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Il est temps d’espérer

Il est temps d’espérer
Par Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo

Au cours de ces trente dernières années, je me suis investi corps et âme dans l’action politique pour apporter à mon pays la contribution qu’il était en droit d’attendre de tous ses fils qui ont eu la chance de faire des études supérieures et qui, de ce fait, par obligation citoyenne, se doivent d’accompagner le mouvement historique de transformation politique de nos sociétés amorcée dès la fin de la première guerre mondiale.

Depuis le début des années 70, je n’ai eu de cesse de participer au combat politique au sein du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) dont l’idéologie et le programme répondaient aux exigences de développement de notre pays, rassemblement de tous les Togolais sans exclusive du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en vue de bâtir une nation moderne réconciliée et solidaire à l’intérieur de ses frontières, attachée à l’Unité africaine et ouverte sur le monde pour s’enrichir de la sève de l’efficacité technicienne, de la fécondation réciproque des cultures, de la justice et de la liberté. Au cours de cette période, notre engagement politique a connu des hauts et des bas mais à aucun moment nous n’avons cessé d’être fidèle à notre famille politique et aux intérêts supérieurs du peuple togolais.

Face au déferlement de l’exigence de démocratie induite par la chute du mur de Berlin en 1989, nous avions pris la mesure des changements indispensables à la continuité des acquis d’hier et des réformes urgentes tant dans les méthodes, dans l’esprit et les objectifs de l’action politique pour amener notre pays à négocier le tournant historique des années 90 et à l’insérer dans la dynamique mondiale de l’histoire et du progrès.

Conscient de notre part de responsabilité dans la qualité des acquis d’hier et de l’obligation de changement d’aujourd’hui, nous n’avions à aucun moment, fut-ce au plus fort de la crise politique du début des années 90 et des incertitudes qu’elle laissait planer sur notre famille politique, cherché à abandonner le navire et à se réfugier dans les pays voisins ou en Europe, comme tant de courtisans qui se délectent aujourd’hui dans les manœuvres de bas étage, dans le pillage éhonté du Togo au détriment des intérêts du Peuple togolais.

En prenant de la hauteur par rapport aux manœuvres incongrues du sérail politique et des thuriféraires falots et cupides d’un système décadent, Dahuku Péré a par sa récente déclaration, provoqué au sein du Parti la catharsis tant attendue. C’est dire que les cadres et les militants du Rassemblement du Peuple Togolais adhèrent dans leur grande majorité à l’exigence de vérité et de changement que proclame la déclaration de Péré. C’est dire que moi-même, j’approuve la lettre et l’esprit de ce document historique qui méritait de sérieux débats au sein du parti plutôt que le dénigrement et l’ostracisme dont il est l’objet, de cette tendance permanente à mettre un cautère sur une jambe de bois chaque fois que le Parti doit apporter des réponses rationnelles et pertinentes aux défis auxquels il est confronté.

Pour avoir été au cœur de l’action politique à des niveaux de responsabilités qui passent expérience et qui éclairent l’avenir, je ne saurais donc longtemps garder le silence sur les dangers que comporte pour notre pays l’absence de toute ambition collective et le recourt à ces méthodes surannées de diabolisation et d’humiliations des cadres et des hauts responsables de notre Parti qui, en toute bonne foi, cherchent a mettre fin à une situation de cris intolérable pour toute une nation dont l’espérance est compromise depuis une décennie par une lutte politique de mauvais aloi à la moderniser pour l’adapter aux exigences du monde moderne. « L’art de gouverner, consiste nom pas à s’approprier en apparence toute la force mais à employer toute celle qui existe ». Il est donc temps d’espérer, de changer de méthodes et prendre un nouveau départ.

Pour l’essentiel, je voudrais à l’adresse de nos compatriotes, réitérer mon adhésion aux grands principes qui doivent sous-tendre l’action politique, les éclairer sur les dysfonctionnements qui ont entravé l’action du Gouvernement au cours de ces dernières vingt un (21) mois, sur leur origine, leurs effets et leur lancer un appel pressant pour qu’ils prennent leurs responsabilités face à l’histoire pour l’avènement de nouvelles méthodes de gouvernement et conduite de l’action publique.

