LES DOSSIERS

Kwame N’krumah ( 1909 – 1972 )

Kwamé Nkrumah

Kwamé Nkrumah est un Grand homme, un digne fils de l’Afrique, un combattant de la liberté et des damnés de la terre. Nkrumah est un visionnnaire qui voulait la liberté définitive de l’Afrique, comme je le veux aujourd’hui. Mais qu’est ce qu’un grand homme? Un grand homme n’a pas besoin d’être un monstre d’intelligence. Ce qu’il lui faut, c’est du sang froid et un esprit ouvert pour poser les bonnes questions et comprendre les bonnes réponses. Quand l’oeuvre d’un grand homme demeure, Nkrumah, le père fondateur du panafricanisme, c’est parce qu’il a facilité, modelé ou suscité les événements de telle sorte que l’histoire aille dans son sens et non dans celui que souhaitent ses adversaires. La paralysie actuelle de l’Organisation de l’Unité Africaine(OUA) pose, dans toute sa gravité, le manque de véritables hommes d’Etat, des hommes de conviction, comme Kwamé Nkrumah. Comment peut-on ranger au second plan ce vieux problème de l’unité de nos peuples? C’est parce qu’on manque des visionnaires, comme Kwamé Nkrumah.

Cette unité africaine est-elle un instrument d’harmonisation des vues des gouvernements africains, ou celui de l’unité réelle de nos peuples? Cette question n’a cessé d’être posée. Elle ne se pose pas pourtant, pour ceux qui croient à la liberté et à la dignité de l’homme africain. Car, Seule cette unité des peuples peut nous garantir la paix, la liberté et la justice indépendante. Agée de 39 ans aujourd’hui, le bilan de l’OUA est catastrophique. Elle n’a pas fait la part des rêves et des réalités d’aujourd’hui, complexes, mais qu’il faut affronter sans détour. Malade? Paralysée? Hantée par le spectre de la division? Menacée d’éclatement? Les diagnostics et les pronostics pessimistes ne manquent pas depuis des années. Ici, on distille le doute de l’efficacité de l’OUA; là, on instille l’amertume et le désenchantement; ailleurs, on ironise sur les palabres aussi stériles que coûteuses. L’organisation sombre aujourd’hui sur une question capitale qui est celle de sa liberté. Une question pourtant importante, sans aucune équivoque, et qui n’est même pas encore en conformité absolue avec la charte de l’organisation. On peut certes se demander qui a intérêt à ce que celle-ci soit étouffée sous le poids des faux problèmes ? Mais faut-il chercher loin la réponse à cette question quand on sait que les artisans du sabotage de l’OUA sont les amis et les protégés de l’Occident, que les pays qu’ils dirigent sont des néocolonies et la chasse gardée des sociétés multinationales, comme Elf Aquitaine, qui y perpétuent le pillage du continent africain.

Avant tout, faute d’un marché national digne de ce nom, aucun Etat africain(à l’exception peut-être du Nigéria) n’est en mesure de développer une économie viable. En revanche, les Etats africains sont généralement complémentaires. En conséquence, seule une unité réelle permettrait de développer, au mieux à l’avantage des peuples africains, les ressources du continent. Ensuite, seule l’unité des peuples, dans un organe supranational, est à même de garantir l’indépendance de l’Afrique contre les convoitises extérieures. Cela, pour Nkrumah, présupposait l’accession au pouvoir, partout en Afrique, des forces progressistes.

Dès ces années là, Nkrumah cherche à dépasser les clivages fabriqués par la colonisation, telles que l’Afrique Occidentale Française(AOF) et l’Afrique Equatoriale Française(AEF). Il s’est malheureusement trouvé qu’entre les mouvements de libération nationale des Etats colonisés par la France et ceux colonisés par la Grande Bretagne, la coordination et l’unité d’action n’ont pas su se réaliser et que les tactiques sont demeurées différentes. Dès-que la lutte nationale à la Gold Coast a remporté ses premiers succès, en1951, avec l’obtention d’une relative autonomie interne l’écho a été profond dans les Etats voisins, en dépit de la froideur de certains dirigeants. L’histoire se remettait en marche. Après six années de ce gouvernement africain, à pouvoir limité, Nkrumah parvenait enfin, le 6 mars 1957, à l’indépendance d’un Etat d’Afrique noire, qui prenait alors le nom de Ghana. Le plus significatif, cependant, c’est que d’emblée Nkrumah proclamait que l’indépendance du Ghana serait privée de sens si elle ne s’inscrivait pas dans la lutte générale pour la libération de toute l’Afrique et pour son unité. Cependant, la vision de Nkrumah l’engageait dans trois directions :

