(Ouagadougou)
33 chefs d’Etat et de gouvernement étaient là, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000 en ce 26 novembre 2004 tous venus apporter leur contribution à l’édification de cet espace (leur espace) francophone, qu’ils veulent plus solidaire afin de générer un développement durable. A la clôture, le 27 novembre dernier, ce rassemblement a accouché du Cadre stratégique décennal (CSD) et de plusieurs résolutions.
Appréhensions, craintes et supputations de toutes sortes : jamais rassemblement international à Ouagadougou n’en aura autant susciter que ce 10e Sommet de la Francophonie, tant les facteurs endogènes (hôtellerie) et exogènes (conjoncture sous-régionale) incitaient au pessimisme. (Lire éditorial du 26 novembre 2004 : le Sommet qui faillit n’avoir pas lieu). Pourtant rien n’y fera. De Jacques Chirac à Paul Biya, dont les déplacements dans les Sommets sont rares, en passant par la Vietnamienne Truong My Hoa (vice-présidente), ils ont tous fait le déplacement de Ouagadougou. Et c’est un Blaise Compaoré en compagnie d’Abdou Diouf tout heureux qui, sur le perron de la salle des Banquets, accueillera dès 9 heures ce 26 novembre ses invités. C’est le même président burkinabè qui entamera la série (au total 12) de discours que les uns et les autres ont prononcés. Après avoir rendu hommage aux chefs d’Etat nigérian Olesegun Obasanjo (président de l’UA), mozambicain (Joachim Chissano), algérien (Abdel Aziz Bouteflika) et soudanais (El Bachir), Blaise Compaoré a insisté sur la « construction d’un monde où les valeurs cardinales seront présentes ». Il faut, dira-t-il en substance, faire de l’espace francophone un « espace de stabilité », mais, s’est-il demandé : « cet espace peut-il être stable quand l’un d’eux est en crise ? » L’allusion à la situation en Côte d’Ivoire est claire. Pour lui, il faut cultiver la solidarité, qui « unit et qui fait la force de la Francophonie ». Mais « resterons-nous toujours plus forts ? », a questionné encore Blaise Compaoré.
Chirac et la résolution de l’ONU
Il faut « éviter la guerre civile, le chaos, et aider ce pays à retrouver le chemin de la paix ». Propos introductifs de Jacques Chirac, qui viendra par la suite après le représentant du Liban. Pour Chirac, la résolution 1572 de l’ONU ne vise rien d’autre que cela : « Il ne peut y avoir de solution miliaire en Côte d’Ivoire. La Nation ivoirienne doit être préservée… c’est un défi majeur pour la Francophonie ». Le chef de l’Etat français fera ainsi un arrêt sur la Côte d’ivoire. Il voit également dans le DSD un moyen de relever les grands enjeux du développement, qui se posent aux francophones. Il n’a pas oublié la création de taxes internationales, proposée par la France, le Brésil, le Chili, l’Espagne pour le financement du développement. En prenant sa place sur la tribune, le chef de l’Etat gabonais, El hadj Omar Bongo Ondimba, lui, a insisté sur le développement durable, qui est une voie de sortie de l’ornière pour les francophones. Il faut faire de la Francophonie « un espace d’expression, de sécurité, qui favorise la paix… ». Cela contribuerait, est-il convaincu, à hisser cette institution au rang des instances mondiales. Enfin, Bongo l’a avoué, même s’il n’a pas souvent des atomes crochus avec les journalistes, il est sensible au sort des deux journalistes français retenus en otage en Irak, depuis 103 jours. Tour à tour la représentante de la communauté française de Belgique, celui de la Bulgarie, la vice-présidente du Vietnam, et le chef de l’Etat malgache viendront s’exprimer devant l’aréopage de chefs d’Etat. Le président malgache proposera ainsi que son pays accueille le Sommet de 2010. Quand viendra le tour du Premier ministre canadien, Paul Martin, il s’appesantira sur la déclaration de Bamako (2000), et insistera donc sur la paix, la démocratie, la bonne gouvernance, thèmes centraux de cette déclaration. Rappelons qu’en 2008, c’est au Canada que se tiendra le 12e Sommet de la Francophonie. Le président de la Commission de l’UA, Alpha Omar Konaré, voulant sans doute tester in vivo la diversité culturelle, s’est exprimé pendant quelque temps en bambara, avant d’enchaîner avec la langue de Molière. Du reste, il l’a dit, il aurait pu s’exprimer en mooré, fulfuldé, bété, baoulé… Parlant du développement durable, il dira que tout « comme l’environnement , il est une question de culture ». Puis, au sujet de la Côte d’Ivoire, il affirmera : »nous ne serons jamais heureux sans les Ivoiriens ». Il terminera son propos par une condamnation des subventions déloyales accordées aux cotonculteurs américains par le gouvernement étatsunien.
« Ne pas désespérer de ce monde »
Ibrahim Fall, le représentant de Kofi Annan, évoquera les objectifs du développement pour le millénaire. Et Abdoul Diouf, le SG de l’OIF, bouclera la boucle en soutenant qu’il ne « faut pas désespérer de ce monde en proie aux difficultés ». Il faut consacrer les efforts à la paix et à la solidarité, car « la paix est un long chemin ». Cette grand-messe, consacrée à l’espace francophone, a accouché in fine d’un cadre stratégique décennal, et de 6 résolutions sur la Côte d’ivoire, le Proche-Orient, le Fonds mondial de solidarité (FMS), le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), l’aide aux pays les moins avancés dans le domaine de la diversité, et enfin la liberté de la presse. (Voir encadré concernant deux des six résolutions). C’est donc satisfaits que les porte-paroles de cette rencontre à savoir Compaoré (Burkina), Chirac (France), Voronin (Roumanie), Martin (Canada) et Diouf (OIF) rencontreront la presse le 27 novembre pour évoquer les acquis et les perspectives de ce Sommet : Solidarité, politique française en Afrique, microfinance, acquisition en 2005 d’une Maison de la Francophonie (promesse ferme de Chirac) et organisation du 11e Sommet à Buccarest (Roumanie) en 2006 avec pour thème la « Francophonie vers la société informationnelle pour l’éducation pour tous » , qui ont été au coeur de cet échange de fin des travaux.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana et Hamidou Ouédraogo
L’Observateur Paalga
Publié sur le AllAfrica le 29 Novembre 2004