I – RAPPEL DES GRANDS PRINCIPES DE L’ACTION POLITIQUE

Il y a un peu moins de vingt un (21) mois lorsque nous avions présenté la Déclaration de politique générale du VIIè Gouvernement de la IVème République devant la Représentation nationale et, par delà cette auguste Assemblée, à la nation togolaise toute entière, nous étions seulement mus par les grands idéaux qui fondent les grandes Nations c’est-à-dire ceux de justice, de liberté, de fraternité, de respect des droits de l’Homme, d’amour du prochain mais aussi par la ferme détermination de contribuer, grâce à notre expérience et soutien de tous les togolais, à relever le défi de la pauvreté, à poursuivre sans relâche le dialogue politique, à favoriser l’unité et la cohésion nationales, à offrir à tous les togolais sans exclusive de nouvelles chances pour sortir notre pays du cycle infernal du déclin et de la désespérance.

Nous avions, avec force, affirmé que l’homme doit être au début comme à la fin du champ politique « le seul être à côté duquel il n’en existe pas plus grand ». Cet homme qui, dans son ipséité, est un autre soi-même, est de l’avis de tous les spécialistes avertis, au début comme à la fin du processus de développement c’est-à-dire l’acteur et le bénéficiaire de toutes les transformations quantitatives et qualitatives qui affectent les cycles historiques comme les cycles de la vie individuelle et collective.

C’est cette vision du monde que nous avons partagée avec nos compatriotes longtemps soumis à un populisme suranné. C’est par cette vision du monde que nous avons voulu promouvoir l’espérance de notre pays dans des lendemains meilleurs car il ne saurait exister de fatalité face aux défis du sous-développement mais une volonté consciente et exigeante la force créatrice de l’Esprit et de l’efficacité de l’action.

Notre volonté d’offrir à nos compatriotes de nouvelles chances de régénérescence était d’autant plus forte qu’à l’orée du troisième millénaire, l’ampleur des mutations scientifiques, technologiques, économiques, financières et sociales étaient telles que seules les Nations mues par une vision prométhéenne de l’histoire pouvaient survivre et prospérer face à l’exacerbation de la concurrence internationale et au risque permanent d’incertitude qu’engendrent la volatilité des marchés, la spéculation financière, la succession rapide des cycles économiques, la persistance d’un protectionnisme ainsi que les stratégies de domination des pays développés.

Notre ambition, c’est de construire la chaîne des générations, de renforcer la solidarité entre toutes les filles et les fils de notre pays, de donner à la jeunesse les moyens de son épanouissement matériel, intellectuel et moral, d’accroître ses capacités de générosité, son sens du sacrifice, sa force d’imagination et de rédemption des errements du passé.

Mais très vite, nous avons dû déchanter face à l’inertie d’un système de gouvernement désuet, savamment entretenue par des intérêts particuliers dans les rouages de l’Etat, à des interventions permanentes et intempestives dans la gestion de l’Etat, à des méthodes de direction de l’action publique qui consistent à opposer les uns aux autres, les plus proches collaborateurs du Chef de l’Etat, au règne de l’arbitraire, au mépris des lois et des règlements de notre pays.

C’est pourquoi, nombreux et graves sont les dysfonctionnements introduits dans l’Etat et ses divers démembrements qui ont entravé l’action du Gouvernement au cours de ces derniers vingt un (21) mois.

II – LES DYSFONCTIONNEMENTS DE L’ETAT

Ces dysfonctionnements se traduisent par le déclin de l’autorité de l’Etat, l’inefficacité de la fonction publique, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. L’isolement diplomatique de notre pays, le marasme économique et financier, la gestion patrimoniale et opaque des finances publiques.

