processus de création de richesses dans la proximité y compris avec la Diaspora africaine. Ce sont de telles stratégies globales, par opposition à celles parcellaires, qui peuvent réellement faire la différence et faire avancer l’Afrique vers la prospérité si les dirigeants africains acceptent de jouer la carte de la transparence dans les décisions et dans les faits. Ce sont les réponses à de telles considérations qui doivent être élaborées, proposées pour le G20 et autres organes traitant de l’architecture financière mondiale.
Faut-il rappeler que les décisions importantes de l’après-guerre prises à Bretton-Woods n’ont abouti qu’après de nombreuses conférences. L’Afrique pourra alors rapidement mettre ses experts à contribution dans le cadre de Congrès extraordinaires et thématiques des économistes africains afin de dégager des positions communes pour influencer un tant soi peu les futurs pourparlers d’un G20 qui gagnerait à être élargi.
En effet, le G20 n’est pas représentatif du G192, c’est-à-dire de l’ensemble des pays du monde aux Nations Unies. Il est suggéré d’aller vers une représentation tenant compte simultanément du nombre des populations, du poids économique et de la représentation régionale. Sur cette base, l’Afrique devra au moins avoir 5 représentants proposés sur une base sous-régionale en acceptant le principe que certains représentants pourraient se faire représenter par la Commission de l’Union africaine laquelle ne manquerait pas de prendre avis auprès du Congrès des économistes africains indépendants, une structure indépendante de conseil de l’Union africaine.
Il n’empêche qu’il ne faut pas oublier que la construction d’une nouvelle architecture financière mondiale ne peut faire l’économie du rétablissement de l’interventionnisme de l’État, du retour de la régulation, de l’introduction de plus de transparence dans les paradis fiscaux et enfin d’un retour effectif vers un système sécurisant et équitable. Mais le propre du dollar est justement d’être perçu par le monde, contrairement bien sûr aux autorités américaines, comme reposant sur un système non équitable et non sécurisant. C’est justement cette interrogation qui commence à s’extérioriser au point d’amener les pays les plus touchés par les fluctuations du dollar et la capacité de l’État américain à tirer parti du régime de change flottant sans contreparties, à mettre en cause l’hégémonie du dollar dans toutes ses fonctions monétaires à savoir : monnaie de réserve, monnaie de paiement, monnaie de compte et d’échanges. Le débat risque de perdurer surtout qu’il est difficile de dire la vérité quand on est au FMI. C’est ainsi que l’ex-chef économiste du FMI (entre 2007 et 2008), Simon Johnson, rappelle que si les économistes du FMI pouvaient parler librement au sujet des États-unis, ils n’hésiteraient pas à imposer les mêmes conditionnalités draconiennes qui sont imposées aux pays africains sauf qu’il faudra d’abord mettre fin à une oligarchie financière qui a la main mise sur les institutions de Bretton-Woods tel un coup d’État silencieux … Cela semble rappeler quelque chose à certains dirigeants en Afrique.
