Le prétexte Jihadiste, alibi à la militarisation des Etats
Ouagadougou: le 14 août 2017. Des hommes armés ont attaqué un café de la capitale avant de se retrancher dans un immeuble du quartier. Au moins sept Burkinabè et huit étrangers figurent parmi les victimes. Au-delà de la consternation et de l’émotion tout à fait justifiées, il est plus que temps de prendre la mesure de la situation pour une analyse objective.
Les faits
«Aux environs de 21 heures, une attaque terroriste a touché le restaurant Istanbul sur l’avenue Kwame Nkrumah à Ouagadougou», a indiqué le gouvernement burkinabè dans un communiqué. «Le bilan est de 18 morts dont 14 gisent toujours sur le site de l’attaque. Parmi ces 14 morts se trouvent deux assaillants. Le nombre total des assaillants est inconnu», a indiqué un officier de l’armée burkinabè.
Le ministre burkinabé de la communication, Remis Fulgance Dandjinou, a évoqué des victimes «de différentes nationalités, des Burkinabè et des étranger, sans décompte précis. Au moins un Français figure parmi les victimes. Aucune précision n’a néanmoins été donnée sur cette victime française.
Une enquête antiterroriste pour assassinat a été ouverte à Paris. Elle a été confiée à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et à la Direction centrale de la police judiciaire, a précisé le parquet. Emmanuel Macron a condamné lundi cette et s’est entretenu dans la matinée avec son homologue burkinabé, a indiqué l’Elysée. Le chef de l’Etat a fait le point avec le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré «sur les circonstances de l’attaque, l’identification des victimes et sur l’enquête visant à identifier les commanditaires».
Les éléments troublants
Attaque terroriste: Sans aucune base concrète ni revendication formelle, l’attaque est rapidement cataloguée « terroriste ». Ceci permet de faire l’impasse sur un certain nombre de procédures et d’éléments comme par exemple la mission des victimes étrangères sur le territoire burkinabè.
Enquête ouverte à Paris: Nous n’avons pas encore connaissance de faits similaires faisant état d’une enquête officielle dans un Etat d’Afrique Noire pour des faits commis en France. Il nous revient une situation identique en Côte d’Ivoire avec un camp français prétendument détruit par les terroristes de Laurent Gbagbo, et pour laquelle nous attendons toujours les conclusions. Dans un Etat souverain, Macron aurait demandé à être tenu informé des résultats de l’enquête; il aurait tout au moins proposé une assistance à son « homologue » Kaboré.
Président homologue: La définition du Larousse assimile le terme à une entité « Qui correspond à quelque chose d’autre, qui en a le même rôle, le même caractère dans un système différent ». Peut-on qualifier Macron et Kaboré d’homologues lorsque l’on sait que le dernier ne pourrait jamais envisager occuper la banlieue de Montreuil avec ses militaires, même aux prétentions obscures de défendre les membres de sa communauté? Il ne serait pas étonnant de voir la France augmenter son effectif _ dans le nord du pays _ suite à ces événements successifs dans la capitale.
Panne de confiance
Nous avons traversé le Togo, le Burkina et le Mali en Juillet 2017. Ce que que nous avons pu voir et photographier le long du parcours est assez édifiant.
Présence militaire française: Officiellement, les soldats français de l’opération Barkhane sont déployés au Mali pour lutter contre le terrorisme et former leurs homologues maliens. Très applaudis en 2013, ils ont aujourd’hui perdu toute l’estime des populations maliennes. Ils sont en effet suspectés de prêter main forte aux rebelles de Kidal. Dans les rues de Bamako que nous avons sillonnées, on dénonce cette duplicité de l’Hexagone et des manifestations hostiles deviennent fréquentes. La principale interrogation de la rue : Que cherche la France au nord du Mali ? La question est d’autant plus légitimes que la France se montre intimement attachée à la 8è région administrative du Mali. Subterfuges politiques, dépenses mirobolantes, acheminement de matériels non identifiés, dépôt de déchets nucléaires et stationnement de la force Barkane à Kidal… La France aurait-elle un agenda caché pour le nord du Mali ?
Formation des forces armées locales: Il n’existe vraisemblablement aucun projet de reprise de la mission française. Les militaires français ne se mélangent pas aux africains; les villes et les lieux touristiques visés par les prétendus Jihadjistes qont confiés à la surveillance maladroite des indigènes affublés de fusil et de gilets mais sans formation.
Le terrorisme a cet avantage d’autoriser la sortie en arme des éléments de la défense nationle, sans trop choquer et sans avoir à décréter d’état d’urgence ni de couvre feu.
Absence de compétence et sous-équipement
Au Mali, comme au Burkina Faso, que nous avons traversés dans un bus de transport public, les nombreux contrôles de gendarme, de police et de douane locaux avaient pour unique objectif l’intimisation et le racket des passagers. La règle de calcul est même prédéfinie à certains postes de contrôle:
– Frais de base (obligatoire): 2000 CFA
– Défaut de carnet de vaccination: 1000 CFA
– Défaut de documents de voyage ou de visa: 3000 CFA
La traversée nous a coûté (2 adultes et 3 enfants) un total de 62.000CFA au Mali et au Burkina sans aucun reçu, malgré des visas et documents en ordre. Nos bagages n’ont jamais été contrôlés.
Au Burkina Faso, il y a un contrôle pratiquement tous les 100km avant et après la capitale. Nous avons été contraints une dizaine de fois de sortir en file indienne (80 personnes – voir photo ci-dessus) et rejoindre le bus 500m après une barrière de tonneaux, parfois sous une pluie battante. Comment comprendre dès lors que les assaillants aient pu acheminer en toute quiétude des armes vers la capitale? La seule explication est le paiement des pots de vins, même dans le pays des homme dits « intègres ».
Nous avons ensuite séjourné dans les capitales Bamako puis Ouagadougou (au Pacific Hotel) à quelques dizaines de mètres des lieux de l’attaque, sans croiser une seule patrouille de police.
En Europe pendant ce temps, dans le cadre de la menace terroriste, le flux de ces voyageurs est désormais canalisé par des agents de sécurité avec, à leur disposition un petit appareil mobile, qui décide aléatoirement, via un algorithme, si un contrôle doit être effectué. Lorsque c’est le cas, le voyageur concerné entre dans un sas de sécurité et passe sous un détecteur de métaux. Son bagage est aussi scanné, comme dans les aéroports. Si le contrôle s’avère positif, la police prend alors le cas en charge, l’objectif étant de détecter la présence d’armes, munitions et explosifs…
Conclusion
Après un mois passé entre le Togo, le Burkina et le Mali, nous avons subis plus de contrôles que durant 20 années en Europe (où la menace dite terroriste est la plus forte). En Afrique, le corps armé, sous équipé et utilisé systématiquement comme moyen de dissuasion, profite de ces missions pour racketter et humilier les populations. L’intérêt pour le prince est ainsi satisfait: étouffer toute forme de contestation. Jusque quand?
Afrology tient à présenter ses sincères condoléances aux innocentes familles éplorées par ces attaques sauvages et fortement instrumentalisées. Aucune religion, même extrême, n’enseigne à ses membres de tuer, d’exposer les morts et de souiller les tombes…
Bruxelles, le 15 Août 2017
Gustav Ahadji