Sortir de la crise en dévaluant
Choisir le FCFA, le Dollar américain ou l’Euro?
Des interrogations alarmistes dans les pays francophones africains commencent à se cristalliser autour d’un refus de la dévaluation de la monnaie de la zone franc . Mais plus globalement, c’est la dévaluation des monnaies africaines par rapport aux monnaies des principaux pays riches qui est posée en filigrane. Les Africains doivent-ils systématiquement accepter les arguments avancés par les institutions des pays riches pour dévaluer leurs monnaies ? Compte tenu des conseils prodigués par le passé lesquels ayant systématiquement bloqué le développement des capacités productives, créatrices de richesse en Afrique, faut-il encore accepter de créer ainsi des manques à gagner pour les populations africaines en acceptant des dévaluations politiques ?
Les défenseurs des intérêts des Africains et de l’Afrique disent NON. Les Africains, défenseurs en priorité des intérêts des puissances qui contribuent à les maintenir dans une situation de dépendance économique, semblent dire OUI. A ce jeu, les intérêts des populations africaines sont considérés comme une priorité seconde. Cela contribue à ouvrir la voie à la cristallisation de nouvelles formes d’inégalités monétaires. Comme les deux « clans » se retrouvent en Afrique et dans la Diaspora, il y a lieu de poser le problème en analysant les données mises à disposition pour l’analyse, en l’espèce, ce sera l’évolution à court et moyen terme de la croissance économique de pays sélectionnés.
1. La dévaluation du FCFA ne peut qu’être politique
Parce que le conseil d’administration des institutions monétaires de la zone franc, en référence à une communauté franco-africaine élargie, peut décider unilatéralement la dévaluation du Franc de la communauté financière africaine (FCFA), il s’agit bien d’une décision éminemment politique… Donc, si les dirigeants africains de la zone franc y compris la France, celle-ci détenant un quasi-véto , le décident, la dévaluation du FCFA aura lieu dans l’une ou l’autre zone CFA ou dans les trois (Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et Comores). En réalité, c’est d’une grande injustice dont il est question et Christine Lagarde, la ministre française de l’économie, a été claire en avril 2009 sur ce sujet. A la question de savoir si le FCFA sera dévalué, elle a répondu : « Ce sujet n’est pas à l’ordre du jour. La dévaluation et l’arrimage du franc CFA à un panier de devises sont des serpents de mer « . Il est donc bien question de dire que le FCFA ne sera pas dévalué dans l’immédiat mais il n’y a aucune garantie que ce sujet ne reviendra pas sur l’agenda futur, et cette fois-ci, pour une mise en œuvre immédiate… Comme la première dévaluation du FCFA en 1994 avait été précédée de plusieurs déclarations d’apaisement des ministres de la zone franc à l’époque, cette déclaration du Ministre français, ainsi que celles des autres officiels de la zone franc, au lieu de rassurer, ont plutôt semé un début de panique au sein des populations.
Sur le fond du dossier, il serait plus compréhensible que ce soit l’Euro qui soit dévalué, ce qui correspondrait de fait à une dévaluation du FCFA. Comme la dévaluation de l’Euro n’est pas à l’ordre du jour, le FCFA ne devrait effectivement pas être dévalué pour le moment. C’est l’affirmation du FMI sur les solutions préconisées pour l’Afrique subsaharienne à savoir : « autant que possible, assouplir la politique monétaire et laisser le taux de change s’adapter à la conjoncture externe » qui semble être à l’origine de la levée de bouclier contre le principe de la dévaluation unilatérale des monnaies africaines. Toutefois, si une « dévaluation du Franc CFA » doit avoir lieu chaque fois que le Fonds monétaire international le suggère , on se demande où est la souveraineté monétaire des pays africains de la zone franc. Certains pays riches essentiellement, les principaux dirigeants du FMI et du Groupe de la Banque mondiale, ont pour le moment démenti la dévaluation imminente du FCFA préconisée par le FMI et fondée sur les pronostics réajustés de son rapport d’avril 2009 . L’Afrique ferait mieux d’anticiper non seulement une dévaluation future mais surtout la disparition du FCFA et son évolution vers un espace monétaire africain sous-régional et continental en l’inscrivant sérieusement en tête des priorités africaines pour éviter des surprises.
