LES DOSSIERS

L’érosion de l’influence française en Afrique

par Etienne de Tayo, Journaliste

Comprendre l’érosion de l’influence française en Afrique

« Cinquantenaires : appel au boycott contre la France en Afrique ». Ce titre à la Une du journal camerounais « Le Messager » en dit long sur les difficultés que rencontre la France, aujourd’hui, dans son désir d’étendre son influence sur son précarré africain. L’article est publié en prélude à une manifestation planétaire que se proposent d’organiser, une dizaine d’organisations de la société civile qui forme le collectif afro manif et des amis de l’Afrique. Ces associations comptent manifester devant les ambassades de France dans le monde et l’Assemblée nationale française à Paris. Un front de dénonciation de la politique africaine de la France et plus largement la Françafrique.

Prenant appui et puisant leur force sur le « non » au Général de Gaulle et à la France du leader guinéen Ahmed Sekou Touré, un certain 28 septembre 1958, le collectif réclame le « désengagement renégocié de la France de l’Afrique sous peine de représailles ». Ces représailles pourraient aller jusqu’à l’appel au boycott des produits et services français et leur remplacement par l’offre des pays émergents. Au plan culturel, il serait question dans les pays francophones, de se couper du Français et de la Francophonie au profit de l’Anglais et de la culture anglophone. L’objectif de ces associations est « d’en finir avec la Françafrique et tous les instruments à son service ».

La Françafrique peut être définie comme un ensemble de réseaux plus ou moins occultes qui ont servi et servent encore à la France de soumettre ses anciennes colonies et maintenir ainsi le régime colonial. L’imagerie populaire lui attribue un certain nombre d’actions ayant conduit à la déstabilisation des régimes et au pillage des richesses de l’Afrique.

Le 24 juin 2010 s’est tenu à l’Assemblée nationale française un colloque organisé par l’institut français des relations internationales (IFRI). Le thème : « la francophonie en Afrique : quel avenir ? », appelait à réfléchir sur l’influence de la France en Afrique au travers de sa langue. Il est ressorti des débats que la langue française est en net recul en Afrique. Et l’un des conférenciers, Michel Guillou de s’interroger : « Dans 50 ans, qui parlera encore le Français en Afrique ? ». Il y a en plus ce que le directeur Afrique et océan indien au ministère français des affaires étrangères a qualifié d’une « approche politique renouvelée et diversifiée de l’Afrique ». Une approche qui parce qu’elle privilégie la diversification des relations franco-africaine, semble avoir tourné le dos au régime du précarré. Ce qui, semble t-il, a mis à mal les réseaux françafricains.

Mais quel qu’en soit la puissance qu’on lui attribue, la Françafrique reste une nébuleuse, un vrai serpent de mer dont l’état de santé est aujourd’hui sujet à caution. Nous essayerons de comprendre dans cette réflexion, quel aura été sa part de responsabilité dans l’érosion constatée de l’influence française en Afrique aujourd’hui.

1. La lente agonie de la Françafrique

N’allez surtout pas le dire à l’ancien secrétaire d’Etat français chargé de la coopération et de la Francophonie, Jean Marie Bockel que la Françafrique est agonisante. Il ne vous croira pas. Lui qui porte encore la cicatrice d’une morsure à lui infligée par le monstre de la coopération franco-africaine.

Et pourtant, si l’on s’en tient à un certain nombre de faits récents, il est loisible d’affirmer que la Françafrique, du moins sous sa forme la plus funeste, vit ses derniers instants. Il y en a même pour croire que la Françafrique n’est qu’une pure création de l’esprit n’ayant aucune prise sur la réalité : « La Françafrique est une façon d’exprimer la complexité des relations entre la France et l’Afrique », souligne Nicolas Normand , le nouvel ambassadeur de France au Sénégal. Mais attention, bien que son arrêt de mort ait déjà été effectivement signé, comme l’affirmait Bockel , l’agonie peut encore durer quelques années et même plus. Telle une bête sauvage que le village traque, la Françafrique pourrait encore faire ses dernières victimes avant de tirer définitivement sa révérence. Ce qui vient de se passer au Togo jette une lumière presqu’incandescente sur le fonctionnement de la Françafrique en même temps que cela met à nu sa nature désormais morbide.

Au Togo, lors d’un meeting de l’opposition le 10 août dernier, Komi Agbedivlo plus connu sous son pseudonyme de Didier Ledoux, photographe au journal « Liberté », s’est laissé intriguer par la présence d’un officier Blanc, sanglé dans l’uniforme kaki de l’armée togolaise et qui semblait superviser le traitement au gaz lacrymogène de la manifestation par les forces de l’ordre. Il s’agit du lieutenant colonel Romuald Letondot, un officier « prêté » par l’armée française à l’armée togolaise, d’après une source du ministère français de la Défense.

 Le photographe décide alors de le prendre en photo. Ce que n’apprécie pas du tout l’officier qui lui intime l’ordre, l’air particulièrement menaçant, de supprimer le cliché : « je m’en fous que tu sois de la presse, tu enlèves la photo. Tu veux qu’on mette un coup sur l’appareil ou quoi? », demande l’officier français. Mais le journaliste ne se laisse pas intimider et le ton monte. Alors le lieutenant colonel Letondot menace : « Vous savez qui je suis? Je suis le conseiller du chef d’Etat major de l’armée de terre. Vous voulez qu’on appelle le RCGP (régiment des commandos de la garde présidentielle) pour foutre un peu d’ordre là dedans? » Et lorsque les gendarmes togolais amènent le journaliste, l’officier donne un dernier ordre : « Tu le mets en taule ». Finalement, le journaliste a consenti à effacer le cliché querellé et la chose aurait dû se muer en non événement.