On ne peut plus continuer à laisser certains dirigeants actifs dans le secteur dérégulé de l’économie mondiale nous faire croire que les investissements, non fondés sur les capacités productives mais principalement sur de la spéculation, contribuent à améliorer l’état général d’une nation, voire du monde. En réalité, ces patrons, non éthiques et irresponsables, prennent de plus en plus de risques, face à des gouvernements « aveuglés et docilisés » par les faux espoirs de création de richesses et de rentrées fiscales. Lorsque la crise, elle, ne manque pas le rendez-vous des bulles financières, alors cette oligarchie financière, qui met en fait l’État en otage, fait appel à ce même État qu’elle a contribué à mettre en place par le financement de campagnes électorales et collusions diverses pour résoudre son problème en priorité. On a tous bien été surpris par la crise mais encore plus par la rapidité avec laquelle l’interventionnisme de l’État s’est fait au profit des banques et des secteurs importants de l’économie des pays riches, ceci sur la base principalement de l’augmentation substantielle du déficit budgétaire. Ce déficit budgétaire pourrait à terme fragiliser les capacités de paiement de pays comme les États-unis et donc contribuer à faire chuter la valeur du dollar. La crainte chinoise est donc bien fondée à savoir que le dollar fait perdre une partie de l’épargne de la Chine conservée dans cette monnaie. La solution proposée par la Chine doit être rediscutée en tenant compte des intérêts des pays africains. La Chine a eu le mérite de poser le problème. L’Afrique pourrait prendre exemple sinon personne ne défendra ses intérêts même si c’est ce que Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI, a proposé aux dirigeants africains de faire au G20 du 2 avril 2009 . Pour une fois, les dirigeants africains, par la voix du Président de Tanzanie , ont collectivement poliment repoussé cette demande non sans arrière-pensée. C’est un bon début pour défendre eux-mêmes les intérêts des populations africaines.
28 mars 2009
Par Yves Ekoué Amaïzo
Directeur du Groupe de réflexion et d’action « Afrology »
Director of the Think Tank « Afrology »
Internet: www.afrology.com
1. IMF and Africa Policy Makers, « Successful Partnerships for Africa’s Growth Challenge », March 10-11 March 2009, Dar-es-Salaam, Tanzania : Joint Declaration, 11 mars 2009 in Dar-es-Salaam, voir <http://www.changes-challenges.org/story/joint-declaration>
2. Brad Warbiany, » Is Dollar Hegemony About To End? « , in The Libertypapers online, 24 mars 2009, voir <http://www.thelibertypapers.org/2009/03/24/is-dollar-hegemony-about-to-end/>
3. Krishna Guha et Peter Garnham, « US willing to look at China currency proposal », in Financial Times, 25 mars 2009
4. Ibid.
5. Financial Times, 24 mars 2009
6. « Handle with care: China suggests an end to the dollar era », in The Economist, print edition, 26 mars 2009, voir <http://www.economist.com/daily/news/displaystory.cfm?story_id=13382566&fsrc=nwl>
7. Yves Ekoué Amaïzo, « Crise financière international : alternative financière africaine », in Le Bulletin de la Commission de l’Union africaine, « Des Vendredis de la Commission », vol. 2, no. 1, janvier 2009, pp. 3 – 64.
8. Harvey Morris, « UN panel calls for council to replace G20 », in Financial Times, 22 mars 2009
9. Y.E. Amaïzo, op. cit., pp. 43 et ss.
10. Simon Johnson, « The Quiet Coup », in The Altlantic, Mai 2009, voir <http://www.theatlantic.com/doc/200905/imf-advice> ; Il est actuellement Professeur à MIT’s Sloan School of Management, et gère avec James Kiwak un Blog sur la crise financière : www.baselinescenario.com.
11. IMF and Africa Policy Makers, op. cit., voir le discours de Dominique Strauss-Kahn, » I therefore see this conference as an excellent platform for African countries to convey key messages to the G-20 Leaders Summit being held in London next month. In this conference, the IMF can be your voice. », voir < http://www.changes-challenges.org/story/dominique-strauss-kahn-successful-partnerships-africa%E2%80%99s-growth-challenge>
12. IMF and Africa Policy Makers, op. cit., voir le discours du President of Tanzania,Jakaya Mrisho Kikwete, « … The current global crisis, therefore, highlights not only the dangers of over-reliance on free market to run the show in management of economies, but also the need for more social safety nets. Many of us on the continent are faced with the challenge of ensuring that we have in place necessary economic regulations and well designed safety nets and cash transfer programs to assist poor families as 2009 could develop into a year of tough economic challenges. Many of us on the continent are really worried and concerned that the financial crisis could turn into a humanitarian catastrophe »….
voir <http://www.changes-challenges.org/story/speech-jakaya-mrrisho-kikwete-president-united-republic-tanzania>