Toute cette spéculation sur une seconde dévaluation du Franc CFA provient donc principalement du rapport du Fonds monétaire international daté du 25 avril 2009 . Ce rapport oublie complètement de préciser que l’origine de la chute de la croissance économique des pays africains au sud du Sahara est directement liée à la mauvaise gouvernance des pays riches et plus particulièrement de leur politique de dérégulation. Celle-ci a mis en cause tout le fondement du système libéral qui préconisait le non-interventionnisme de l’État dans le secteur productif. Aujourd’hui plus personne ne met en cause le fait que l’État, avec l’argent des contribuables, soit intervenu massivement pour limiter les défaillances du marché sans préjuger si cela suffira à moyen terme à stopper la crise de confiance liée à la diffusion de produits financiers toxiques dans les actifs sains de la partie régulée du marché financier international. Il est donc bien question de socialiser les erreurs de gouvernance. Comme ceci s’inscrit dans la logique d’utiliser l’Afrique et les pays pauvres sans influence économique comme des variables d’ajustement lorsque les pays riches sont en crise, il ne faut donc pas s’étonner des recommandations du FMI qui vont dans le sens d’une dévaluation du FCFA. Comme toutes les décisions relèvent des États souverains, les recommandations ne pourront en fait légalement engager le FMI pour permettre des actions juridiques éventuelles pour « mauvais conseil prodigué ».
L’Afrique qui soutient la croissance mondiale devrait voir la croissance de son produit intérieur brut réel reculer en 2009 et passer de 5,2 % en 2008 à 2,0 % en 2009 pour remonter à 3,9 en 2010 . L’Afrique subsaharienne verra la croissance de son produit intérieur brut réel reculer en 2009 en passant de 5,4 % en 2008 à 1,5 % en 2009. Il est prévu une reprise de la croissance du PIB en 2010 avec 3,8 %. Il convient de rappeler que les chiffres du FMI ont été ajustés et ont donc varié au moins quatre fois à la baisse depuis les annonces du même rapport daté d’octobre 2008 (novembre 2009, janvier 2009, février 2009). En septembre 2008, le FMI n’a pas vu venir la crise financière. Bien que le rôle d’anticipation du FMI ne puisse être légitimement mis en cause, ses conclusions et recommandations sur la nécessité de dévaluation le FCFA et non l’Euro ou le Dollar américain doivent l’être.
L’argument utilisé par le FMI est des plus fallacieux. En effet, lorsque l’on se penche sur la zone FCFA, c’est-à-dire les pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et les Comores, on s’aperçoit que cette zone résiste mieux à la crise financière. En effet, la croissance du produit intérieur brut réel devrait reculer en 2009 en passant de 4,1 % en 2008 à 2,6 % en 2009 pour remonter en 2010 à 3,4 %. Le vrai problème est ailleurs. Comment est-ce que cette résistance ne profite pas aux populations et que les fruits de la croissance ne sont pas mieux répartis ? Ce problème lié à la légitimité et à la démocratisation effective dans le choix des dirigeants africains est un élément crucial dans la recherche de la résolution du problème.
Plus précisément, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) résisterait encore mieux. La croissance du PIB réel de l’UEMOA devrait reculer en 2009 en passant de 3,9 % en 2008 à 3,4 % en 2009 pour remonter en 2010 à 3,8 %. La communauté économique et monétaire en Afrique centrale (CEMAC) voit sa croissance du PIB réel chuter en passant de 4,3 % en 2008 à 1,7 % en 2009 pour remonter en 2010 à 3,0 %. Alors, face à une telle capacité de résistance puisqu’aucune des deux zones n’est en récession, ni ne connaît une croissance négative, on se demande pourquoi le FMI tend à noircir le tableau et à recommander une deuxième dévaluation du FCFA. L’explication plausible réside dans le fait que cette institution doit d’abord défendre les intérêts des pays qui ont la majorité automatique dans le conseil d’administration. Il s’agit principalement des pays du G8 dont les États-unis, l’Union européenne et le Japon.
