LES DOSSIERS

Fela Anikulapo-Kuti

1. LA VIE DE FELA

Fela Anikulapo-Kuti est né à Abeokuta au Nigeria en 1938 sous le nom de Ransome-Kuti. Sa famille appartenait à la branche Egba de la tribu yorouba. Son père, ainsi que son grand-père, officiaient au sein de l’église protestante. Sa mère était professeur puis devint une politicienne d’une influence considérable.

Jeune, Fela assistait souvent aux célébrations traditionnelles, ressentant déjà le besoin de préserver la culture africaine de ses ancêtres. Ses parents l’envoyèrent à Londres en 1958, mais plutôt qu’étudier la médecine comme ses deux frères et sa soeur, Fela choisit  » l’Ecole Trinité de Musique « , où il séjournera pendant 5 ans. Pendant ses études, il se maria avec une jeune fille du Nigeria qui se nommait Remi et eut 3 enfants.

Pendant son temps libre, Fela jouait avce un groupe qui s’appelait « Koolas Lobitos », groupe composé de musiciens du Nigeria. Parmi ces musiciens figuraient JK Bremah, qui avait influencé Fela en l’introduisant précédemment dans les cercles de musique africaine à Lagos. Fela retourna à Lagos en 1963, 3 ans après l’indépendance. Il commença à jouer rapidement avec certains musiciens revenus d’Angleterre. Il se produisait régulièrement à Lagos puis, en 1969, pendant la guerre du Biafra, Fela décida de se déplacer aux Etats-Unis aves les « Koolas Lobitos ». A Los Angeles, il changea le nom du groupe en Fela Ransome-Kuti et Nigeria 70.

Au Club où il jouait, Fela rencontra une fille d’origine américaine, Sandra Isodore, qui était proche des Black Panthers. Fela se familiarisa alors avec la philosophie et les écrits de Malcom X, Eldridge Cleaver ou encore avec la doctrine panafricaniste de Kwame N’Krumah. Il prit alors vraiment conscience du combat qu’avait livré sa mère pour les droits des Africains pendant la période coloniale au Nigeria.

A Los Angeles, Fela créa son propre style de musique, qu’il nomma l’Afro-Beat. Avant de quitter l’Amérique, le groupe de Fela enregistra quelques nouvelles chansons. De retour en Afrique, il changea à nouveau le nom du groupe en Fela Ransome Kuti et Africa 70. Ce nouveau style de musique connut un grand succès à Lagos et Fela ouvrit un club dans l’hôtel Empire, qu’il nomma l’Afro-Shrine. A cette époque, Fela jouait encore de la trompette (plus tard, il jouera du saxophone et du piano).

Il chantait la plupart du temps en anglais « Pidgin » plutôt qu’en yorouba, ce qui lui permettait d’être compris dans l’ensemble du Nigeria et dans les pays voisins. Dans ses chansons, Fela décrivait les situations sociales auxquelles les Africains étaient confrontées chaque jour. Il abordait des thèmes comme l’africanisme et encourageait les jeunes à se tourner vers les religions africaines traditionnelles. Plus tard, il deviendra satirique et sarcastique envers les dirigeants du pays, condamnant les régimes militaires et civils accusés à juste titre d’être incompétents, corrompus et voleurs.

En 1947, poursuivant son rêve d’une société alternative, il construisit une clôture autour de sa maison, déclarant l’espace en question état indépendant : il nomma « cet état dans l’état » la REPUBLIQUE KALAKUTA. Les autorités restèrent vigilantes, craignant le pouvoir potentiel de cet « état dans l’état ». Fela fut alors arrêté, battu et emprisonné à maintes reprises. Il changea son nom de famille de « Ransome-Kuti » en « Anikulapo ». Sa notoriété se répandit rapidement et ses disques commençèrent à se vendre par millions. La population à l’intérieur de la « République Kalakuta » augmenta, essentiellement composée de jeunes qui avaient quitté leurs parents pour venir vivre à cet endroit.

Pendant le « Festival des Arts Noirs et de la Culture » qui s’est tenu à Lagos en 1977, Fela chanta « Zombie », une chanson satirique contre les militaires. Cette chanson devint très populaire en Afrique mais provoqua la furie parmi l’armée à l’encontre de Fela et de ses « disciples ». Un millier de militaires attaquèrent la « République Kalakuta, brûlant la maison et frappant violemment tous les occupants. La mère de Fela fut défenestrée et décéda pendant l’attaque. Le club de Fela, le Shrine, fut aussi détruit. Fela et son groupe se déplaçèrent alors à l’hôtel « Crossroads ».

Une année plus tard, Fela se déplaça à Accra pour préparer un concert. A son retour, pour célébrer le premier anniversaire de la destruction de la « République Kalakuta », Fela se maria à 27 filles lors d’une cérémonie collective (la plupart de ces filles était des chanteuses ou danseuses du groupe). Toutes prirent le nom « d’Anikulapo-Kuti ». Après le mariage, le groupe se déplaça à Accra pour le concert. Dans un stade archi comble, quand Fela chanta « Zombie », des émeutes éclatèrent. Le groupe fut arrêté et maintenu en prison 2 jours avant d’être conduit dans un avion pour Lagos, avec l’interdiction de revenir se produire au Ghana.

De retour à Lagos, n’ayant nul part où aller, Fela et son entourage « squattèrent » les bureaux de Decca, où ils restèrent pendant deux mois. Quelques temps après, Fela fut invité à venir jouer au festival de Berlin. Arprès ce spectacle, la plupart des musiciens quittèrent le groupe.