1) il voulait faire de l’Afrique unie et indépendante, un continent moderne et développé, riche de ses capacités industrielles autant qu’agricoles, et aussi culturellement, avec toutes ses traditions alimentant sa propre modernité

2) il était convaincu de l’urgence de commencer de construire, dès maintenant, cette unité africaine dans laquelle, il voyait à juste titre une condition à la modernisation des Etats africains

3) il résumait, lui-même, sa politique extérieure, c’est à dire par la contribution de l’Afrique à la cause de la paix mondiale et le désarmement nucléaire, car l’Afrique unie est une puissance mondiale.

Son Etat, le Ghana ou l’ancienne Gold Coast, convoque une conférence intitulée « le monde sans bombe ». Les grands de ce monde ne l’ont pas pris au sérieux mais il s’imposait de, toute évidence, sur la scène internationale. Même l’Angleterre ne l’avait pas pris au sérieux, en 1957, lorsqu’il réclamait l’indépendance de son pays. En tout cas le neutralisme, professé par K. Nkrumah, n’avait rien à voir avec une attitude d’irresponsabilité.

En 1947, création de l’United Gold Coast Convention(UGCC) dont le secrétaire général est l’ancien maître d’école Kwamé Nkrumah, rappelé de Londres où il faisait des études de philosophie. Selon lui, ce parti d’intellectuels et de commerçants doit se transformer en parti de masse pour être efficace. En 1949, Nkrumah quitte l’UGCC et fonde le Convention People’Party(CPP), qui recrute ses adhérents dans le prolétariat urbain et parmi les cadres venant de la petite bourgeoisie, et réclame l’octroi immédiat de l’autonomie interne. En 1950, promulgation de la nouvelle constitution rédigée sur la base du rapport Coussey, commandé par le gouvernement britannique et à l’élaboration duquel ont participé des Africains(1949). Le Conseil législatif est transformé en Assemblée Nationale où siègent les députés de l’ensemble du territoire. Nkrumah est incarcéré pour rébellion.

En 1951, succès du CPP aux élections générales. Nkrumah libéré de prison est nommé Premier ministre. En 1954, la Gold Coast bénéficie de l’autonomie interne. Une opposition de droite(chefs planteurs, intellectuels), regroupée dans le Congrès National Ouest Africain, dirigé par le Dr Kofi Abrefa Busia, se forme contre Nkrumah qui, collaborant avec les Britanniques, développe les équipements du pays, grâce aux fonds de l’Office de commercialisation du cacao. En 1956 lors des élections générales, le CPP remporte les trois quarts des sièges. Le 06 mars 1957, l’indépendance de la Gold Coast, qui adopte le nom de Ghana. Le 1er juillet 1960, proclamation de la République. Elections, approbation d’une nouvelle Constitution, Nkrumah est élu Président de la République. Adepte du neutralisme et du panafricanisme à l’extérieur, il se rapproche des Etats socialistes marxistes dont il imite la planification économique. En 1964, nouvelle Constitution instituant le CPP comme parti unique; développement du culte de la personnalité du « Rédempteur » et de la corruption dans le personnel politique. La détérioration des termes de l’échange et la chute du prix de cacao, principal produit d’exportation du pays, entraînent une crise économique sans précédent.

En 1966, profitant d’un voyage de Nkrumah en Chine, l’armée s’empare du pouvoir et constitue un Conseil de libération nationale. Le CPP est dissout. La dénationalisation des entreprises aggrave encore la crise économique, alors que l’Occident accorde une aide accrue au nouveau régime. En 1969, instauration du multipartisme, remise du pouvoir aux civils. Victoire du Congrès National Ouest Africain aux élections législatives; le Dr Busia devient Premier ministre. Proclamation de la IIè République; le général Akuffo-Ado devient chef de l’Etat. Celui-là même qui a écraté K. Nkrumah. Mais, il sera éliminé physiquement, un peu plus tard par J.J. Rwalings. En 1962, K. Nkrumah aurait voulu promouvoir une intervention-unie des pays d’Afrique dans la crise des fusées de Cuba. Face à la rupture Sino-Sviètique, il appelait les deux grandes puissances socialistes à s’entendre, au nom de la liberté de l’Afrique et du tiers-monde, mais aussi en accord avec son souci de paix. Son dernier voyage en Asie, il fut renversé. Et pourtant, certains de ses proches conseillers lui avaient déconseillé d’e ne pas y aller.