2. Dévaluation simultanée du Dollar américain et de l’Euro : une solution de sortie de crise
Si la moyenne mondiale de la croissance économique mondiale demeure positive, ce sera grâce aux pays émergents, aux pays du Golfe et à l’Afrique. Le monde a vu la croissance de son PIB réel passer de 3,2 % en 2008 à -1,3 en 2009 du fait du système de dérégulation imposé par les pays riches. Une remontée à 1,9 % en 2010 n’est possible qu’avec l’apport des pays qui limitent la spéculation dans le processus de création de richesse dans leur gouvernance économique. Aussi, le retour à une situation d’avant crise serait repoussée vers 2014. Le monde devrait pourvoir atteindre une croissance du PIB réel de 4,8 % en 2014 si aucune crise majeure ne vient changer la donne .
Il faut se demander pourquoi le FMI n’applique pas ses préceptes au pays riches, principaux responsables de la crise financière, d’autant plus qu’ils peinent, pour le moment, d’en changer les règles en profondeur pour plus de transparence et d’équité. Si le FMI était neutre et indépendant, ce qu’il n’est pas, il devrait recommander en fait la dévaluation du dollar américain et l’Euro. La Chine l’a compris puisqu’elle détient d’énormes réserves en dollar américain et en bons de trésor américain et ne voudrait pas se voir imposer un ajustement « forcé » de sa monnaie alors qu’elle soutient la croissance mondiale. Une dévaluation unilatérale simultanée du $US et de l’Euro serait une décision politique qui lui ferait perdre une grande partie de son épargne. Il n’est donc pas étonnant que la Chine cherche à retarder l’échéance d’une dévaluation du $US. Dans le cadre d’alliance stratégique, une dévaluation simultanée du $US et de l’Euro est plausible comme cela a été fait pour les taux d’intérêts de la Fédéral Réserve Bank (banque centrale américaine) et de la Banque centrale européenne qui se sont accordées pour baisser simultanément leur taux directeur au plus fort de la crise financière.
D’après le FMI, les États-unis avec une croissance du PIB réel de 1,1 % en 2008 se retrouveraient, dans les meilleures estimations, avec -2,8 % en 2009, 0,0 % en 2010 et ne verraient une reprise sérieuse et soutenable que vers 2014 autour de 2,4 %. Pour ce qui est de l’Euro, la situation n’est guère meilleure. Avec les meilleurs pronostics, ce sera une croissance du PIB réel de 0,9 % en 2008, puis -4,2 % en 2009, -0,4 % en 2010 et un espoir de reprise sérieuse et soutenable vers 2014 seulement autour de 2,3 %. Il n’est pas étonnant que de nombreux gouvernements européens tendent à se démarquer des chiffres et des interprétations du FMI pour ne pas « affoler » leur électorat. On se demande d’ailleurs pourquoi les dirigeants africains semblent être les seuls à accorder une confiance aveugle aux analyses du FMI, au point d’accepter de se relancer dans des cycles d’endettement auprès du FMI sans s’assurer au préalable d’investir dans la capacité productive, l’industrialisation, la productivité et l’efficacité dans la gestion pour assurer une capacité de remboursement. A défaut, c’est bien une capacité de dépendance pour l’Afrique et les générations futures que certains dirigeants africains sont en train de concocter en cherchant, à tous prix, à s’endetter à nouveau, en oubliant souvent d’éponger la dette intérieure, celle des entreprises locales qui créent la richesse, distribuent des emplois et soutiennent l’économie.
Pour le Japon, la croissance du PIB réel a été estimée à -0,6 % en 2008 et va se creuser pour atteindre -6,2 % en 2009, 0,5 % en 2010 et une reprise sérieuse et soutenable n’est envisageable que vers 2014 autour de 2,5 % Le Royaume Uni ne fait pas mieux. Alors que sa croissance du PIB réel était de 0,7 % en 2008, elle chute à -4,1 % en 2009 et demeurera dans le rouge avec -0,4 % en 2010. Une remontée lente serait envisagée autour de 2,8 % en 2014 .