Le roi de l’Afro-Beat et ses reines se déplaçèrent alors à Ijeka, pour habiter chez JK Bremah. Un nouveau Kalakuta était né. Fela, plus politisé que jamais, créa son propre parti, le « Mouvement du Peuple ». Il se présenta en tant que candidat à la présidence en 1979 mais sa candidature fut refusée. Quatre ans plus tard, lors des prochaines élections présidentielles, Fela se représenta mais la police l’empêcha de mener campagne.

Il fut à nouveau emprisonné et battu. En 1984, lorsque le général Buhari était au pouvoir, Fela passa 20 mois en prison (il avait été condamné à 5 ans) pour motif officiel de détournement d’argent. Il fut libéré lorsque le pouvoir changea de main (sous le général Babangida) et que le juge qui l’avait condamné reconnut que la peine avait été prononcé avec sévérité à cause de pressions exercées par l’ancien régime ! Le juge fut démit de ses fonctions et Fela fut libéré.

Pendant les années qui suivirent, Fela, accompagné de plus de 80 personnes, effectua plusieurs tournées en Europe et aux Etats-Unis (le groupe avait alors prit le nom « d’Egypt 80 »). Fela contribua à faire connaître au monde les rythmes et la culture africaine. Se considérant lui-même comme le fils spirituel de Kwame N’Krumah, Fela Anikulapo-Kuti fut un critique acerbe du colonialisme et du néo-colonialisme.

Sa triste mort en Août 1997 (due au SIDA) fut pleuré par la nation toute entière. Même ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui firent partis des millions de personnes venues assister à ses funérailles.

 » He will live for ever « 

2. LES YOROUBA

Origine :

D’après Olumide Lucas (The religion of the Yorubas, 1948), les Yorouba auraient séjourné, dans l’Antiquité, en Egypte ancienne, avant d’émigrer sur les côtes de l’Atlantique. Il se fonde sur une similitude ou identité de langue, de croyances religieuses, de coutumes, de noms de personnes, de lieux et d’objets, pour le démontrer.

« D’abondantes preuves des rapports intimes des anciens Egyptiens et des Yorubas peuvent être apportées dans ce chapitre. La plupart des dieux furent biens connus des Yorubas à un certain moment. Parmi ces dieux dont Osiris, Isis, Horus, Shou, Sout, Thot, Amon, Anou, Hathor, Sokaris, Khnoun, Khopri…. La plupart des dieux survivent sous leur nom ou sous leurs attributs ou sous les deux » (Olumide Lucas).
 » I-Ra-Wo désigne, en yorouba, l’étoile qui accompagne le soleil quand il se lève (wo : se lever), Khonsou a donné Osou (la Lune). Les variations linguistiques sont expliquées par l’auteur (Olumide) à partir du phonétisme de la langue yorouba. Il rappelle que les notions ontologiques de l’ancien égyptien, telles que Rha, Akhou, Khou, Sakou, Ba, se retrouvent en yorouba. Il signale également l’existence de hiéroglyphes et développe longuement toutes ces idées sur 414 pages.

On peut signaler que le « Pape » des Yorouba, l’Oni, porte le même titre qu’Osiris, Dieu des Egyptiens, qu’il existe une colline nommée Kouse près de Ilé-Ifé, et une autre de même nom en Nubie, près de l’antique Méroé, à l’ouest du Nil, au coeur même du pays de Koush. Ce nom, Kouso, est répétée en Abyssinie ». (Cheikh Anta Diop, l’Afrique Noire pré-coloniale).

Généralité :

Aujourd’hui plus de 20 millions de personnes parlent le yorouba (ils existent plusieurs dialectes). Le yorouba appartient au groupe Kwa des langues Niger-Congo. La plupart de «ceux qui parlent le yorouba» vivent dans le sud-ouest du Nigeria. Ils forment une majorité à Lagos (les yorouba sont très urbanisés). Avant la colonisation britannique, la plupart de «ceux qui parlaient le yorouba» vivaient dans une société complexe et urbanisée, organisée autour de puissantes cités-états. Ils habitaient dans des villes densément peuplées centrées sur la résidence du roi (l’oba). Les unités sociales de base étaient patrilinéaires (l’héritage, la descendance et la position sociale passaient par la lignée masculine).

Historiquement, «ceux qui parlaient haoussa» utilisèrent le nom de yorouba pour désigner les gens vivant à l’intérieur du royaume d’Oyo. Par la suite, les Européens s’approprièrent le terme pour désigner tous ceux qui parlaient la langue yorouba.

«Ceux qui parlent le yorouba» s’identifient aux membres de certains groupes, tels que les Ifé, les Isa ou les Ketou. Certains groupes s’identifient totalement à la communauté de «ceux qui parlent le yorouba», d’autres non (exemple les Sabe, les Idaisa ou les Ketou qui se considèrent comme des groupes ethniques séparés, bien qu’ils partagent les mêmes mythes d’origine).

Tous ces groupes partagent cependant une même culture, une même mythologie et une même tradition artistique.
Les historiens de l’art considèrent les bronzes et les sculptures yorouba du 13-14ème siècle comme étant parmi les plus belles réalisations artistiques en Afrique. Les croyances religieuses traditionnelles des yorouba reconnaissent un dieu suprême présidant un panthéon complexe de plusieurs centaines de dieux. L’islam et le christianisme se sont répandus de façon très importante au cours des siècles dans la société yorouba. Nombre d’entre eux ont une approche pluraliste de la religion qui intègre des éléments religieux traditionnelles avec des croyances issues de l’islam et du christianisme (tel que dans le mouvement spirituel «Aladura»). Selon les traditions populaires, les yorouba proviennent du dieu mythique Olorun (dieu du ciel), dont le fils, Oduduwa, créa l’ancienne cité sainte d’Ilé-Ifé aux alentours du 8ème siècle.