2.1- le déclin de l’Autorité de l’Etat

Bien qu’étant ordonnateur du budget, il m’a été pratiquement impossible de donner des instructions pour le paiement de la moindre dette publique, d’ordonner le paiement des salaires sans le contreseing du Président de la République. Les ressources de l’Etat sont gérées de façon opaque, ce qui crée au passage un système dans lequel le Premier Ministre et le ministre de l’Economie, des Finances et des Privatisations sont dépourvus de tout pouvoir d’initiative, le premier, privé de la maîtrise du processus de décision, le second devenu un chef comptable tandis que le Directeur de l’Agence nationale de la BCEAO devenait trésorier-payeur de l’Etat togolais

Ainsi, les recettes fiscales et douanières de l’Etat sont versées dans un compte unique à la BCEAO placé sous le contrôle du Président de la République qui autorise toutes les dépenses sans consultation du Premier ministre. En l’absence de tout contrôle, ces systèmes laisse la porte ouverte à tous les abus depuis les prélèvements sans justification à la source dans les régies financières de l’Etat avant le versement des recettes fiscales et douanières sur le compte ouvert dans les écritures de la BCEAO.

D’autres dysfonctionnements non moins pernicieux affectent l’efficacité de l’action publique notamment la forte allégeance requise des membres du gouvernement tout comme des directeurs des sociétés d’Etat envers la personne du Président de la République, ce qui les oblige à ne rendre compte de leurs actes qu’au chef de l’Etat, faisant ainsi de la fonction du Premier Ministre un ersatz administratif au mépris des dispositions de la loi fondamentale de notre pays notamment dans ses articles 76 à 78. Ces articles donnent au Premier ministre le pouvoir de déterminer et de conduire la politique de la nation, de diriger l’action du gouvernement et de coordonner les fonction de ses membres.

Or le Président de la République agit comme si nous étions dans un régime d’exception, assurant le contrôle des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Rien d’étonnant dès lors si ces dysfonctionnement engendrent des comportements irresponsables chez certains agents de l’Etat, encouragés dans leurs actes d’insoumission voire de rébellion par des milieux obscurs qui semblent se délecter dans ces opérations de déstabilisation et de sabotage de l’action publique.

Sinon comment expliquer que certains responsables de sociétés d’Etat se soient publiquement attaqués au Premier ministre, chef du gouvernement, en se livrant en toute impunité dans les médias d’Etat à des critiques malveillantes à son encontre. Le procédé est non seulement surprenant, mais il est aussi insolent au sens étymologique du terme car il fait entorse aux règles qui président au fonctionnement de l’Etat, à l’organisation de ses rapports avec ses démembrements et au respect de la hiérarchie dans un Etat républicain.

Par une sorte d’inversion des valeurs, caractéristique des Etats déliquescents, gangrenés par la confusion des genres, propres aux hommes liges égarés par la haine et la jalousie, les termes de ces documents jouent de la confusion entre la critique objective et les accusations infamantes contre la personne du Premier ministre.

Dans le même registre le Président de la Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique créée à l’initiative du Premier ministre et qui relève sur le plan administratif de l’autorité du gouvernement s’en est pris tout récemment à deux reprises au Premier ministre dans des correspondances indignes d’un grand serviteur de l’Etat. Ce comportement qui aurait entraîné des sanctions immédiates sous d’autres cieux a été considéré comme un acte de vertu républicaine par ceux qui ont délibérément choisi de fouler au pied les lois et les règlements de notre pays.

Dans le registre macabre, c’est le fils aîné du chef de l’Etat qui profère en toute impunité des menaces de mort contre le chef du gouvernement en signant sa forfaiture par un coup de téléphone à « l’aide de camp » de ce dernier. Et comble d’ l’imposture, c’est l’aide de camp qui a été mis aux arrêts de rigueur pour soixante (60) jours et qui a vu sa promotion au grade de capitaine bloquée.