Sauf que non loin de là, un caméraman de l’agence Reuters a laissé tourner sa caméra et n’a rien raté de la scène. Le lieutenant colonel Letondot tentera d’ailleurs de lui faire confisquer sa camera mais sans succès, le morceau Reuters est plus gros que le photojournaliste togolais. Quelques heures après, la vidéo d’une minute 43 secondes était sur You tube. Le buzz est inévitable. La vidéo est regardée par près d’un demi-million d’internautes dans le monde. Pris de court, la France a préféré faire profil bas. Le lieutenant colonel Letondot a été obligé de présenter ses excuses au journaliste Didier Ledoux dans les locaux de l’ambassade de France à Lomé avant d’être rappelé à Paris où une sanction disciplinaire de 10 jours d’arrêt de rigueur lui a été infligée.

Il faut dire que dans un premier temps, les autorités françaises voulaient simplement obliger le lieutenant colonel Letondot à demander des excuses publiques au photographe togolais. Ce qui en soi était déjà une vraie déculotté dans un contexte françafricain. Mais une lettre énergique de protestation de l’opposant togolais et candidat disqualifié à la dernière élection présidentielle, Kofi Yamgnane, a obligé Paris à se montrer plus rigoureux vis-à-vis du comportement indigne de son soldat. Une suggestion qui s’est transformée presqu’en ordre pour les autorités françaises. Et on peut comprendre qu’après avoir contribué à lui barrer la voie de la Présidence togolaise à Kofi Yamgnane, la France ne souhaite pas l’effaroucher outre mesure.

Voulant certainement laver l’affront de cette affaire et surtout se dédouaner aux yeux de l’opinion publique française toujours tenue au secret de l’existence de la Françafrique et des agissements de la France dans ses anciennes colonies, l’officier français a avoué au journal l’Express qu’il a « été piégé » et qu’il se « considère comme victime ». Une sortie qui a obligé finalement le journaliste Didier Ledoux à porter plainte. Donc affaire à suivre.

2. La belle époque coloniale et postcoloniale

En quoi donc cette affaire du lieutenant colonel Letondot peut-elle traduire le déclin de la Françafrique? En ceci que seulement 25 ans auparavant, du temps où la Françafrique était au firmament de sa gloire, cet incident se serait conclu de la manière à peu près suivante : l’officier français aurait obtenu facilement des gendarmes togolais sous ses ordres qu’ils détruisent, séance tenante, l’appareil du photojournaliste. Ensuite, ce dernier, après avoir reçu une bonne raclée sur place pour montrer l’exemple à tous les autres indigènes présents, aurait été amené vers une destination inconnue, ce qui dans le langage de l’époque voudrait tout simplement dire qu’il aurait disparu sans laisser de traces. Chacune des personnes ayant assisté à la scène s’empresserait de l’effacer de sa mémoire et se maudirait d’ailleurs d’avoir eu la malchance de se retrouver à cet endroit à ce moment. Les journalistes présents étant ceux qui travaillent sous contrôle du gouvernement, ils n’auraient jamais eu l’outrecuidance de laisser transpirer une telle information. Il n’y aurait donc eu que quelques uns de ses amis et sa famille pour constater sa disparition et porter secrètement le deuil. Parfois même, l’officier français aurait demandé et obtenu des excuses du président de la République togolaise. Voilà comment les choses fonctionnaient dans la planète françafricaine. Une époque que le lieutenant colonel Letondot croyait encore vivre.

L’incident du Togo a eu aussi l’avantage de jeter de la lumière sur le fonctionnement de la Françafrique. D’abord pour garantir l’offre de la Françafrique – plus principalement dans sa dimension de la barbouzerie – et susciter la demande chez les chefs d’Etats africains clients, la France, du temps du parti unique, s’arrangeait pour choisir parmi les candidats potentiels à la succession en Afrique, les plus falots et les moins disant d’un point de vue du charisme et du leadership, c’est la fameuse politique du troisième homme qui veut dire en réalité l’homme que personne n’attendait.

Lorsqu’au début des années 1990, est apparu la démocratie en Afrique, les réseaux françafricains contribuaient à fausser le jeu démocratique dans les pays africains par la caution de la France donnée au trucage des élections, à la manipulation des constitutions, à l’anéantissement des oppositions par la brimade et même l’assassinat des opposants. L’objectif étant de placer au pouvoir des hommes illégitimes, impopulaires, coupés de leurs peuples et manquant de leadership au sein même de la classe politique. Lorsque le mal élu est en place, la Françafrique lui propose le service des barbouzes pour, dit-elle, assurer sa sécurité, en matraquant le peuple et en terrorisant tous les autres membres de la classe politique. Ils sont donc des conseillers des chefs d’Etat major des armées comme le lieutenant colonel Letondot ou encore d’autres officiers à la retraite. Ainsi, parce qu’ils sont retraités, leur action n’engage pas directement la France. Et pourtant…

Un chef de l’Etat africain – on parlerait mieux d’un chef de l’Etat françafricain – ainsi mis sous protection extérieure, française en l’occurrence, ne pouvait que se soumettre à toutes les demandes de la France, y compris les plus scandaleuses. Dès lors les plus gros contrats étaient réservés à la France, les meilleurs cadeaux à l’instar des diamants de Bokassa étaient servis au chef de l’Etat français et aux hommes influents au sein du pouvoir français, les fonds gigantesques étaient mobilisés pour le financement des campagnes électorales en France. A l’époque de la fameuse « Rue de Grenelle puis la Rue de l’Elysée » à Paris où était logée la cellule africaine, cette entreprise était conduite de main de maître par un certain Jacques Foccart qui en assurait la maîtrise d’ouvrage. Quant à la maîtrise d’œuvre, elle incombait sur le terrain à un certain Bob Denard et bien d’autres barbouzes moins connus.