Les preuves linguistiques et archéologiques suggèrent, en fait, que «ceux qui parlaient le yorouba» émergèrent il y a 3 ou 4000 ans près du confluent «Niger-Benue» . Depuis là, ils migrèrent à l’ouest vers le pays yorouba entre le 8ème et le 11ème siècle. Stratégiquement localisée sur la frontière fertile entre la savane et les zones forestières, Ile-Ifé fut le centre d’un royaume puissant au 11ème siècle. Les souverains frappaient d’un impôt les surplus de nourriture et le commerce.

Bien que l’établissement de la royauté précéda probablement l’émergence d’Ile-Ifé, la ville sainte devint le centre culturel et spirituel des yorouba. D’autres villes yorouba émergèrent. Oyo fut sans doute bâtie vers le 11ème siècle et devint une ville importante aux alentours du 14ème siècle. Vers le 15-16ème siècle, le royaume voisin du Bénin (non yorouba) conquit des régions à l’est et au sud du pays yorouba.
Oyo devint un puissant état militaire vers le 17ème siècle. Les souverains d’Oyo acquirent des chevaux en vendant des esclaves aux Européens et en revendant les biens manufacturés aux commerçants haoussa. La cavalerie d’Oyo envahit le pays yorouba voisin ainsi que certains royaumes, tels que celui de Dahomey. A la fin du 18ème siècle, suite à des rivalités internes, Oyo commença à décliner. Pendant le 19ème siècle, le Dahomey gagna son indépendance suite à une guerre, ce qui affaiblit le royaume d’Oyo.

Dans les années 1830, les musulmans Fulani du califat de Sokoto conquirent les régions nord du royaume d’Oyo et empêchèrent ainsi le commerce avec les haoussa. En 1840, le royaume d’Oyo s’était complètement effondré. Les guerres entre les différents groupes yorouba firent rage tout au long du 19ème siècle. De nombreux yorouba subirent l’esclavage et furent vendus à des commerçants qui les embarquèrent pour l’Amérique latine. De nos jours, la culture yorouba demeure influente au Brésil et à Cuba.

En 1851, les Anglais s’emparaient de Lagos et en 1888, une grande partie du pays yorouba était devenu un protectorat britannique. L’administration coloniale imposa la paix aux différents groupes yorouba en 1892. Les rois yorouba perdirent leur souveraineté mais conservèrent un certain pouvoir dans le gouvernement local. Les autorités coloniales introduisirent la culture de cacao en pays yorouba et développèrent une infrastructure moderne (chemins de fer, écoles…).

Au moment de l’indépendance, les yorouba occupaient une position dominante dans le gouvernement du Nigeria (économie, politique…). Mais depuis l’indépendance, ce sont surtout les haoussa du nord qui dominent la vie politique et économique au Nigeria (de nombreux militaires se sont succédé à la tête de l’état).

Source : Microsoft Encarta, Africana, 2001

Histoire :

Le pays yoruba entre 600 et 1100

Six datations au carbone 14 d’objets de deux sites d’Ife attestent la présence d’une population entre le VIème et le Xème siècle de l’ère chrétienne. Ife était situé au centre de la saillie septentrionale de la forêt et se trouvait au coeur d’une région écologique très variée. Etablie sur des terres fertiles de la forêt, Ife était à proximité des savanes vers le nord, de la côte vers le sud ainsi que de la vallée du Niger et de plusieurs cours d’eau.

Dans le pays yoruba, les fouilles archéologiques se sont à ce jour limitées à Ife et à Oyo et seule l’Ife urbaine remonte à la période qui nous intéresse. Les découvertes archéologiques confirmées par la tradition orale indiquent qu’il y a eu trois grandes phases dans la vie d’Ife; elles sont évoquées assez précisément par Ozanne.

A en juger par les résultats des fouilles et des études ethnographiques faites à Ife et à Oyo, la ville yoruba traditionnelle comprenait apparemment plusieurs groupes d’habitations construites autour de cours de tailles différentes où se trouvaient habituellement des poteries destinées à recueillir l’eau tombant des toits. Il y avait toutefois entre les diverses villes des différences sensibles de caractère (fondamentalement historique et écologique) qui, si l’hypothèse de Johnson est exacte, pourraient dans certains cas s’expliquer par le mode de croissance. Selon lui, Ife est le type même de la ville à développement progressif. Elle a commencé par être entourée d’une enceinte unique au-delà de laquelle s’étendaient les terres agricoles qui n’étaient protégées que par une igbo-ile, ceinture de forêt dense vierge de toute construction à l’exception de quelques sépultures; puis, lorsqu’elle est devenue suffisamment importante pour risquer d’être l’objet d’un siège prolongé, elle a été dotée d’une enceinte défensive extérieure englobant les terres agricoles.

Plusieurs historiens estiment que l’un des principaux facteurs de l’expansion des sociétés urbaines et politiques a sans doute été l’institution de royautés divines. Wheatley affirme en outre que l’instauration de ces royautés était due à des influences extérieures et non à un transfert du pouvoir au sein de la société yoruba. Bien qu’on ne sache pas avec précision comment elles ont essaimé, on considère qu’elles ont sans doute fortement contribué à l’urbanisation. Le même spécialiste, toutefois, admet que les villes yoruba seraient une création spontanée et non autoritaire, qu’elles résulteraient d’un processus organique de stratification sociale interne et non de l’adoption de structures symboliques et politiques empruntées à l’extérieur. Seule une étude archéologique systématique des sites appropriés de la région permettrait de vérifier cette théorie. Quoi qu’il en soit, les régimes politiques dans le développement desquels la notion de royauté divine a joué un rôle important sont ceux de Benin et de Nri.