D’ailleurs, nombreux sont nos compatriotes qui se plaignent des cas graves de violation des droits de l’homme et l’abus d’autorité que le fils aîné du chef de l’Etat exerce sur les laborieuses populations, les agents de l’Etat servant dans la partie septentrionale de notre pays. Ces violations sont, du reste, connues du public togolais comme l’attestent les différentes formes de tortures que le colonel Ernest Gnassingbé inflige à ses victimes au camp Landja de Kara et que le journal « la Tribune du Peuple » décrit par le menu, grâce à des témoignages, dans sa livraison n° 21 du 26 juin 2002 aux pages 3, 4 et 5.

S’en prendre ainsi aux populations et aux citoyens ainsi qu’au chef du gouvernement, c’est contrevenir aux lois de la République, au principe de loyauté qui fonde, par delà les différences d’opinion et de croyances, la continuité de l’État, et les intérêts supérieurs de la Nation.

Le Premier serviteur de l’État, chef de l’administration ne saurait être traîné dans la boue, ni menacé de mort, les populations et les agents de l’État maltraités sans dommages pour la République car le déficit de moralité publique qui soustend ce genre de comportement finit à terme par emporter l’État et donc engendrer le désordre et le chaos. Dans une nation moderne, tous les citoyens ont droit au respect et à l’intégrité physique de leur personne, garanties par notre Constitution et nul ne saurait, pour des raisons obscures, s’arroger le droit de leur infliger des traitements inhumains et dégradants. Le Togo appartient à nous tous et seul notre statut de citoyen nous confère des droits et nous impose des obligations. Nos fonctions nous sont déléguées par la volonté nationale et populaire et ne peuvent nous servir de justification pour sublimer nos propres tares et nos faiblesses.

2.2 L’inefficacité de la fonction publique

Dans la fonction publique fragilisée par la grève générale illimitée de 1992-1993, des fonctionnaires compétents, suspectés d’avoir soutenu le mouvement furent mis au placard, ce qui a entraîné une baisse de la qualité de l’encadrement. Des promotions ont été faites sur la base de critères partisans ce qui exprime en partie l’inefficacité de l’action publique. Aujourd’hui, face aux besoins en cadres de notre pays, l’État est incapable de renouveler les compétences laissant l’administration entre les mains de fonctionnaires temporaires souvent mal payés, sans moyens de travail et dont la qualification mérite d’être renforcée.

2.3 L’instrumentalisation de la justice à des fins politiques

La justice est instrumentalisée à des fins politiques, soumise aux interventions intempestives d’arrêts particuliers. Ainsi d’honnêtes citoyens sont détenus en toute illégalité au delà du délai légal de garde à vue, sans assistance judiciaire, d’autres condamnés à de lourdes peines de prison par une main invisible qui n’hésite pas à corrompre les magistrats en vue de vaincre leur résistance devant l’ignominie de l’iniquité. Une justice aux ordres du prince est donc une menace pour le développement de notre pays, un danger pour la paix sociale, la concorde nationale et la sécurité.

2.4 L’isolement diplomatique de notre pays

Notre diplomatie fait piètre sur la scène internationale car les turpitudes du régime, le mensonge et le double langage, la fausse apparence de respectabilité et d’honorabilité dont cherche à se parer le chef de l’État ne trompent personne, si ce n’est lui-même et ses missi dominici avides des gains faciles. L’isolement de notre pays sur la scène internationale en est une conséquence directe. Plus personne ne prend au sérieux un régime fossilisé qui contrevient de façon sournoise aux lois et à la morale internationale en s’illustrant dans des trafics de tous genres et des manipulations de toutes sortes. L’échec de la visite du chef de l’État à la journée « Portes ouvertes sur le Togo » à Hanovre en novembre 2001 et l’humiliante déconfiture de Bruxelles en juin 2002 constituent les témoignages éloquents d’une diplomatie de bric et de brac, lestée de rase-mottes intellectuelles, plus préoccupée de camouflages, de détournements et de gaspillages de fonds publics que de retombées politiques, économiques et financiers au profit du développement de notre pays.