Lorsqu’il était déclaré qu’il a désobéi à la puissance tutrice qu’était la France, le chef de l’Etat africain en question était tout de suite mis à l’index à Paris. Dès lors le dispositif était déclenché pour sa mise à mort. En général, la Françafrique sous traitait ce sale boulot aux officiers locaux qu’on avait au préalable repéré et préparé lors de leur passage presque obligé à l’école de guerre en France. Il n’avait plus qu’à conduire le coup d’état, assuré qu’il était de la protection de la France au cas où. En général, son discours de prise de pouvoir était déjà rédigé par les soins de la Françafrique. D’où le caractère presque identique de ces discours. Lorsqu’il était en place, la Françafrique remettait le disque à la fin du générique et le pillage du continent pouvait continuer. Tous les chefs d’Etats africains de l’époque connaissaient ce dispositif et s’effrayaient eux-mêmes à l’idée de devoir désobéir à la France. Car, ils savaient que quelque part, ils signaient leur arrêt de mort.

Il faut dire que le réseau Foccart travaillait aussi étroitement avec une certaine presse néocoloniale de Paris. Ainsi, lorsqu’un chef de l’Etat africain était lâché, la « rue de Grenelle» s’arrangeait pour sortir tous les petits secrets gênants qu’on avait au préalable accumulé sur lui et les balançait à la presse qui, parfois sans vérification aucune, en faisait de gros titre. Cette campagne pernicieuse visait dans un premier temps à saper le moral du chef de l’Etat en question, dans un second temps à le couper encore plus de son peuple et de l’élite de son pays. Pendant ce temps, on recherchait dans l’armée locale, un volontaire pouvant conduire l’insurrection. C’est lorsque tout ce scénario ne marchait pas que la France pouvait faire intervenir directement son dispositif militaire pour opérer le coup d’Etat.

L’affaire Bokassa reste un véritable cas d’école où la Françafrique a presque franchi toutes les étapes évoquées plus haut avant de parvenir à la déposer. Après l’avoir soutenu dans toutes ses folies en contrepartie des diamants et tous les autres privilèges, le président français de l’époque Valery Giscard d’Estaing qui revendiquait une relation presque filiale avec Bokassa, avait décidé contre toute attente de le lâcher. Dès lors une campagne médiatique violente fut menée contre Bokassa par la presse française. Il a été présenté comme un tueur d’enfants après la répression d’une manifestation de lycéens infiltrés par des éléments aux ordres de la Françafrique. Une forte rumeur relayée parfois par la presse laissait entendre qu’on aurait trouvé de la chair humaine dans les congélateurs de Bokassa , tentant ainsi de faire valider la thèse de cannibale qu’il était. Finalement c’est l’opération Barracuda menée par les troupes françaises stationnées à Bangui qui servira à déposer Bokassa en visite officielle en Lybie. L’ancien président David Dacko sera tiré de son lit à Paris par la Françafrique et conduit à Bangui en pyjama où il a été porté au pouvoir. Une façon bien simple de l’humilier pour mieux le tenir. C’est vrai, Bokassa était un dictateur à la dérive qui était devenu dangereux même pour lui-même, mais on peut être surpris qu’alors que ses extravagances crevaient les yeux depuis plusieurs années, la France n’ait pu constater cela que des années après l’avoir utilisé dans toutes sortes de magouilles. Mais ce qui est finalement intéressant dans cette affaire, c’est que dans sa chute, le renégat Bokassa a quand même réussi à entraîner son « frère » Valery Giscard d’Estaing qui n’a pas survécu au scandale des diamants de Bokassa. Et au passage, la presse parisienne en a profité pour se racheter.

3. Que les temps changent!

Lorsqu’on rapproche le déroulement des élections présidentielles d’avril 2010 au Togo (la disqualification de Kofi Yamgnane, les fraudes massives comme à l’accoutumée, le maintien aux forceps de Faure Gnassimbe, la répression des membres de l’opposition) et l’incident de Lomé au centre duquel s’est retrouvé le lieutenant colonel Letondot, on voit tout de suite un dispositif françafricain. Mais une Françafrique bien moribonde puisqu’il a fallu juste le flash d’un appareil photo et une vidéo d’une minute 43 secondes pour qu’elle vole en éclat et s’aplatisse : « ce n’est pas un vocabulaire et une attitude compatibles avec ce qu’on attend de notre personnel, et des cadres de la défense », s’est confondu Laurent Teisseire, le porte parole du ministère français de la Défense. Lorsqu’on visionne la vidéo par laquelle le scandale est arrivé, on constate que les gendarmes portant les casques ne se plient pas immédiatement aux injonctions du l’officier français. Ils préfèrent calmer le jeu alors qu’en d’autres temps, ils auraient bondi sur le journaliste pour lui refaire le portrait au goût du lieutenant colonel. On entend d’ailleurs l’un des gendarmes dire : « Doucement mon colonel, doucement, on va régler çà ».