Mais, comment peut-on détourner l’idéal d’une personne soif de liberté et de paix, comme K.Nkrumah. N’était-il pas inspiré par l’espoir de jouer un rôle dans le rétablissement de la paix au Viêt-Nam ? Evidemment, cette politique d’action pour la paix dans le monde aurait eu une autre portée si l’Afrique, c’est-à-dire unie et indépendante, avait pu parler d’une même voix et en tant que force unie. Nkrumah avait tenté plusieurs regroupements : Conférence des Etats indépendants d’Afrique(au nombre de 8 en 1958), l’union Guinée-Ghana, enrichie par le Mali. Ces efforts n’ont pas été sans résultat en leur temps, où dans la mesure, ils ont permis d’exercer une pression pour mettre fin à la guerre d’Algérie et pour accéder au passage à l’indépendance politique.

Mais, les pressions extérieures sur l’Afrique pesaient de tout leur poids pour empêcher une véritable unité politique. La crise du Congo-Belge(1960-1961) allait faire apparaître ces pressions au grand jour sans qu’une Afrique, idéologiquement tiraillée, ait pu faire grand chose pour sauver Patrice Lumumba tué par les Etats-Unis. L’OUA, dont il fut le père fondateur, n’a pas satisfait son ambition. Son idée de l’Afrique-unie implique bien autre chose que des combinaisons diplomatiques autour d’un « tapis vert ». Elle devait reposer sur un minimum d’idéologie commune, une lutte commune contre ceux qui exploitent l’Afrique sans vergogne. Et surtout, une volonté commune pour construire cette unité africaine, dont tous les Africains ont besoin.

La vision de Nkrumah heurtait trop d’intérêts à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur du continent africain, notamment ceux des bourgeoisies africaines, y compris ghanaènne, plus préoccupées d’enrichissement rapide. Sa vision, après la deuxième guerre mondiale est d’actualité : la démocratie imposée; le multipartisme dévastateur de vies humaines; des conflits partout en Afrique; le droit et le devoir d’ingérence qui n’est que du néocolonialisme les plus abjects; la vraie colonisation renovée, dans sa version Banque mondiale et Fonds Monétaire International(FMI). Tous ces facteurs ont affirmé leur force dans le continent, et la crise qui en est résulté est générale. Nkrumah est décédé, au mois d’avril 1972, à Conakry, dans la capitale de la Guinée-Conakry. Un Africain digne de ce nom. Merci Nkrumah!!!

Ibrahima BAH

Panafricanisme et francophonie

Il fait ses études en Angleterre et aux EU . En 1945 il participa à l’organisation du Congrès panafricain . Il retourne au Ghana en 1947 et devient secrétaire général du parti indépendantiste, l’UGCC ( United Gold Coast Convention). Il quitte l’UGCC pour fonder un autre parti : la Convention People’s party (CPP).

Souhaitant l’indépendance , N’Krumah appelle aux boycott et à la désobéïssance civile , ce qui lui valut d’être emprisonné par les autorités britanniques jusqu’en 1951.

En 1957 , la Cote-de-l’Or est la première colonie a obtenir son indépendance . En 1960 , N’Krummah devient le premier président du Ghana.

« Les détracteurs de l’Unité Africaine évoquent souvent les grandes différences de culture, de langues et d’idées de part et d’autre en Afrique. Elles existent, mais l’essentiel est que nous sommes Africains, et que nous avons un intérêt commun dans l’Indépendance de l’Afrique. » Le docteur Kwamé Nkrumah n’eut de cesse de réclamer la constitution d’États-Unis d’Afrique. Aussitôt après avoir obtenu l’indépendance de son pays, il organisa une conférence panafricaine. Comme Khadafi et Castro, N’Krumah choisit de s’appuyer sur l’URSS pour ne pas céder à l’impérialisme des occidentaux.