2.5 Le marasme économique et financier

L’économie togolaise continue de souffrir de la suspension de la coopération avec l’union Européenne. Au cours de l’année 2001, sa compétitivité a été mise à mal par la contraction du volume des produits exportés à l’exception du ciment et des phosphates entraînant une aggravation du déficit de la balance commerciale et le financement de ce dernier par une ponction sur les avoirs extérieurs et une accumulation des arriérés. Ces derniers entraînent bien évidemment des suspensions par les bailleurs de fonds des décaissements au profit de projets en cours de réalisation.

Ainsi, faute d’avoir pu payer 1,434 milliards de FCFA au groupe de la BAD/FAD, notre pays n’a pas pu recueillir 23 milliards de FCFA pour le financement des projets en cours dans les secteurs de l’Education, de la santé et des infrastructures de communication. Un effort réel aurait dû être fait, mais malheureusement, faute de détenir le pouvoir de décision, le Premier ministre n’a pas pu exercer un choix conforme aux intérêts de notre pays, à ceux de la jeunesse et des populations les plus défavorisées.
Dès le premier jour de sa nomination, le premier ministre n’a pas eu les coudées franches pour mettre en œuvre un véritable politique de relance économique dans un pays sous sanction en desserrant les contraintes qu’imposent à notre pays ses relations avec certains bailleurs de fonds internationaux et son appartenance à des groupements régionaux et sous régionaux.

Il aurait fallu négocier un moratoire pour le remboursement de certaines dettes, demander la suspension de l’application des critères de convergence de l’UEMOA, accorder la priorité au remboursement de la dette interne, suspendre la mise en œuvre de certaines taxes telles que la taxe de résidence, les taxes sur les taxi-motos et sur les activités des micro entreprises en secteur informel, suspendre la privatisation des entreprises dont le transfert au secteur privé devait se traduire par une augmentation des prix de leurs services, en l’occurrence l’électricité. Mais, plus préoccupé de formalisme politique que de vitalisme économique, le régime pilote le pays à vue en faisant du bricolage l’horizon indépassable de ses ambitions.

2.6 La gestion patrimoniale des finances publiques

La gestion des finances publiques laisse à désirer. Il faut admettre que les recettes mensuelles de l’État devraient suffire à couvrir les besoins élémentaires notamment les salaires, les bourses, les pensions et les dépenses publiques prioritaires en faveur de la lutte contre la pauvreté. Or les recettes des régies financières de l’Etat notamment les douanes, les impôts versés aux guichets de la BCEAO s’effectuent de façon irrégulière et désordonnée, ce qui rend malaisé un rapprochement des comptes de la Banque Centrale avec ceux des impôts et des douanes.

Tout laisse à penser que, devant un ministre de l’Économie, des finances et des Privatisations, impuissant et dépourvu de tout pouvoir, des prélèvements à la source sont opérés dans les régies financières de l’État, ce qui a pour conséquence l’accumulation des arriérés intérieurs notamment sur les salaires et les pensions des retraités, des veuves et des orphelins. Outre les arriérés des années 1999 et 2000, six mois d’impayés sont enregistrés au cours de l’année 2001 au détriment des retraités.

Les sociétés d’État sont victimes d’une mauvaise gestion et d’un racket scandaleux. A l’OTP, le passif exigible de la gestion des ces cinq dernières années a été porté de 12 milliards de FCFA à 80 milliards à la veille de l’opération de privatisation sur lesquels une bonne partie a servi à couvrir les besoins de Lomé II.

Pour célébrer le début du troisième millénaire, 2 milliards de FCFA ont été dépensés par la Direction de l’OTP pour acheter des boissons ; 250 millions de FCFA soustraits de la caisse pour acheter au chef de l’Etat un buste à son image et 40 millions pour lui offrir une canne sans compter le bradage du patrimoine de l’OTP à Paris sous le couvert de prête-noms alors que l’entreprise connaît d’intenses difficultés financières et que notre pays rechigne pendant ce temps à acheter un appareil de dialyse pour le CHU de Tokoin pour la somme modique de 12 millions de FCFA.