Aux yeux d’Allison, il y a un lien entre les sculptures en pierre du pays yoruba et l’art classique d’Ife, encore que le style de ces sculptures diffère de celui des objets en laiton et en terre cuite d’Ife. On les trouve jusqu’à 100 kilomètres d’Ife dans la forêt yoruba centrale et à Esie, à 90 kilomètres environ au nord d’Ife, au bord de la forêt, notamment dans deux villages situés maintenant dans la savane où l’on compte au moins neuf sites.

Dans les bosquets sacrés d’Ife, entre l’enceinte extérieure et l’enceinte intérieure, on trouve des statues de granit ou de gneiss local de style naturaliste qui représentent des personnages de type négroïde. Les plus intéressantes sont les deux statues connues sous les noms d’Idena et d’Ore. Une troisième statue en stéatite représente une femme agenouillée à l’écart dans un bosquet voisin. Elles sont d’un style généralement comparable à celui de certaines sculptures en bois yoruba modernes. Divers autres objets en pierre sont groupés autour des deux figures de granit et dans d’autres clairières du bosquet d’Ore.

Ailleurs à Ife, il existe un certain nombre de pierres dressées travaillées, dont la plus frappante est une fine colonne de granit sculptée appelée apa aranmiyan [bâton d’Oranmiyan], l’un des fils d’Oduduwa et le fondateur d’Oyo. Cette colonne a été restaurée (sa hauteur est de 54 mètres) et décorée de pointes de fer alignées ayant la forme d’un trident allongé. Sur la grande place du marché s’élève l’apa ogun [bâton d’Ogun] (dieu de la guerre et du fer), qui fait 15 mètres de haut et a la forme d’une massue cylindrique.

Les statues d’Idena et d’Ore sont les seules qui soient faites en pierre dure, mais Eshure dans le pays ekiti -à 80 kilomètres au nord-ouest -possède un groupe de sculptures qui présente avec elles des affinités évidentes: ainsi, les personnages de pierre d’Aba Ipetu (huit en tout) , dont l’attitude, le collier , les bracelets et le drapé sont identiques, mais qui sont plus stylisés. Il y a d’autres statues d’inspiration iféenne sur des sites situés dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour d’Ife: par exemple, Kuta à l’ouest, lkirun au nord et Effon au nord-ouest.

Plusieurs têtes en terre cuite de forme conique ont été découvertes à Ife. Toutes présentent des affinités avec la statuaire en pierre de cette ville, dont la zone d’influence reconnue s’élargit peu à peu. Ainsi, des fragments de dallage formé de tessons de poteries caractéristique d’Ife ont été mis au jour à Benin, et jusqu’à la République populaire du Bénin et au Togo à l’ouest. Allison pense toutefois que les sculptures en pierre ne peuvent être originaires que d’Ife même.

Le principal groupe de sculptures en pierre du pays yoruba est celui de la ville ibomina d’Esie, qui est encore à la lisière de la forêt bien que la savane ne soit distante en général que de quelques kilomètres au nord et ait déjà impiété sur la forêt en de nombreux points. L ‘histoire récente d’Esie est liée à celle d’Oyo plus qu’à celle d’Ife.

Les statues en pierre sont presque certainement des vestiges d’une implantation antérieure. On compte plus de huit cents ere, comme les nomme le peuple encore que leur nombre soit difficile à évaluer, beaucoup d’entre elles n’ayant plus ni tête ni membres. Elles semblent être toutes en stéatite, pierre qui est extraite à proximité de la ville, et mesurent en général, lorsqu’elles sont entières, une soixantaine de centimètres, leur taille oscillant cependant entre 20 cm et près de 1,30 m.

Bien qu’à l’heure actuelle les lbomina de la savane prétendent avoir un passé commun avec les Oyo, le premier arangun ( chef suprême) d’Ila, grande ville ibomina de la forêt, était selon la tradition l’un des sept petits-fils d’Oduduwa, mentionné dans les récits de la dispersion opérée à partir d’Ife. Dans l’affrontement final avec les Oyo d’Ibadan, Ila était aux côtés des Ekiti, des Ilesha et des autres Yoruba de la forêt.

La tradition attribue les objets aux premiers occupants de la région, qui ont été soumis ou colonisés par les Oyo. C’était des habitants de la forêt, de culture iféenne, comme le montrent plusieurs caractéristiques qui se retrouvent souvent dans leurs sculptures.

Les sculptures naturalistes en terre cuite et en laiton d’Ife que l’on fait remonter avec une relative certitude aux XI-XIIème siècles étaient certainement associées au culte des ancêtres de l’oni (roi) d’Ife, de même que les remarquables sièges de quartz et monolithes de granit. La statue naturaliste de granit ou de gneiss d’ Idena semble appartenir à la même période et avoir eu une source d’inspiration similaire, Les huit cents statues d’Esie qui, avec leurs coiffures élaborées et autres parures, sont pour la plupart en position assise, représentent sans doute des personnages royaux. Elles sont moins réalistes que les sculptures d’Ife et pourraient être postérieures.

Il importe notamment de découvrir les liens, chronologiques et autres, qui pourraient exister entre les statues en pierre et les ouvrages en terre cuite et en bronze ainsi qu’entre cette statuaire en pierre et celle d’autres régions d’Afrique de l’Ouest. Cela exige en particulier la mise à jour de vestiges d’établissements pré-oyo dans les régions d’Esie et d’Ijara ainsi qu’une étude géoarchéologique des sources de matières premières. Enfin, l’examen ethnographique des ouvrages en bois et en terre cuite surtout devrait aider à établir les parentés techniques éventuelles.