La réaction presque autoflagellatrice mais énergique du ministre de la défense Hervé Morin, qui a sanctionné l’officier après l’avoir obligé à demander des excuses publiques au journaliste, montre bien que la Françafrique n’a plus de véritables appuis dans la France de Nicolas Sarkozy, ni même d’ailleurs en Afrique où ses deux plus grands défenseurs, Félix Houphouët-Boigny et Omar Bongo Ondimba ont depuis libéré le planché. En France, d’après certaines sources, seul un ministre de l’ouverture qui lui-même est complètement marginalisé dans le gouvernement, prêterait encore une oreille attentive aux tambours françafricains. A coté de lui, quelques autres individus, généralement hors circuit, revendiquent aussi la paternité de la Françafrique et se prennent pour des Jacques Foccart du 21e siècle. Notamment un certain avocat parisien qui, de l’avis d’un observateur averti, « parle trop pour être pris au sérieux » car, comme on le sait, dans la loi de la barbouzerie, plus on parle, moins on est. Comme le fait observer un autre observateur, « ces messieurs ont troqué la Françafrique foccartienne, qui avait quand même le mérite de défendre les intérêts de la France, contre une Françafrique alimentaire qui spolie l’Afrique et se joue de la France ».

Dans les rangs des chefs d’Etats africains aujourd’hui, et d’ailleurs pas les plus progressistes, c’est désormais très ringard de s’afficher comme l’homme de la France alors que cela était encore très valorisant il y a seulement une vingtaine d’années. On a l’impression que chacun cherche à se démarquer de cette image françafricaine qui rebute. Ce recouvrement de la liberté de certains chefs d’Etats africains, du moins encore dans les discours, est tel que la France aura certainement de la peine à contrôler le flot.

Après s’être rapproché du Soudanais Omar El Béchir qu’il a reçu à Ndjamena en faisant un doigt d’honneur à la CPI (Cour Pénale Internationale), laquelle souhaitait le voir l’arrêter dans le cadre de l’exécution du mandat d’arrêt international, Idriss Deby Itno vient de cracher dans le plat françafricain. Lors de la célébration de la fête marquant le cinquantenaire de l’indépendance du Tchad le 11 août dernier, le président tchadien a remis en cause la présence militaire française à travers le dispositif Epervier . Il demande ainsi de clarifier ce que la France doit payer au Tchad : « Nous nous acheminons vers un accord de siège entre Epervier et le Tchad » a déclaré le président tchadien. Face à ce véritable casus belli de la part d’un des chefs d’Etat qui a le plus bénéficié du dispositif françafricain notamment à travers le fameux Epervier, la France s’est dite « prête à examiner » : « Si les souhaits (du président Deby) nous étaient confirmés officiellement dans le cadre de la relation bilatérale, bien évidemment, nous serions prêts à les examiner », a dit Laurent Teisseire, porte parole du ministère français de la Défense. Une réaction bien molle de l’ancienne puissance colonisatrice qui montre bien que les choses changent.

Il faut dire que jusque là, les accords militaires entre la France et l’Afrique étaient des accords secrets, comportant des clauses dont seule la Françafrique maîtrisait les contours. Depuis quelques temps, la France a entrepris de réviser ces accords militaires et même à démanteler les bases militaires françaises dans certains pays dont la Cote d’Ivoire et le Sénégal. Au Tchad, le dispositif Epervier servait à vendre les services de la Françafrique au gouvernement tchadien et au gouvernement centrafricain. Deux pays à la tête desquels trônent deux individus particulièrement mal élus. En 2008, n’eut été l’intervention des troupes françaises, le président Idriss Deby Itno aurait été débarqué du pouvoir par les rebelles qui étaient déjà parvenus dans Ndjamena, la capitale tchadienne. Si aujourd’hui, ce dernier fait du chantage à la France par rapport à sa présence militaire en territoire tchadien, c’est qu’il sait désormais sur quoi il compte pour sa sécurité. Et le récent rapprochement d’avec le président Soudanais Omar El Béchir, son pire ennemi il y a encore quelques années seulement, est un élément qu’il faut sérieusement prendre en compte.

4. Françafrique? Non merci

Le président Paul Biya du Cameroun est, avec ses 28 ans de pouvoir au compteur, l’un des doyens de l’Afrique francophone que la France semble courtiser pour porter le manteau de la Françafrique. Mais tout laisse croire que le sphinx de Yaoundé n’en veut pas. On a bien vu la prestigieuse place de droite que le président Nicolas Sarkozy lui a accordé lors de sa participation en France au traditionnel défilé du 14 juillet auquel étaient conviées les armées africaines, en fête pour le cinquantenaire de leurs indépendances. Mais avant d’arriver en France, le président Biya avait déjà célébré, le 20 mai, la fête nationale marquant le cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun. Dans le cadre de cette célébration, le président camerounais a organisé, les 18 et 19 mai dernier, en grande pompe, et en s’impliquant de façon tout à fait remarquable, la conférence Africa 21.