Dans certains cas, pour couvrir les besoins de Lomé II, cette société n’hésite pas à recourir à des prêts bancaires notamment chez NATESKI BANK dont le remboursement est transféré sur la dette publique.

Au port Autonome de Lomé, les malversations sont aussi monnaie courante. Le Directeur général prélève par semaine au profit de Lomé II 25 millions de FCFA soit, 100 millions par mois, 1,2 milliard par an. 70 millions de FCFA sont perçus par mois sous forme de taxes sur les ventes de véhicules par un réseau d’affaires familiales proche du chef de l’Etat sous le prétexte fallacieux de pourvoir au financement de la Zone franche alors que cette dernière reçoit de l’Etat une subvention annuelle de 175 millions de FCFA.

Les marchés publics sont truqués au profit de parents et amis. Les sociétés CIMTOGO et WACEM subissent des traitements différents en raison de la défense d’intérêts particuliers pour lesquels la première est sacrifiée au profit de la seconde élue aux avantages de la Zone franche. Les ressources de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) sont siphonnées par Lomé II au mépris des intérêts des travailleurs qui attendent toujours le paiement des arriérés des allocations familiales et une liquidation rapide de leurs pensions.

La privatisation en cours de la Société Togolaise de Coton (SOTOCO) alimente des appétits de corruption estimée à plusieurs milliards de FCFA au profit du même réseau. Généralement, quand elles ne profitent pas au clan familial du chef de l’Etat, les privatisations aboutissent difficilement.

Bien évidemment, la Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique est muette sur cette gigantesque prévarication bien qu’elle en détienne des preuves. Ces malversations relèvent d’un domaine soustrait à tout contrôle. Tous ces faits relèvent d’une haute trahison de la part de celui qui en assure la protection de façon délibérée. Pendant ce temps la commission s’acharne par des méthodes illégales sur les citoyens togolais, au mépris de la présomption d’innocence, du secret de l’instruction, de la justice et de l’équité.

On ne saurait donc s’étonner que de telles pratiques aient conduit à la faillite de notre pays. Les bénéficiaires de cette gigantesque malversation sont ceux là même qui accusaient les anciens responsables politiques d’avoir jadis sacrifié les intérêts du Togo sur l’autel de leurs intérêts personnels.

Pendant qu’ils redoublent d’ardeur dans les opérations de détournements et se réjouissent des montants faramineux de leurs avoirs, les hôpitaux et les centres de santé sont dépourvus du minimum requis pour leur fonctionnement, les salles de classes manquent de matériels didactiques tout comme l’université de Lomé devenue le souffre-douleur de tous les fossoyeurs impénitents du savoir et de la culture. Les bourses ne sont pas payées aux étudiants, ce qui témoigne du peu d’intérêt que l’on porte à l’avenir de la jeunesse et de la nation. Les étudiants diplômés de l’université de Lomé sont acculés à conduire les taxis-moto, les togolais croupissent dans la misère, meurent chaque jour faute de ressources pour acheter les médicaments, pendant que les pères et les mères de famille subviennent difficilement aux besoins de leurs enfants, condamnés souvent à un repas par jour. Certains parents, en désespoir de cause, vendent leurs enfants à des gens peu scrupuleux.

Que dire de la prostitution de la jeune fille qui se développe de façon inquiétante en raison des risques d’extension de l’épidémie du SIDA pour lequel notre pays a un taux de prévalence relativement élevé dans notre sous-région ?

Dans le contexte de crise que vit notre pays, la dilapidation des ressources de l’Etat s’apparente à un crime contre l’humanité car près de 1,2 milliard de FCFA est dilapidés chaque mois pour récompenser une horde de courtisans, des marcheurs professionnels, des communicants et des juristes véreux, de faux opposants et de politicards mal dégrossis en quête de notoriété.

