Église occidentale et politique africaine
Une cohabitation étrange
Religion universelle et humanisme sélectif
L’Eglise est-elle apolitique?
Est-il possible de penser une religion universelle sans une culture commune? L’appel à la prière ou les sourates pourraient-ils s’envisager en Français ou en Anglais? Le Dieu du catholique entend-il les prières du camerounais rempli de fautes d’orthographe et avec un fort accent petit-nègre? A l’inverse, l’allemand pourrait-il invoquer en Bambara ou en Kabyè le Dieu de la foudre en Afrique?
Le projet universaliste des religions s’apparente, à notre sens, à une guerre de conquête culturelle. La grande religion de la Francophonie (sous-ensemble de religions « Latines »), chrétienne dans son essence, nous démontre à travers maints exemples la différence de traitement entre ses composantes. L’Afrique prie et invoque aujourd’hui un Dieu chrétien, souvent en Français, en Anglais, en Portugais (héritages de la colonisation). Peut-on raisonnablement parler d’une église africaine au même titre que l’on parle d’églises romaines, anglicanes, orthodoxes?
« Au commencement était le Verbe »… Ce verbe était-il français, hébreux, araméen? A l’origine de toute invocation mystique la langue véhicule une histoire, une culture. Une religion universelle est-elle dès lors possible sans un langage et des valeurs communs?
L’église française: Tout récemment, un prêtre égorgé dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux jeunes djihadistes se réclamant de l’État islamique, (le père Hamel) peut légitimement être considéré comme un martyr, selon Mgr Dominique Lebrun, qui s’est dit prêt à enclencher une procédure de canonisation, dans le délai imposé de cinq ans.
Avoir fait un miracle, condition généralement imposée par l’Église pour une canonisation, ne serait pas nécessaire. «Pour les martyrs, leur fidélité à la foi, devant la mort tient lieu de miracle. […] La mort du père Jacques Hamel est le témoignage ultime de sa foi en Jésus, qu’il a affirmée jusqu’au bout», dit l’archevêque depuis son lieu de pèlerinage sur la tombe de Jerzy Popieluszko, «prêtre assassiné par l’idéologie communiste, aujourd’hui martyr reconnu». Assassiné en 1984 par des agents du régime communiste, Jerzy Popieluszko, qui fut l’aumônier du syndicat Solidarnosc, a été béatifié comme martyr le 6 juin 2010 à Varsovie.
L’église en Afrique (Peau noire, Maîtres blancs): Pendant ce temps, au Rwanda, Mgr Joseph Ruzindana, évêque de Byumba (Nord), Mgr Thaddée Nsengiyumva, évêque de Kabgayi (Centre), Mgr Vincent Nsengiyumva, archevêque de Kigali et Président de la Conférence des évêques catholiques du Rwanda ainsi que plusieurs autres religieux furent assassinés le 5 juin 1994 à Gakurazo, dans le centre du Rwanda, par un commando appartenant au bataillon 157 du FPR (Front patriotique rwandais au pouvoir à Kigali aujourd’hui); bataillon qui était dirigé à l’époque par le Colonel Fred Ibingira (Général aujourd’hui) – Source JamboNews. Ceux-là attendent toujours une reconnaissance de leur église; nous sommes aujourd’hui hors délai pour les 5 ans réglementaires.
La méthode était pourtant identique dans certains cas (conflits idéologiques ou ethniques, violence et recours à des armes blanches). S’il faut avoir mangé de la pomme du jardin d’Eden pour être reconnu descendant d’Adam et traité comme tel, les africains avec leurs oranges et mangues vont devoir se trouver d’autres ancêtres divins.
Le plus étrange réside dans la soumission béate de l’africain à cette curieuse forme de statu quo. En 2016, des religieuses rwandaises assassinées au Yémen le vendredi 4 mars sont des « martyres », a affirmé Mgr Smaragde Mbonyintege, l’évêque de Kabgayi, au centre du Rwanda.
L’Eglise africaine aurait-elle peur d’honorer ses membres dans un contexte politique étriqué? Quel sens donnons-nous alors à la séparation de l’Eglise et du pouvoir? Quel est le poids du Saint Père des catholiques dans les pays d’Afrique?
Avec l’évolution actuelle de la pensée et des cultures, il serait assez logique de consacrer l’Eglise catholique comme une entité étatique ordinaire avec son armée, ses diplomates et ses ministres et un président élu ou nommé (le Pape). Les archevêques seraient alors des ambassadeurs avec leurs ministres conseillers. La délivrance des fameux « visas » pour le paradis pourrait dès lors se comprendre comme un acte symboliquement politique…
Pour le moment, il est difficile d’accepter l’idée que nos ancêtres (a l’instar de Kodjo-le-borgne, analphabète) ne sont pas au paradis des Saints (s’il existe) du simple fait qu’ils ne savaient pas réciter un Ave Maria en latin.
Bruxelles, le 24 août 2016
Gustav Ahadji