Seule parmi les pays de l’Europe de l’Ouest, l’Autriche, par sa bonne gouvernance fait mieux et tire son épingle du jeu. La croissance du PIB réel pour ce pays était positive en 2008 avec 1,8 % avant d’accuser le coup en 2009 avec -3 %. Mais dès 2010, l’Autriche parviendra à 0,2 % de croissance du PIB puis devrait retrouver d’ici 2014 une croissance de 2,3 % . Cette performance devrait pouvoir permettre à l’Autriche d’exporter sa recette de bonne gouvernance économique tant au sein de l’Union européenne qu’au niveau international et plus particulièrement en Afrique. En comparaison parmi les pays germaniques, l’Allemagne qui avait pourtant une croissance du PIB réel positive en 2008 avec 1,3 % est durement touchée par la crise avec une chute en 2009 avec -5,6 %, difficile à remonter en 2010 avec -1,0 %. L’Allemagne devrait pouvoir retrouver en 2014 une croissance de 2,2 % .
Ainsi, il est temps que les pays riches et plus particulièrement les pays déstabilisateurs du système monétaire international prennent conscience que le principe d’utiliser l’Afrique et plus particulièrement l’Afrique subsaharienne, voir la zone franc, comme une variable d’ajustement doit s’arrêter car cela ne résout en fait pas le problème de fond… Sauf si les dirigeants africains continuent à refuser d’une part, de s’organiser collectivement et d’autre part, de s’auto-discipliner au plan de la monnaie pour aller vers des convergences monétaires. Il devient urgent pour l’Afrique de créer une monnaie commune sous-régionale ainsi qu’un Fond monétaire africain (éventuellement sous-régional en décentralisation) pour assurer une solidarité et une souveraineté monétaires africaines.
3. Interventionnisme de l’État en Afrique : Pas aux dépens du secteur privé
Le système actuel qui a mené à la crise financière a, en fait, rejeter le développement et le soutien aux capacités productives et à l’innovation comme moyen universel de création de richesse. La création de richesse par la dérégulation, en privilégiant la spéculation, a été préférée au point où les sociétés financières, profitant de l’indiscipline institutionnalisée et des opportunités ouvertes par la dérégulation de faire de l’argent facile et rapidement sur le dos de l’épargne mondiale, ont réellement tiré profit de la globalisation financière déréglementée. Les dirigeants des pays riches qui ont refusé de faire respecter les règles minimales prudentielles bancaires en érigeant la déréglementation au rang d’un Dieu nouveau, se sont comportés comme des apprentis-sorciers qui ont mis en péril leur économie dite riche, et ont contribué aussi à faire perdre près de 3,2 % de croissance du PIB réel à l’Afrique.
C’est l’interventionnisme de l’État qui a permis pour le moment de sauver la situation reléguant d’ailleurs la priorité de la lutte contre la pauvreté, l’aide au développement et la lutte contre les inégalités économiques au second plan tout en créant un chômage massif sans parler des drames humains sans précédent dans leur propre économie et par ricochet en Afrique, avec une chute extraordinaire des transferts de fonds de la Diaspora vers l’Afrique . Les répercussions sur les Africains seront perceptibles et contribueront à sortir certains dirigeants africains de leur naïveté et torpeur légendaires. La crise financière aura donc un vrai mérite, celui d’amener les Africains à investir préférablement en Afrique, dans du tangible et non dans la spéculation sur des marchés virtuels dont les règles sont déterminées ailleurs et varient au gré des intérêts des organisateurs de ce marché. Toutefois, compte tenu des pratiques en Afrique, l’interventionnisme de l’État sur le continent ne doit pas se faire aux dépens du secteur privé. L’État doit honorer la dette intérieure sans faire du paiement des taxes et impôts non adaptés des conditions préalables de paiement de cette dette intérieure. En réalité, cette bureaucratie de l’État bloque le système productif et contribue à la fermeture de nombreuses entreprises.
2009 et 2010 seront difficiles pour les Africains dans leur grande majorité. Si la résistance africaine s’organisait autour d’une économie de proximité et d’interdépendance africaine, l’Afrique pourrait s’en sortir régénérée. Elle ne pourra pas continuer, par contre, à résister avec les instruments monétaires comme le FCFA datant de la colonisation, et utiliser des monnaies nationales fragmentées servant plus à soutenir des économies non africaines puisqu’ayant pour l’essentiel une tendance à dévaluer par rapport au $ US ou à l’Euro de manière permanente depuis qu’elles existent. Il suffit de prendre le cedi ghanéen ou le naira du Nigeria comme exemple sur trois décennies. Donc, la bonne gouvernance économique nationale dont il faut créditer certains dirigeants africains ne suffit plus. Il faut une bonne gouvernance économique collective et africaine. Refuser de la mettre en place pour de sombres histoires de susceptibilités et d’ego de chefs d’État relève des gamineries de jardin d’enfants. Les citoyens africains ont dépassé cela et demanderont alors à relever ces chefs d’État de leur fonction par le respect de la vérité des urnes. Quelques résistances ici et là continueront à empêcher les peuples africains à organiser leur autodétermination économique. Mais, ceci ne devrait pas être soutenable dans le temps.