En 1935, Francis Nwia Kofie N’Krumah (connu sous le nom de Kwamé N’Krumah) quitte l’Université d’Accra en Gold Coast pour suivre aux États-Unis des études de théologie, de sociologie, et d’économie. Devenu professeur de sciences politiques il élabore alors les fondements d’un socialisme africain. Il part en Grande-Bretagne pour étudier le droit en 1945 et organise à Londres le cinquième Congrès panafricain. Membre du « Cercle », une organisation secrète vouée à l’Unité ouest-africaine, Nkrumah rentre en Gold Coast en 1947 et devient le chef de la lutte anti-colonialiste pendant huit ans. Il arrache l’autonomie de la Gold Coast et en devient le premier ministre. En 1957, le Ghana (ainsi nommé en référence à l’Empire du Ghana) obtient son Indépendance. En décembre 1958, N’Krumah préside la Conférence panafricaine à Accra, et se lie d’amitié avec le leader nationaliste congolais Patrice Lumumba. Il expose ses objectifs nationalistes et tente d’imposer le panafricanisme comme moyen d’accession à la liberté. Très tôt, N’krumah tourne le dos aux occidentaux en collaborant étroitement avec la Chine et les pays communistes. Partisan de la politique des non-alignés, il participe à la création de l’OUA en 1963. N’Krumah tente de rallier les autres chefs d’Etats africains à son idéal fédéraliste.

Mais il se heurte aux réticences des présidents africains francophones qui veulent maintenir des relations privilégiées avec leur « Mère-Patrie » la France (garant de leur sécurité et de la pérénité de leur régime). Leur chef de file, le président Houfouët-Boigny argue d’un pragmatisme conjoncturel pour défendre le projet d’une Afrique régionale. L’ethnocentrisme du Président ivoirien a bien sûr les faveurs de la France qui craint qu’une fédération d’États-Unis d’Afrique n’entrave son hégémonie.

Le gouvernement français propose alors l’alternative de la « Francophonie » et de la « Coopération ». Ce système conçu pour le court terme (dont on voit aujourd’hui les limites tant au plan politique, qu’économiques et monétaire) ont accentué le déséquilibre de la balance commerciale des nouveaux Etats : Les États francophones africains doivent favoriser les échanges avec la France aux dépends même du commerce avec leurs voisins ou le reste du monde. De plus les rivalités entre Nations voisines qui n’adhéraient pas au bloc « francophone » empêchaient tout développement régional sérieux (entre Togo et Bénin, Ghana et Côte d’Ivoire, Gabon et Guinée équatoriale). La « Francophonie » et la « Coopération » ont favorisé la vente des fameuses « usines clé-en-main » (dont le Congo a connu celles de Pointe-Noire et de Ouesso qui n’ont jamais quittées leurs cartons d’emballage) et entretenu le gaspillage et la corruption en Afrique, les grandes firmes occidentales versant en effet des commissions aux décideurs africains pour obtenir leurs signatures (cette signature leurs a été enlevées à partir de 1990 auprès de la Banque de France pour commencer à endiguer le taux d’endettement des Pays africains francophones).

Mais le modèle du socialisme à l’africaine, le modèle ghanéen n’a pu obtenir de meilleurs résultats : La planification (empruntée aux alliés communistes) s’accompagne d’une dérive autoritaire : Kwamé Nkrumah décrète en 1961 et 1962 l’état d’urgence pour museler l’opposition et fait embastiller les dirigeants des principaux partis. Il se proclame président à vie en 1964 et impose le monopartisme. Le manque de rigueur dans la gestion du budget et la faillite de la politique économique a émoussée la popularité du docteur N’Krumah. Deux ans plus tard en 1966, alors qu’il est en visite officielle en Chine, il est renversé par l’armée. Le général Ankhra qui a fomenté le coup d’état était en relation avec la CIA depuis la crise du Congo. L’une des premières mesures du nouveau régime est d’expulser les techniciens chinois et soviétiques.

Le Ghana rétablit alors les relations avec l’Occident.

DIMANCHE 10 FÉVRIER 2002
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