Dans ses ouvrages sur l’art d’Ife, Willett note les nombreuses caractéristiques générales que les sculptures d’Ife, quoique plus naturalistes, ont en commun avec celles de Nok. Il émet également l’hypothèse que la représentation naturaliste des oreilles d’Ife a été à la base des interprétations stylisées de Benin. Il estime que ces éléments parmi d’autres indiquent la présence de relations à travers le temps et l’espace et d’une continuité de la tradition artistique en Afrique de l’Ouest pendant plus de deux mille ans. Que les hypothèses de Willett soient ou non exactes, les Yoruba semblent constituer le point de départ logique de l’étude des peuples de la côte et de l’intérieur de la basse Guinée. Leur culture se caractérisait notamment par une structure urbaine très élaborée, un langage commun avec des variantes dialectales, une tradition faisant état d’une origine commune, l’adoration d’un panthéon de dieux avec, là encore, des variantes locales et, enfin, une tradition artistique très raffinée. En outre, les Yoruba semblent avoir joué un rôle important dans la fondation de certains royaumes voisins comme ceux de Benin ou de Nupe.

Le rôle clé joué par les Yoruba devient encore plus clair si l’on examine les mouvements de populations les plus anciens dans le sud du Nigéria. Premièrement, le groupe yoruba-igala s’est peu à peu étendu vers l’ouest et le sud à partir d’un point se situant dans le nord-est de son lieu d’implantation. Deuxièmement, la tradition des Igala veut que ce peuple se soit primitivement installé sur la rive orientale du Niger, repoussant les Idoma vers l’est et les Igbo vers le sud. Troisièmement, la situation des Itsekiri dans la partie sud-ouest du delta du Niger indique que ce mouvement du groupe yoruba pourrait être antérieur à l’extension des peuples edo vers la côte.

On suppose également que les Ijo sont descendus de bonne heure dans le delta du Niger. Ce mouvement semble avoir été suivi d’abord par un mouvement des Edo vers le sud, puis s’incurvant vers l’est, et ensuite par une extension générale des Igbo vers le sud jusque dans les hautes terres à l’ouest du Niger ; enfin, par une autre poussée igbo vers la rive orientale du delta, qui se poursuivait encore au moment de la traite des esclaves. L’expansion des Igbo vers l’est, repoussant les peuples de la famille Bénoué-Kongo au nord du fleuve Cross, et sans doute postérieure à la traite des esclaves, n’a été prouvée que très récemment. Cet expansionnisme tardif des Igbo est en partie associé aux pressions démographiques croissantes qui s’exerçaient sur les hautes terres de l’est. Ces mouvements ont peut-être été concomitants d’autres déplacements dont rend compte la tradition orale et que laisse supposer l’imbroglio des groupes linguistiques dans le delta. D’après la tradition orale, on peut également retracer l’expansion tardive des peuples edo vers le centre du delta et la dispersion des peuples ijo à partir du centre primitif de l’ouest du delta, vers l’est, où ils se sont heurtés aux Ibibio du groupe Bénoué-Kongo.

Les légendes d’origine yoruba et les résultats des fouilles archéologiques concordent pour donner à penser que c’est dans la région d’Ife que les peuples yoruba ont commencé à se manifester sans doute possible en tant qu’ethnie distincte. D’autres sources historiques confirment qu’lfe constitue le centre yoruba le plus ancien que l’on connaisse, dirigé par des oni qui ont longtemps exercé un pouvoir spirituel sur un vaste territoire. Enfin, c’est à partir d’Ife qu’ont essaimé les fondateurs d’Oyo et cinq autres grandes villes yoruba, ainsi que les successeurs de la dynastie régnant au Bénin vers le XIVème-XVème siècle. La tradition rapporte que la fondation d’Ife résulte de la victoire sur un groupe autochtone dénommé « igbo » d’envahisseurs ayant l’avantage de posséder des armes en fer .

Quelle que soit l’explication des origines d’Ife, il ne fait aucun doute qu’entre le VIIème et le XIème siècle Ife dominait culturellement et politiquement les Yoruba et les Bini voisins. On a pu dater avec certitude certains bronzes du milieu du XIème siècle et il est possible, bien que ce ne soit pas prouvé, que certains des objets en terre cuite leur soient de beaucoup antérieurs. Récemment les découvertes archéologiques ont fourni quelques-uns des maillons qui manquaient à notre connaissance de l ‘histoire des Yoruba durant cette période cruciale .

Leo Frobenius a souligné le premier l’importance historique et archéologique d’Ife et des sculptures naturalistes qu’on y a trouvées, encore que la suite de ses travaux archéologiques ne corresponde pas à nos critères modernes et que son interprétation de l’origine d’Ife ne soit pas acceptable. Frobenius a surtout travaillé à Olokun Crove, site caractérisé par la fabrication de perles de verre bleu (segi beads). Des échantillons de ces perles trouvés à Kumbi Saleh, Tegdaoust et Gao se sont révélés, aux rayons ultra-violets, identiques à ceux d’Ife ; cela permet au moins de supposer qu’il existe un certain lien entre Ife et ces villes soudanaises.