L’Afrique gagnerait à proposer au prochain G 20 la dévaluation simultanée du dollar des États-unis et de l’Euro pour limiter les conséquences des erreurs des pays riches sur l’Afrique. C’est une question d’équité, de justice, de vérité économique et surtout de solidarité effective au service des populations pauvres. Une telle décision serait à l’honneur des pays riches et ouvrirait la voie à de nouvelles formes de partenariat « gagnant-gagnant » où chaque pays serait traité d’égal à égal. L’Amérique latine et centrale est en train d’imposer aux États-Unis cette nouvelle forme de partenariat comme cela a pu être constaté lors du 5e Sommet des Amériques en avril 2009. L’Afrique devrait sérieusement commencé à l’envisager collectivement dans son partenariat Afrique-Europe.
4. Réévaluation automatique : créer un fond souverain international de solidarité
En attendant cette prise de conscience nouvelle en Afrique, la décision de dévaluer le FCFA ne peut être qu’une décision politique qui suppose une évolution des dirigeants non-africains de la zone et le consentement de dirigeants africains qui ont du mal à défendre les intérêts de leur population. La zone franc ne peut plus se gérer de manière unilatérale . Les populations doivent en prendre conscience et réfléchir sur leurs prochains dirigeants et responsables de cette zone. Encore faut-il que le processus démocratique ne soit pas usurpé, détourné ou tout simplement maquillé… Le principe de la dévaluation simultanée du Dollar des États-unis et de l’Euro pourrait se révéler être une solution pour le monde et mériterait qu’une étude approfondie soit faite de manière indépendante avec la Diaspora africaine sur les avantages ou non pour chaque grande région d’adhérer à une telle proposition novatrice, considérée pour le moment comme « tabou », comme s’il s’agissait d’une superstition.
En référence, il importe de citer les résultats impressionnants de la Chine qui est passée d’une croissance du PIB réel positive en 2008 de 9,0 % à 6,5 % en 2009 pour remonter en 2010 à 7,5 % et 10 % en 2014 . Aussi, des négociations devront avoir lieu avec ce pays pour que les avantages « automatiques » enregistrés sur sa monnaie (le YUAN) du fait d’une dévaluation simultanée du $US et de l’EURO soient calculés et convertis en un fond souverain international pour soutenir les pays qui ont justement souffert des conséquences des stratégies de la dérégulation à outrance. Ce point est d’autant plus important que l’Afrique va voir ses échanges commerciaux avec la Chine augmenter de manière substantielle dans les années à venir. Ce fond souverain pourrait alors réintroduire plus de social dans les politiques libérales prônées actuellement. Ce gain « automatique » pourrait correspondre à une forme de contribution des pays émergents à une sortie plus rapide de la crise actuelle. Il s’agit véritablement d’innover dans l’architecture monétaire internationale et entrer de plein pied dans la diplomatie de l’interdépendance. Il faut espérer que le conservatisme ambiant des dirigeants du monde fasse place à un esprit progressiste vers des solutions globales aux services des populations victimes directes ou collatérales de la crise actuelle.
Du côté de l’Afrique, encore faut-il que les dirigeants aient le courage d’inscrire de telles propositions novatrices sur leur agenda monétaire, faire confiance à des experts africains indépendants tant dans la Diaspora qu’au niveau local et venir avec des propositions ou contre-propositions lors du sommet des chefs d’État de juillet 2009. Ce somment n’aura vraisemblablement plus lieu à Madagascar comme originalement prévu. On parle de la Libye mais cela risque d’augmenter les défections… Alors pourquoi ne pas rester dans l’Océan Indien avec Maurice ou à défaut en Afrique du Sud. Le siège de l’Autorité africaine en Ethiopie reste la solution en dernier ressort. Au demeurant, le coût de ce changement de lieu de conférence et les multiples frais de voyages nécessaires pour obtenir un consensus pourrait nourrir quelques petits villages africains qui n’ont jamais fait que subir les conséquences de ces agitations mondaines.