III – L’ORIGINE DES DYSFONCTIONNEMENTS

Tous ces dysfonctionnements ont pour cause profonde, une gestion patrimoniale de l’Etat. En dépit des difficultés économiques et financières que traverse notre pays depuis une dizaine d’années, de l’isolement financier et quasi diplomatique de notre pays, le régime ne continue pas moins de mener une politique dispendieuse au mépris des souffrances et de la misère de nos concitoyens.

Les ponctions intempestives et récurrentes dans les régies financières de l’Etat tout comme dans les trésoreries des Sociétés d’Etat engendrent des malversations insoupçonnées (qui) permettent aux passeurs de fonds de se servir royalement, mettent à mal la politique de redressement économique et financier du gouvernement, nos engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds notamment la banque mondiale et le fonds monétaire international, compromettent notre politique de lutte contre la pauvreté ; cette politique dispendieuse est à l’origine de la misère qui affecte l’ensemble des couches sociales de notre pays qui vivent dans la désespérance totale et le mépris.

Même notre propre famille est traitée avec condescendance comme en témoigne la manière brutale et intolérante avec laquelle les déclarations de Dahuku Péré ont été accueillies. Elle illustre une fois de plus le règne de la pensée unique, de méthodes artisanales d’humiliation des responsables politiques éclairés. Elle témoigne de cette fermeture prématurée et permanente à l’appel de la raison et aux vertus enrichissantes du vrai dialogue et de l’amour du peuple, celui du vrai peuple, dans toutes ses composantes ethniques sans exclusive et qui constituent la force charnelle de notre histoire commune.

Et comme le disait Alexis de Tocqueville, lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. Depuis 1967, le monde a beaucoup changé, mais le Chef de l’Etat s’accroche obstinément à un passé révolu et se délecte dans un combat surréaliste avec les fantômes des premiers dirigeants du pays.
Or les militants du RPT, les cadres du Parti , les Togolais ont changé car il veulent exister et se réaliser pleinement, préparer les mutations de demain grâce à la maîtrise des nouvelles technologiques du vivant, de l’Information et de la Communication ; ils veulent mettre le Togo en mouvement et offrir à leurs enfants un monde de sécurité, de paix et de prospérité.

IV – LES EFFETS DE CES DYSFONCTIONNEMENTS

Aujourd’hui, notre pays fait les frais de cette politique irrationnelle. Les investissements étrangers ne se bousculent point aux portes de notre pays ; le gouvernement paie difficilement la dette extérieure évaluée en 1999 à 1,5 milliards de dollars de sorte que les arriérés s’accumulent, hypothéquant ainsi gravement l’avenir du pays et particulièrement celui de la jeunesse.

Les impayés au 31 décembre 2001 en principal et intérêts s’élevaient à 15,215 milliards de FCFA dont 88,749 milliards d’arriérés au tire des années 1999-2000. La marge de manœuvre du gouvernement reste donc nulle et cette situation conduit notre pays à un véritable désastre qu’il faut arrêter pendant qu’il est encore temps.

Les hommes d’affaires nationaux sont asphyxiés par une dette intérieure de près de 300 milliards de FCFA que l’Etat n’arrive pas à honorer ; le chômage des jeunes s’accroît, les retraités meurent prématurément faute de toucher régulièrement leur pension, les forces de sécurité, mal payées essaient de subvenir aux besoins de leurs familles comme elles peuvent, parfois avec l’aide des citoyens qu’elles protègent nuit et jour dans des conditions difficiles, qui rappellent celles d’un Etat de siège. Bref la morosité générale accroît l’insécurité matérielle et morale, la détresse et la désespérance.

V – DE L’URGENCE D’UN NOUVEAU SYSTEME DE GOURVENEMENT

Dans un monde en pleine mutation et au moment où l’Histoire universelle accouche d’une nouvelle civilisation, il est temps que le Togo et les Togolais retrouvent le chemin de la vérité, de la justice, de l’Amour du prochain, de la Solidarité et de l’Espoir.