Les découvertes archéologiques confirmées dans une grande mesure par la tradition orale indiquent aussi qu’il y a eu trois grandes périodes distinctes dans l’histoire d’Ife. Au cours de la première période qui remonte à -350, Ife n’était qu’une poignée de hameaux, treize selon la tradition, situés dans une région très bien drainée de la vallée d’Ife et habités par des paysans. Pendant la deuxième période, celle de l’émergence de l’Ife médiévale, les collectivités rassemblées dans la région ont dû avoir une structure sociale plus forte que celle des hameaux autonomes des premiers temps.

Nous ne savons pas si cette urbanisation et les changements sociaux qu’elle laisse supposer ont été le fruit d’un libre accord entre les collectivités ou s’ils ont été imposés de l’extérieur ; nous ne savons pas non plus à quelle date ces changements sont intervenus. Mais on a pu dater le charbon de bois des couches médiévales d’Ife Yemoo de 960, 1060 et 1160. Comme il s’agit peut-être de vestiges des débuts d’Ife, il est fort probable que ces premières et cruciales péripéties de l’histoire de la ville et de ses habitants ont eu lieu entre les VIIème et XIème siècles. Apparemment, c’est également pendant cette période qu’a été créé le réseau routier qui existe encore à ce jour , reliant la région à Ede, Old Oyo et à Benin par Ilesha.

La tradition sculpturale naturaliste d’Ife date également au moins de 960 + ou – 130. On trouve aussi à Ife et à Benin des perles de verre raffinées. A Ife, la poterie à usage domestique semble plus élaborée qu’à Nok: la décoration, notamment, plus variée, comprend incision (lignes droites, zigzags, points, dessins courbes) , polissage, peinture et gravure à la roulette ( avec bois sculpté et fils tressés). On utilisait également, pour la décoration, des épis de maïs et des rouleaux d’argile.

LES ROYAUMES YORUBA

L’histoire des communautés yoruba du sud-ouest peut être résumée autour de trois points. Le premier concerne les traditions faisant d’ Ile-Ifé le centre de formation de tous les royaumes yoruba, affirmation qu’il faut réconcilier avec les données archéologiques. Le second est l’essor militaire et politique d’Oyo, dont certains estiment qu’il a co-existé avec l’autorité spirituelle des oni d’Ife sur l’ ensemble du pays yoruba. Le troisième point concerne la nature du développement politique, culturel et social dans d’autres communautés et royaumes yoruba.

La primauté d’Ife dans l’histoire yoruba est due à de nombreux facteurs. Selon la tradition, son fondateur, Oduduwa, vint du ciel ou de La Mecque et ses fils et petits-fils créèrent tous les autres États yoruba. Des interprétations récentes de ces traditions indiquent qu’Oduduwa, ou un groupe d’émigrants, arriva dans la région il y a environ mille ans alors que les terres étaient déjà occupées, peut-être par les Igbo de la tradition d’Ife.

Les célèbres bronzes d’Ife ont contribué à confirmer les traditions qui évoquent des liens entre Ife ou le pays yoruba et le royaume edo du Bénin. Mais ces bronzes relient également Ife à Nupe et aux régions du Niger car on a trouvé des ressemblances évidentes entre les grands bronzes de Nupe et ceux d’Ife. De même il est apparu que La Mecque des traditions orales ne se réfère à aucun endroit du Moyen-Orient, de l’Égypte ou de Méroé, mais à des régions situées juste au-delà du Niger, au nord de l’actuel territoire yoruba. En outre, l’art d’Ife a été comparé aux terres cuites nok du Nigéria central, malgré l’intervalle de temps qui sépare les deux cultures.

Non seulement Oyo devint le plus important des royaumes yoruba, mais il développa des caractéristiques particulières. Certaines d’entre elles sont liées à la proximité de Nupe et de Borgu. Par exemple, Oyo s’appuie davantage sur des fonctionnaires d’origine esclave pour l’organisation militaire et sociale que ne le font les autres États yoruba. Dans le domaine des forces armées, la suprématie d’Oyo était probablement due à l’emploi de cavaliers et d’archers, inspiré par ses contacts précoces avec le commerce transsaharien et les États du nord. Ces contacts extérieurs, ainsi que sa situation dans la savane, ont permis à Oyo d’introduire des innovations dans le fonds yoruba qu’il partage avec les autres royaumes.

La naissance d’Oyo est liée à Ife et au Bénin puisque son fondateur, le légendaire Oranyan ( Oranmiyan ), aurait régné à la fois sur Ife et sur le Bénin avant de se rendre à Oyo. Mais d’autres États, existaient déjà dans cette zone et Oyo fit de plusieurs d’entre eux des Etats vassaux, y compris Owu au sud et Ede au sud-est. L’expansion d’Oyo fut arrêtée par les Ijesha, car la cavalerie n’était d’aucune utilité dans les régions forestières. Les Ijebu, et le pays escarpé des Ekiti, échappèrent aussi au contrôle direct d’oyo. Le royaume du Bénin, à l’est, constitua également une barrière à son expansion. Oyo créa une route commerciale jusqu’à la côte, à travers le territoire des Egba et des Egbado, et c’est par cette route que le pouvoir d’Oyo atteignit le Dahomey.

Le pouvoir d’Oyo se développa dans l’adversité. Au XVème siècle, ses chefs avaient été chassés de l’ancien Oyo (Oyo Ile ou Katunga) et s’étaient réfugiés à Kusu, chez les Borgu, puis à Igboho. C’est à partir de cette expérience qu’Oyo avait réorganisé son armée et adopté une politique militariste. Au début du XVIe siècle, Oyo avait reconquis son territoire et repoussé les Nupe.