Pour conclure, il convient de se demander pourquoi le FMI par la voie de Mme Antoinette Monsio Sayeh, Directrice du Département Afrique du FMI, fait ressortir dans ses conclusions que « les perspectives de l’Afrique se sont fortement dégradées à cause de la crise financière mondiale » alors que ce sont les perspectives des économies riches qui se sont fortement dégradées. Le FMI semble ne le constater que petit à petit et nous distille l’information par des statistiques mises à jour presque tous les deux mois maintenant. Alors que le FMI reconnaît que les promesses du G8 faite à Gleenagles en juin 2005 (doubler l’aide au développement pour les pays pauvres) ne sont que très partiellement honorées , la même institution demande un soutien accru des pays riches en passant sous silence l’importance pour l’Afrique d’organiser sa création de richesse par le développement des capacités productives. Le FMI devrait publier les statistiques sur la dette intérieure des pays et réviser sa position sur le rôle des capacités productives dans la création de la croissance économique partagée, et donc de la création de la richesse et de l’emploi décent.
La charge de la preuve n’est plus du côté de l’Afrique. On est bien dans l’ère de l’interdépendance et il faudra que chacun s’y adapte sans le faire aux dépens de l’autre.
Dr. Yves Ekoué Amaïzo
Directeur du Think Tank « Afrology »
Groupe de réflexion, d’action et d’influence
6 mai 2009
1. ANR, « Vers une Seconde dévaluation du Franc CFA », 1er mai 2009, in Maliweb, visité le 1er mai 2009 sur <Maliweb>
2. Nicolas Agbohou, Le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique, éditions Menaibuc, version révisée et augmentée, Paris, 2009, 25 Euros; visité 2 mai 2009 sur < Menaibuc>
3. J.-M Meyer et Pascal, « Christine Lagarde : « La dévaluation du franc CFA n’est pas à l’ordre du jour », in Jeune Afrique, 20 avril 2009, visité le 3 mai 2009 sur < Jeune Afrique>
4. FMI, Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, avril 2009, Fonds monétaire international, Washington, 2009 visité 3 mai 2009 sur < IMF>, p. 1, 19 et 24.
5. Le Potentiel, « Afrique subsaharienne : vers une dévaluation des monnaies africaines et une seconde du Franc CFA », voir Le Potentiel, visité 3 mai 2009 sur <Le Potentiel>
6. IMF, World Economic Outlook: Crisis and Recovery, April 2009, visité le 3 mai 2009 sur <IMF>
7. ANR, op.cit.
8. IMF, International Monetary Fund, Regional Economic Outlook: Sub-Saharan Africa, April 2009, visité le 3 mai 2009 sur <IMF>, p. 66.
9. IMF, World Economic Outlook: Crisis and Recovery, April 2009, visité le 3 mai 2009 sur <IMF>, p. 71.
10. Idem.
11. Idem, p. 190.
12. Idem.
13. Idem, p.192.
14. Idem, p. 93.
15. La nouvelle administration de Barack Obama a favorablement accueilli la demande des pays latino-américains de bâtir des « partenariats d’égal à égal », voir 5e sommet des Amériques: RFI, « Retrouvailles des pays des Amériques », 20 avril 2009, visité le 2 mai 2009 sur < RFI>
16. Yves Ekoué Amaïzo, Naissance d’une banque de la Zone Franc 1848 – 1901. Priorité aux propriétaires d’esclaves, éditions l’Harmattan, Paris, 2004, 18,30 Euros.
17. Idem, p. 195.
18. Tunisie Affaires, « La Banque mondiale dénonce les promesses non tenues des pays riches », source première AFP, visité 2 mai 2009 sur <Tunisie Affaire>; « En juin 2005, le G8 s’était pourtant engagé à augmenter son aide annuelle pour le développement de l’Afrique à 50 milliards de dollars en 2010 ». A part quelques réductions des intérêts de la dette, un transfert net de fonds n’a pas eu lieu.