Il faut donc mettre fin à ces pratiques intolérables qui épuisent nos énergies dans des combats d’arrière garde, renforcer le processus de démocratisation de notre pays par des élections libres, transparentes et équitables, promouvoir l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme. Avec son credo « Si ce que je fais est bon, que Dieu me laisse continuer, mais si ce que je fais est mauvais, qu’il me barre la route », Eyadéma a la fausse certitude qu’il est natus ad imperium.

Le déficit actuel de moralité politique est préjudiciable aux intérêts de notre pays. Il devient manifeste que la persistance de la crise actuelle alimente les intérêts de réseaux familiaux et mafieux qui pillent l’Etat en toute impunité et qui se livrent ainsi à une vengeance déguisée contre le peuple Togolais.

Il faut reprendre sans tarder le dialogue inter togolais avec modérateurs nationaux, abroger le code électoral modifié unilatéralement par la mouvance présidentielle, préparer les échéances électorales futures dont notre pays ne saurait faire l’économie.

Il est donc temps de mettre fin aux souffrances du peuple togolais. Pour ce faire, seule une génération d’hommes et de femmes aimant le Togo et les Togolais est susceptible d’offrir à notre pays de nouvelles chances de survie et de prospérité. Il faut donner toutes les chances aux femmes et aux hommes de talent dont regorge notre pays et qui aiment profondément le Togo.

L’ingénieur ne saurait être l’ennemi de l’ouvrier, le Professeur, celui de l’instituteur, le Médecin, l’ennemi du tradithérapeute, le civil celui du soldat. Tous autant qu’ils sont, doivent rassembler leurs talents pour bâtir une Nation prospère. Il faut donc restituer à la Nation togolaise son sens de l’unité et de solidarité.

C’est pourquoi, je lance un appel à tous les corps constitués, aux cadres de notre pays, aux hommes d’affaires, à la jeunesse togolaise, à tous les pays amis qui souffrent aussi des turpitudes de la politique togolaise pour qu’ils se mobilisent, fassent preuve de détermination, de courage et d’abnégation et qu’ils empêchent le Président de la République de se livrer à une modification de la constitution en vue d’accomplir un nouveau mandat à la tête de notre nôtre pays à partir de 2003.

Je lance en particulier un appel pressant aux députés à l’assemblée nationale et à la cour constitutionnelle pour qu’ils refusent de se laisser encore une fois instrumentaliser pour pérenniser un régime inique qui a perdu ses repères depuis dix ans et fait ainsi beaucoup de torts aux Togolaises et aux Togolais.
Aujourd’hui face à l’histoire, entre la fidélité à un homme et la loyauté envers le peuple togolais, nos compatriotes martyrisés, mon choix est clair. Je choisis d’aider cinq millions de togolais à prendre en main leur destin, à refuser l’aventure et l’imposture à tordre le cou au tribalisme rétrograde, à refuser de marcher désespérément dans les ténèbres, à renvoyer aux oubliettes de l’histoire le régime obscurantiste Eyadéma, à tourner définitivement la page de la honte politique, économique, culturelle et sociale.

Aujourd’hui, face aux dérives monarcho-despotiques du régime actuel, tous les Togolais où qu’ils se trouvent, Agents de la fonction publique, Députés, Membres de la cour constitutionnelle, Membres du corps judiciaire, doivent prendre leurs responsabilités, car le Togo est désormais confronté à des atteintes graves, manifestes et répétées des droits de l’homme et des libertés publiques. C’est aux hommes avisés et éclairés, aux élites civiles et militaires, honnêtes et nationalistes, qu’il incombe de redresser la situation économique et construire dans la justice et la solidarité, avec ferveur et ardeur, un nouvel avenir de bonheur et de prospérité.

Lomé, 27 juin 2002
Agbeyome Messan Kodjo,
Premier ministre,
Ancien président de l’Assemblée nationale,
Ancien ministre,
Membre du bureau politique du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT)