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Mondialisation: le grand échec

Protectionnisme : une carte à jouer pour l’Afrique

Alors que souffle un vent de protectionnisme sur plusieurs régions du globe, l’Afrique n’y échappe pas, malgré le poids grandissant des accords de libre-échange.

La poussée protectionniste aux États-Unis et en Europe inquiète les grands dirigeants économiques aux assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale – autant qu’elle les contraint à un délicat exercice d’équilibriste : continuer à défendre le libre-échange tout en admettant les failles de la mondialisation. Au milieu des promesses de modération de la part des grandes économies, l’Afrique pourrait tirer avantage dans cette période charnière en se tournant vers les marchés intra-africains. Et pour y parvenir, les économistes préconisent un protectionnisme beaucoup plus souple entre voisins.

La pauvreté s’accentue en Afrique

L’activité économique en Afrique subsaharienne sera en chute libre cette année, avec un taux de croissance au plus bas depuis un quart de siècle (1,4 %, contre 3,4 % en 2015), selon le FMI. L’économie progressera donc bien plus lentement que la population, au risque d’aggraver encore la pauvreté d’une région qui abrite plus de la moitié des 766 millions de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, soit le seuil d’extrême pauvreté. « Je suis inquiète pour les pays d’Afrique subsaharienne », a commenté la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Malgré l’ouverture de son économie et l’explosion des échanges avec la Chine, l’Afrique subsaharienne est la seule région du globe à avoir vu le nombre de personnes en extrême pauvreté augmenter depuis 1990.

Échec du libre-échange à tout-va

Entre la récession au Nigeria, plombée par la chute des cours du brut, la quasi-stagnation en Afrique du Sud et le boom en Côte d’Ivoire (8 % de croissance attendue cette année), les situations varient toutefois grandement selon les pays. Les conditions climatiques, la situation sécuritaire et l’instabilité politique pèsent par ailleurs beaucoup sur les perspectives économiques.

Mais, selon des ONG, le diagnostic global dans la région reflète avant tout l’échec du libre-échange à tous crins porté par les plans d’ajustement structurel des années 1980-1990 et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « L’Afrique s’en sortait bien ces dernières années grâce aux prix du pétrole et d’autres matières premières qui grimpaient », relève pour l’AFP Antonio Gambini, du Centre national de coopération au développement. « Mais les cours ont dégringolé et, avec le libre-échange qui leur a été imposé, ces pays ont dévissé parce qu’ils n’ont pas pu se diversifier. »

Un protectionnisme mesuré

À contre-courant des prescriptions traditionnelles, une certaine dose de protectionnisme pourrait dès lors aider les pays africains à solidifier leur économie à l’abri de la concurrence étrangère. Un schéma pas si simple. Le continent africain est entré de plain-pied dans la mondialisation dans les années 90. Vingt ans plus tard, l’Afrique est ballottée ces dernières années entre deux schémas : libéralisation et protectionnisme. Dans un premier temps, l’ouverture économique de ces quinze dernières années a permis une croissance rapide, l’arrivée de multinationales…

Dans un autre mouvement plus récent et porté par quelques pays comme l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria ou encore l’Afrique du Sud, on a vu des États mettre en place des mesures protectionnistes pour permettre l’essor de champions nationaux : MTN dans les télécoms, Dangote Group dans le ciment et l’agroalimentaire, Attijariwafa Bank, Ethiopian Airlines… pour ne citer que ceux-là. Plus qu’un argument de rejet de la mondialisation dans ces pays, c’est surtout une question stratégique pour faire monter en puissance les entreprises africaines. « Si nous voulons vraiment une croissance mondiale partagée par tous, alors il faut créer la possibilité de se protéger », affirme à l’AFP Max Lawson, de l’organisation Oxfam. « L’équation plus de commerce = moins de pauvreté n’est pas si simple. » Plusieurs pays asiatiques, dont le Vietnam, la Corée du Sud ou Taïwan, ont ainsi bâti leur expansion économique sur de fortes exportations couplées à de drastiques restrictions sur les importations pour protéger leur marché intérieur.

Équilibre

Sur le continent africain, l’Éthiopie, qui devrait connaître une forte expansion en 2016 (6,5 %), a jalousement protégé ses secteurs des télécoms et financiers. Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, Makhtar Diop ne croit toutefois guère aux mesures de repli économique. « Dans les moments de crise, il y a un réflexe protectionniste parce qu’on croit que c’est la solution, mais toutes les évidences montrent que le commerce international a été un facteur de développement », indique-t-il dans un entretien accordé à l’AFP.

Selon lui, la pauvreté persistante dans la région tient à de « mauvaises » politiques de redistribution des revenus, notamment au moment où le baril dépassait les 100 dollars. Une fois installées, les barrières protectionnistes sont par ailleurs « difficiles à supprimer » parce qu’elles sont défendues par des groupes d’intérêts qui veulent conserver leur pré carré, ajoute cet ancien ministre sénégalais des Finances. « Il faut trouver un équilibre », concède-t-il toutefois, notamment en laissant aux secteurs naissants le temps de pouvoir se mesurer à la concurrence étrangère. Mais la priorité est, selon lui, au contraire d’approfondir les échanges, spécialement entre pays africains.

Publié le 10/10/2016 à 16:40 | Le Point Afrique
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