Un forum où plusieurs chefs d’Etats africains et des experts venus du monde entier ont planché sur le devenir de l’Afrique. A Yaoundé, les observateurs étaient surpris devant l’activisme du président camerounais et surtout sa capacité chaque fois à attirer ses pairs dans ses propres manifestations alors qu’il traîne la réputation d’absentéiste invétéré lors des manifestations des autres. Une performance qui doit bien avoir une explication . Dans la déclaration de Yaoundé, publié à l’issue de la conférence, il ressort en substance que « l’Afrique étant maintenant capable de réaliser son unité dans la plupart des domaines, il est temps qu’elle contribue de manière significative à l’émergence de ces solutions ». Une position qui tranche avec les visées françafricaines d’une Afrique sous tutelle et maintenue dans la pauvreté.

Et le président camerounais ne s’arrête pas en si bon chemin. Toujours dans le cadre du cinquantenaire, Paul Biya a commis en compagnie d’Abdoulaye Bio Tchané, le président de la Banque Ouest africaine de développement et du chanteur sénégalais Youssou Ndour, un ouvrage interview conduit par les journalistes français Christian Malard et Florence Klein-Bourbon. Dans cet ouvrage publié au « Cherche Midi » et dont le titre est : « Emergence de l’Afrique » , le président camerounais ne semble pas ménager particulièrement les anciens partenaires économiques du Cameroun dont la France est l’un des leaders en raison des liens historiques qui lient les deux pays.

Ainsi le président camerounais se montre très agacé lorsque les journalistes veulent lui faire comprendre, à mots à peine couvert, que l’Afrique fait fausse route en ouvrant la porte aux pays émergents : « je crois savoir que l’Union européenne est aujourd’hui le premier partenaire économique de la Chine. Pourquoi nous serait-il interdit de créer et d’entretenir des relations mutuellement bénéfiques avec les pays émergents? (…) Je l’ai dit en septembre 1986 à Hambourg lors de ma visite officielle en Allemagne : « Le Cameroun n’est la chasse gardée de personne ». Notre pays est un Etat libre et souverain » , déclare Paul Biya, un rien « révolutionnaire ». Et lorsque les journalistes l’interrogent sur ce qu’ils qualifient de « controverse de l’empreinte des économies émergents sur le continent africain », le président camerounais vide son cœur : « Mais, sans répondre directement à votre question, on ne peut s’empêcher de constater qu’est née depuis un certain temps déjà dans l’opinion une espèce de cabale contre l’arrivée des partenaires du sud Est asiatique, notamment les Chinois, sur le marché africain; quitte à se demander à qui profite la cabale… (…) Ces pays sont moins disant en matière de coût de l’investissement et de plus value pour l’économie camerounaise (…) Que l’on cesse donc de diaboliser le partenariat avec les pays émergents : après tout, ils sont peut-être les mieux placés pour appréhender nos problèmes de développement et de croissance » , conclut-il. Tenant de tels propos, il est tout à fait clair que le président Paul Biya tourne le dos à l’offre françafricaine.

Ali Ben Bongo Ondimba est le chef de l’Etat africain dont la Françafrique a récemment revendiqué ouvertement avoir contribué à sa réélection à la tête du Gabon. Ce qui pouvait aller de soi puisque son père Omar Bongo Ondimba était le dernier parrain africain de la Françafrique. Or, depuis qu’il est aux affaires, Ali ne cesse de se démarquer, du moins dans le discours, faisant dire d’ailleurs qu’il est en plein exécution d’un véritable parricide.

Lors de la conférence Africa 21 à Yaoundé, le président gabonais a marqué la jeunesse africaine dans un discours à elle entièrement consacré. Ainsi, au risque de mettre mal à l’aise ses aînés chefs d’Etats dont certains totalisent déjà plus de 25 ans de pouvoir, il a condamné la « boulimie du pouvoir » en recommandant de savoir faire la place aux jeunes : « Le progrès auquel aspire la jeunesse africaine, c’est-à-dire nos dirigeants de demain, doit être placé au cœur des gouvernants africains que nous sommes. Pour ma part, je reste convaincu que les jeunes africains peuvent changer le monde et doivent changer le monde », souligne le président gabonais.

Il y a aujourd’hui un maillage intra-africain des expertises qui fait que de plus en plus, des dirigeants africains recrutent dans leur entourage les sommités intellectuels africains pour leur apporter un savoir purement africain et devant favoriser le développement endogène de l’Afrique. Bien évidemment, cette opération se fait au détriment des réseaux françafricains qui avaient aussi pour fonction entre autre de fournir l’assistance technique aux dirigeants africains. Ainsi, le président Gabonais, Ali Bongo Ondimba a pris dans son cabinet, l’astrophysicien d’origine malienne Cheikh Modibo Diarra. Aux dernières nouvelles, le président congolais Denis Sassou-Nguesso se serait attaché les services du linguiste Théophile Obenga qui n’est autre que l’un des disciples les plus proches du professeur Cheikh Anta Diop , l’Egyptologue et l’immense savant sénégalais dont les travaux sur l’Egypte ont contribué à donner un peu plus de dignité aux Africains. On peut tout dire, mais que Denis Sassou-Nguesso ait consenti à avoir à ses cotés une personne qui lui tient un discours différent de celui de la Françafrique est un immense progrès qui montre qu’aujourd’hui, chaque dirigeant africain francophone est en train de faire son chemin de Damas.

La devise de la Françafrique a toujours été : la France d’abord, ses dirigeants et les barbouzes ensuite, et les miettes pour l’Afrique. Une devise à laquelle consentaient, peut-être malgré eux, certains dirigeants africains. Aujourd’hui, chez tous les Africains, y compris leurs dirigeants, l’heure est à l’affirmation de la priorité africaine. Nous avons évoqué le livre auquel le président camerounais a participé et dont le titre est : « L’émergence de l’Afrique ». Le président de la commission de l’Union africaine Jean Ping a publié un ouvrage dont le titre est : « Et l’Afrique brillera de mille feux » . Un volontarisme qui tranche avec la morosité et l’afro-pessimisme qu’engendre la Françafrique.

L’autre indice de l’agonie de la Françafrique, ce sont les plaintes des entreprises françaises en Afrique. Désormais, ces entreprises se voient damer le pion par les entreprises des pays émergents dans l’octroi des marchés publics sur le continent. Et que fait le Medef? Elle n’a plus que ses yeux pour pleurer. Lors du dernier sommet Afrique-France tenu à Nice en France, le Medef a présenté une charte de l’entrepreneur en Afrique dite « charte de responsabilité sociale ». Dans cette charte, entre autre, les entreprises françaises présentes en Afrique prennent l’engagement de combattre la corruption et de désormais favoriser le développement des pays d’accueil. La charte et ses promesses étaient dirigées vers les chefs d’Etat africains présents au sommet de Nice. Au bon vieux temps de la Françafrique triomphante, le Medef n’aurait pas eu besoin de faire des promesses. La France aurait fait fonctionner le réseau françafricain et les chefs d’Etat africains ciblés se seraient exécutés parfois sans contrainte. Aux yeux de la France, ces anciens « élèves » sont devenus des amis infidèles qui se permettent même de taper sur la France.

5. Le « french bashing »

En fait, en Afrique, les chefs d’Etats adopteront de plus en plus cette attitude du « french bashing » tant il est vrai que cela leur donne un visage plus humain auprès de leurs peuples qui eux, sont en rupture nette avec la France et en incompréhension avec les Français . Taper sur la France pour se bonifier auprès de son peuple ou la soutenir pour aggraver son illégitimité auprès de ce peuple. Voilà le dilemme devant lequel beaucoup de chefs d’Etats africains francophones ne perdront plus du temps à trop réfléchir. Ils constatent que celui qu’on peut considérer comme le véritable tombeur de la Françafrique, le président ivoirien Laurent Gbagbo, est toujours au pouvoir en Côte d’Ivoire et est même d’ailleurs assuré de sa réélection prochaine. Ceci, malgré les coups de boutoir qu’il porte à la Françafrique et même à la France puisqu’il a été le seul chef d’Etat invité à bouder le défilé du 14 juillet sur le Champs Elysées à Paris.

S’il peut aujourd’hui revendiquer une certaine indépendance et gagner en popularité auprès de son peuple, c’est parce que Laurent Gbagbo a compris que la protection d’un chef d’Etat africain ne dépend pas de quelques barbouzes que lui prête la Françafrique mais bien d’un encrage au sein de son peuple qui constitue le plus grand bouclier. La preuve, c’est presque à mains nues qu’en 2005, au plus fort de la crise en Côte d’Ivoire entre la force française Licorne et les ivoiriens, les patriotes de Charles Blé Goudé avaient réussi à faire reculer les militaires français. Et c’est tout le dispositif françafricain qui était ainsi démystifié.

Pour plusieurs chefs d’Etat francophones aujourd’hui, la France n’est plus qu’un partenaire parmi tant d’autres. Ne devant plus bénéficier d’aucun privilège, elle doit travailler à gagner sa place auprès de ses anciennes colonies qui pour la plupart ont grandement ouvert les portes aux nouveaux partenaires et ne s’en cachent d’ailleurs pas. C’est ce message de rupture que le président gabonais Ali Bongo Ondimba a tenu à signifier à la France lors d’une conférence de presse tenue dans le cadre de la célébration des cinquante ans de l’indépendance du Gabon. Face aux journalistes, le successeur d’Omar Bongo Ondimba a dit ceci : « Le Gabon est ouvert à tous, sans exclusive. A tous ceux qui veulent venir travailler. Nous avons aussi nos partenaires traditionnels. Ce qu’ils font est peut-être moins excitant, apparaît moins que les actions de ceux qui viennent d’arriver, mais ils sont toujours là. Nous avons accueilli ici le président Nicolas Sarkozy et nous avons redéfini notre partenariat. Mais vous comprenez que chacun puisse avoir ses partenaires. La France a ses partenaires, les pays africains peuvent aussi avoir leurs partenaires. Ce ne sont pas des relations exclusives. Cela n’existe plus. C’est terminé cela ». Une rupture qui vient du Gabon, tout un symbole.

En France, les tenants de la Françafrique continuent de berner le peuple avec un discours suranné qui consiste à dire que si la France va en Afrique, c’est pour apporter la civilisation, nourrir et soigner les populations délaissées par leurs dirigeants corrompus. L’Afrique, couverte de tous les clichés dégradants, continue d’être présentée comme une charge pour la France. Un discours qui malheureusement continue de mettre le peuple français en porte à faux avec tous les autres peuples du monde qui lui étaient proches du fait des affinités de l’histoire. La baisse de l’influence en Afrique et dans le monde n’enchante personne. En tout cas, pas les locuteurs de la langue française que nous sommes puisque quelque part, c’est notre influence propre qui s’effrite aussi.

Mais avec ce qui s’est passé au Togo, les Français, qui sont un peuple généreux dans son ensemble, devraient quand même se poser un certain nombre de questions : comment tout un lieutenant colonel, formé avec l’argent du contribuable français et représentant la grandeur de la France, peut-il accepter d’être commis comme superviseur des actions de répression de l’armée togolaise sur le terrain. Qu’est ce qui peut motiver cela si ce n’est l’appât du gain. Lorsqu’on vient pour l’assistance technique – dont l’Afrique n’a même plus besoin aujourd’hui puisqu’elle a des experts dans presque tous les domaines – ne peut-on pas au moins avoir l’élégance de rester dans le back office pour concevoir. Pourquoi tant de zèle qui pousse un officier étranger à se comporter dans un pays souverain comme s’il était en territoire conquis ? En tout cas, le lieutenant colonel Romuald Letondot a contribué à sa manière à creuser encore plus profond, la tombe de la Françafrique.

mis en ligne le 22 octobre 2010

Etienne de Tayo, Journaliste
Promoteur « Afrique Intègre »
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1. Lors du remaniement ministériel du 18 mars 2008, Jean Marie Bockel quitte le secrétariat d’Etat à la Coopération et à la Francophonie pour celui des anciens combattants. Plusieurs observateurs voient en cette mutation, une sorte de disgrâce. D’après ces personnes, il paierait ses propos au sujet de la Françafrique dont il avait annoncé la mort prochaine. Ces propos auraient été très mal pris par le président gabonais Omar Bongo Ondimba qui aurait demandé et obtenu la tête de Jean Marie Bockel auprès de Nicolas Sarkozy.

2. D’après le site Wikipédia, « l’expression « Françafrique » désigne les réseaux d’influence français en Afrique, qui sont une composante des relations diplomatiques entre la France et ses anciennes colonies africaines. Elle recoupe largement l’espace de la Francophonie. L’expression semble avoir été employée pour la première fois, en 1955, par l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. La Françafrique implique des détournements de fonds, le soutien de dictateurs, des assassinats politiques qui ne sont pas dévoilés au public français ».

3. Monsieur Normand a été nommé pour remplacer Jean Christophe Rufin, débarqué pour cause de ses relations difficiles avec le président Sénégalais Abdoulaye Wade. Dans un quotidien privé sénégalais « L’Observateur », le nouvel ambassadeur revient d’ailleurs sur cette affaire en promettant de corriger le tir : « Je n`ai pas le sentiment de marcher sur des œufs. Jean-Christophe Rufin a sa personnalité, c`est un écrivain, un académicien. Il a un charisme important. Moi, je suis un fonctionnaire, un diplomate, un spécialiste de l`Afrique ».

4. Jean-Marie Bockel avait déclaré lors de ses vœux à la presse, le 15 janvier, que «l’un des premiers freins au développement, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants». Par la suite, le secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie avait déclaré dans «Le Monde» que la «Françafrique» était «moribonde»: «Je veux signer son acte de décès», avait-il poursuivi.

5. Dans sa missive datée du 12 août, l’ancien ministre français écrivait ceci : « Pensez-vous que les seules excuses que vous demandez à votre agent de présenter au journaliste suffisent à apaiser la colère de tout un peuple qui ne veut plus être méprisé ? Ne pensez-vous pas que par son comportement, le lieutenant colonel Letondot a déshonoré l’uniforme de l’armée française et qu’il doit, pour cela, être immédiatement rapatrié pour s’expliquer devant sa hiérarchie ? »

6. Sur décision de la Cour constitutionnelle du Togo, Kofi Yamgnane avait été écarté de la course à l’élection présidentielle de mars 2010. La Cour avait relevé que, sur ses papiers d’identité français, Yamgnane était né le 11 octobre 1945 ; et sur ses documents togolais, le 31 décembre 1945. “Cette situation est de nature à semer la confusion sur l’identité de la personne et par voie de conséquence à fragiliser la sécurité juridique et judiciaire inhérente à la magistrature suprême du pays”, avait tranché la Cour.

7. L’affaire des diamants est déclenchée le 10 octobre 1979 par le « Canard Enchaîné ». D’après ce journal, des diamants de 30 carats d’une valeur de 1 million de francs auraient été remis en 1973 à Valery Giscard d’Estaing, alors ministre français des Finances par le président de la République Centrafricaine, Jean Bedel Bokassa.

8. Des rumeurs prétendaient que Bokassa s’adonnait au cannibalisme à l’occasion, ce qui lui valut le surnom de « l’Ogre de Berengo », mais ces accusations furent rejetées lors de son procès et jugées improbables par les nombreux enquêteurs dépêchés sur place à la suite de son renversement. Il semblerait que cette histoire ait été inventée par les services secrets français pour ajouter du crédit à l’image de monstre qu’on voulait donner de Bokassa à l’époque pour justifier son renversement.

9. Lorsque l’affaire des diamants avait été déclenchée, Giscard d’Estaing a déclaré : « il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison ». Il avait sous estimé l’ampleur du « complot des diamants » : «J’imaginais que les Français savaient que je me consacrais entièrement à ma tâche et qu’ils écarteraient d’eux-mêmes l’hypothèse d’une telle médiocrité», écrira plus tard VGE dans Le Pouvoir et la vie. Son attitude, perçue comme de l’arrogance et un aveu de culpabilité, l’a sans doute handicapé pour la campagne présidentielle de 1981

10. En poste comme ambassadeur de la France à Dakar, l’écrivain Jean Christophe Rufin a eu maille à partir avec la Françafrique alimentaire. Il était d’autant plus désorienté qu’il avait cru au discours sur la rupture de Nicolas Sarkozy. Il vient d’être démissionné de son poste suite à une cohabitation plutôt difficile avec le président sénégalais Abdoulaye Wade. Rufin revient sur terre :  » Sarkozy avait promis d’en finir avec la Françafrique, ce réseau d’intermédiaires qui vendent leur influence auprès des dirigeants du continent noir aux hommes d’affaires qui y travaillent. Comme un con, j’ai cru à la rupture. Je m’aperçois que rien n’a changé. Les réseaux se sont reconstitués, plus puissants que jamais ».

11. Le président soudanais est poursuivi par cette même cour pour crime de guerre et crime contre l’humanité du fait de son rôle présumé dans les atrocités commises au Darfour, dans l’ouest du Soudan.

12. D’après le site Wikipédia, l’opération Épervier au Tchad, a été déclenchée début février 1986 à l’initiative de la France après le franchissement du 16e parallèle par les forces armées libyenne venues soutenir Goukouni Oueddei qui avait été renversé fin 1981 par Hissène Habré avec le soutien de la France et des États-Unis. Elle succède à l’Opération Manta qui en 1983-1984 avait été déclenchée pour les même raisons.

13. En matière d’accord militaire, le Tchad est un symbole. Le pays est présenté comme le coin supérieur droit du pré carré français – s’il tombe, alors tout l’édifice s’écroule. Le Tchad fait partie des premiers signataires des accords de défense ratifiés par la France dans la période des indépendances. Puis en 1976, ces accords furent remplacés par un accord de coopération militaire et technique. Ce qui dans le fonds, ne changeait rien.

14. D’après le site Rue89, ces accords signés entre la France et ses anciennes colonies, intègrent toujours une convention sécrète de maintien de l’ordre qui « sert à garantir aux potentats locaux africains la tranquillité, une sorte d’assurance vie ou plutôt d’assurance de conserver le pouvoir. Ces textes secrets prévoient une intervention, à la discrétion du président de la République française, en faveur des présidents africains qui en font la demande. Le document publié par le site Rue89 prévoit 3 points majeurs : Premier point : la France « peut » intervenir, mais n’a aucune obligation de le faire. C’est à la discrétion du président de la République française, seul décisionnaire sur ce sujet. La demande passe par l’ambassadeur de France. Deuxième point : c’est le chef de l’Etat africain qui formule sa demande « dans une situation particulièrement grave ». Laquelle situation n’est pas plus détaillée : il n’est pas fait mention d’agression extérieure ou de menace quelconque. Les termes restent suffisamment vagues pour justifier toute demande. Troisième point : le commandement des troupes locales et l’usage du feu sont immédiatement transférés à l’officier français envoyé sur place.

15. Il se trouve que Paul Biya maîtrise parfaitement l’art de savoir rester distant, se faire oublier pour apparaître ensuite aux yeux des autres comme un objet de curiosité. C’est cet art qui ressemble à s’y méprendre au charisme qui lui permet à chaque fois de drainer ses pairs africains dans ses manifestations alors qu’il ne se dérange pas souvent pour les assister lorsqu’ils ont besoin de lui dans leurs propres manifestations. On l’a vu par exemple répondre aux abonnés absents au sommet de l’OUA alors que un an auparavant la quasi-totalité des chefs d’Etat africains étaient venus participer au sommet de Yaoundé. Mais cela n’a pas empêché que quelques années après, lorsqu’il recevait le sommet Afrique France, que les mêmes chefs d’Etat accourent.

16. Christian Malard et Florence Klein-Bourbon, L’Emergence de l’Afrique, Paris, Le cherche midi, 2010

17. L’Emergence de l’Afrique, pp 17-18

18. L’Emergence de l’Afrique, Paris, Le cherche midi, 2010, pp 21-22

19. Pendant la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle gabonaise, alors que les soupçons d’un soutien français au candidat Ali Bongo faisaient le tour des rédactions et des chaumières, Robert Bourgi, l’avocat de Paris, chantre de la Françafrique déclare : « Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra ».

20. Cheick Modibo Diarra est un astrophysicien malien, né en 1952 à Nioro du Sahel, au Mali. Il est aujourd’hui président de Microsoft Afrique]

21. Théophile Mwené Ndzalé Obenga, né à Mbaya, (République du Congo) le 2 février 1936, est Egyptologue, linguiste et historien. Avec Cheikh Anta Diop, il défend une vision de l’histoire africaine recentrée sur les préoccupations des chercheurs et intellectuels africains, soucieux de revisiter leur patrimoine (Afrocentricité). (Wikipédia)

22. Cheikh Anta Diop (né le 29 décembre 1923 à Thyetou – mort le 7 février 1986 à Dakar) est un historien et anthropologue sénégalais. Il a mis l’accent sur l’apport de l’Afrique et en particulier de l’Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales

23. Et l’Afrique brillera de mille feux, Paris, l’Harmattan, collection Grandes figures d’Afrique, juin 2009

24. Le Mouvement des entreprises de France, en abrégé MEDEF, est une organisation patronale représentant les dirigeants des entreprises françaises.

25. Selon des télégrammes envoyés par des diplomates français basés en Afrique, il y a une incompréhension entre l’opinion française, qui tend à voir dans les Africains « des gens pauvres parce que corrompus », et l’opinion africaine qui voit une France « frileuse, doutant de ses intérêts, méfiante à l’égard de la jeunesse africaine ». (Nouvel Observateur)