Oyo resta en dehors de la sphère d’influence européenne directe jusqu’au XIXe siècle. Il put développer ses principales institutions et mener son expansion sans interférences. Son aventure au Dahomey a peut-être quelque lien avec la participation au commerce de la côte mais, selon d’autres traditions orales, Oyo serait resté à l’écart de la traite et aurait évité tout contact avec les Européens.

Les régions du pays yoruba situées au-delà de l’expansion d’Oyo, à l’est et au nord, comprenaient de petits Etats dans la région ekiti et d’autres, comme celui des Igala, tournés vers la vallée Niger-Bénoué. D’autres Etats, comme ceux des Owo et des Ijebu, semblent avoir été plus liés au royaume edo du Bénin qu’avec Oyo. Les oeuvres d’art exhumées à Owo montrent qu’au XVème siècle, les formes plastiques de cette région renvoyaient déjà aux styles d’Ife et du Bénin.

LA CHUTE DE L’ANCIEN OYO

Au début du XIXe siècle, l’État le plus puissant de la région comprise entre le Mono et le Niger, dont il dominait la plupart des territoires et des populations, était l’empire d’Oyo. Le noyau de l’empire s’étendait guère au-delà des bassins de l’Ogun et de l’Osun, mais les Etats qui lui étaient soumis occupaient approximativement la moitié occidentale de la région Mono-Niger. L’ancien empire d’Oyo comprenait le Dahomey, devenu son vassal en 1748 et qui le demeura jusque dans les années 1820. Oyo s’était aussi emparé de Porto-Novo afin d’en faire son port principal pour l’exportation des esclaves. Les pays egba et egbado furent conquis parce que les routes d’Oyo à Porto-Novo les traversaient. Oyo n’avait pas seulement une très forte influence politique, comme l’attestait la présence chez eux de ses résidents, il exerçait aussi une influence culturelle et économique que matérialisait l’implantation de colonies.
Le Borgu oriental et le sud-ouest de Nupe reconnaissaient en outre l’autorité de l’alafin d’Oyo. Dans toute la région, l’extension de l’influence d ‘ Oyo fut facilitée par un terrain dégagé permettant des communications aisées et propice au déploiement de la cavalerie impériale.

La moitié est de la région Mono-Niger, qui comprenait le reste de l’aire culturelle yoruba, à savoir Ife, Ondo, Ijebu, Akoko, Okiti-pupa, Awori… et le royaume du Bénin, n’était pas sous l’influence directe d’ Oyo. Néanmoins, Oyo était intervenu continuellement dans l’histoire de certains de ces autres royaumes yoruba. Il y eut aussi des relations très importantes entre Oyo et le Bénin. Les deux dynasties régnantes affirmaient non seulement être l’une et l’autre originaires d’Ife, mais encore descendre d’un même fondateur, Oranyan. Ces sentiments fraternels se maintinrent probablement du fait qu’il n’y avait pas ou qu’il n ‘y avait guère de possibilités de friction entre les deux États dont chacun opérait dans une zone différente et avec un potentiel économique différent: à Oyo 1a savane, au Bénin la forêt humide.

Ce qui précède montre bien que l’ancien Oyo était au coeur de l’histoire de toute la région qui s’étend du Mono au Niger si bien que sa chute, dans la troisième décennie du XIXe siècle, entraîna de profondes transformations sociales et politiques qui ne se firent pas sentir seulement en pays yoruba mais aussi au Dahomey, au Borgu et au Bénin. La chute de l’empire d’Oyo fut causée par des facteurs dont les racines remontaient au XVIIIe siècle mais qui s’intensifièrent dans les 20 premières années du XIXe siècle. Il s’agissait notamment de facteurs internes qui se manifestèrent par la lutte pour le pouvoir qui opposa plusieurs alafin successifs et les chefs de lignages pendant la seconde moitié du XVIIIème siècle. A cela s’ajoutèrent les effets de facteurs externes, comme l’extension vers le sud du djihad de dan Fodio et le déclin de la traite transatlantique. Or, par ailleurs, les structures de l’empire se détérioraient et il s’était affaibli militairement. Ainsi s’expliquent les défaites qui lui furent infligées par les egba en 1774, le Borgu en 1783, et les Nupe en 1791. Au début du XIXe siècle, il y eut une période de totale désorganisation politique que mirent en lumière des alafin éphémères et peu brillants comme Aole et Maku, et un interrègne prolongé qui dura près de 20 ans. Dans cette situation fragile, la révolte d’Afonja, le soldat de métier qui commandait l’armée d’Oyo, déclencha l’enchaînement des événements qui précipitèrent la chute de l’empire.

La chute d’Oyo fut ressentie beaucoup plus profondément dans la moitié occidentale de la région, où l’empire avait exercé l’influence la plus forte et la plus directe. Le principal effet de la chute fut de créer un état de guerre et d’insécurité généralisé qui allait perturber l’agriculture et le commerce local, désorganiser le commerce côtier et susciter l’intervention des Européens dans les affaires politiques de l’intérieur. Les guerres provoquées par la chute d’Oyo furent de deux sortes: des djihad et des guerres entre les États yoruba. Dans la catégorie des diihad, on peut inclure les saccages commis par les partisans des Fulbe sur le territoire des egbado, la guerre d’Eleduwe qui eut lieu en 1836 entre les Fulbe, d’un côté, et le Borgu et Oyo, de l’autre, et la guerre de 1840 au cours de laquelle les Fulbe furent vaincus à Osogbo. Les guerres entre les Etats yoruba furent plus dévastatrices. On peut les diviser en trois phases dont les points saillants furent respectivement la guerre d’Owu (1820-1825), la guerre d’Ijaye (1860-1865) et la guerre d’Ekitiparapo ou Kiriji (1877-1893).

La guerre d’Owu opposa les Ife et leurs alliés Ijebu renforcés par des guerriers Oyo, d’un côté, aux Owu, appuyés par les egba, de l’autre. Elle eut notamment pour conséquences la fondation d’établissements nouveaux, comme par exemple Ibadan, Abeokuta et Ijaye. ainsi que le déplacement de la capitale d’ Oyo à Ago-Oja dans les années 1830. Ces établissements devinrent de nouveaux centres de pouvoir en pays yoruba, rivalisant entre eux pour obtenir la suprématie politique et occuper la place laissée vacante par la chute d’Oyo. La guerre d’Ijaye fut une épreuve de force entre Ijaye et Ibadan, dans laquelle les Egba Abeokuta prêtèrent main forte sans succès à Ijaye. Elle avait la domination pour enjeu. Elle atteignit son point culminant avec la destruction d’Ijaye en 1862, mais elle se prolongea encore avec des hauts et des bas jusqu’à la bataille devant Ikorodu en 1865. L’Ekitiparapo fut une coalition rassemblant les Ekiti, les Ijesa et les Igbomina, soutenus par les Ife et d’autres groupes, pour combattre la domination des Ibadan. La guerre traîna en longueur jusqu’à l’arrivée des Britanniques qui imposèrent la paix en 1886. Malgré cela, les hostilités ne prirent réellement fin qu’en 1893.

Une autre conséquence notable de la chute de l’ancien Oyo fut l’ apparition du Dahomey comme royaume autonome en 1820 et ses fréquentes incursions en pays yoruba jusqu’à sa conquête par les Français en 1892. La stabilité politique du Dahomey au XIXe siècle tint à la durée des règnes de ses rois, à l’établissement d’un système d’administration centralisé qui fonctionnait bien et à sa puissance économique. Tous ces facteurs combinés encouragèrent Ghezo, le roi du Dahomey, à profiter de l’occasion fournie par l’affaiblissement intérieur d’Oyo pour proclamer l’indépendance du Dahomey au début des années 1820. Le Dahomey se lança alors dans une série d’invasions des pays yoruba, dirigées principalement contre les Egbado, Ketu, Sabe, Okeodan et les Egba d’ Abeokuta. Le Dahomey fut cependant vaincu deux fois par les Egba, en 1851 et en 1864. Les incursions dahoméennes dans la région du cours supérieur de l’Ogun n’en continuèrent pas moins jusqu’à la conquête française de 1892.

Il convient toutefois de ne pas considérer ces guerres du XIXe siècle entre le Dahomey et les Yoruba hors de leur contexte en voyant en elles des guerres interethniques. Il faut les envisager sous le même angle que les diverses guerres mentionnées plus haut qui opposèrent les Yoruba entre eux et que les guerres qui déchirèrent les Aja à la même époque, comme par exemple les guerres menées par le Dahomey dans la vallée du Weme à Porto-Novo vers la fin des années 1880 et le début des années 1890. Les caractéristiques des alliances et la définition des intérêts et des obiectifs prioritaires poursuivis dans ces guerres devraient au moins nous amener à discerner les interrelations culturelles parcourant toute la région et à remettre en cause la notion de tribalisme et d’ethnicité telle qu’elle s’est forgée pendant la période coloniale.

Les guerres qui suivirent la chute de l’ancien Oyo eurent des répercussions importantes, en particulier sur la moitié ouest de la région Mono-Niger. Il y eut tout d’abord dans la région des changements démographiques et des mouvements de populations de grande portée et qui ne respectaient pas les critères de l’ « ethnicité » telle que celle-ci devait être définie ultérieurement à l’époque coloniale. Les destructions massives de grandes villes fondées avant le XIXe siècle, comme l’ancienne capitale Oyo elle-même, Igboho, Ikoyi, Igbon, Iresa, Oje, Ketu et Sabe, entraînèrent de très importants mouvements de populations vers d’autres régions. De nouvelles villes furent créées dans de nouveaux emplacements, notamment Ibadan, Abeokuta, Sagamu et Aiyede, accueillant des réfugiés venus d’un peu partout. Ceux-ci grossirent aussi la population de nombreuses villes plus anciennes. Des populations furent massivement réduites en esclavage et l’on assista à une augmentation sensible de l’emploi des esclaves domestiques. II s’en ensuivit un brassage ethnique considérable, et l’on vit des esclaves yoruba se fixer en pays aja et des réfugiés aja trouver asile dans des communautés yoruba apparentées.
Les répercussions sociales de ces mouvements de populations furent multiples et variées. Le degré d’urbanisation s’accrut sensiblement étant donné que les villes fortifiées et défendues par des hommes en armes paraissaient présenter les conditions voulues de sécurité. Les villes nouvelles firent l’expérience de nouveaux systèmes de gouvernement, tels que la dictature militaire à Ijaiye sous Kurumi, le fédéralisme à Abeokuta sous Sodeke et la monarchie constitutionnelle à Epe sous Kosoko. On vit en particulier les guerriers devenir la classe politique dominante dans beaucoup des nouvelles villes, où ils ne tardèrent pas à évincer l’ancienne classe monarchique. Ainsi, dans l’aire yoruba, où beaucoup d’ oba semblèrent avoir perdu le pouvoir dans leur ville au profit des balogun, ou chefs de guerre. Ce processus d’adaptation a pu aussi être observé dans certaines communautés et établies en pays yoruba qui adoptèrent ultérieurement le titre et les fonctions de l’ oba sur le modèle yoruba, selon un processus qui s’est graduellement poursuivi au XXe siècle.

Source : Histoire générale de l’Afrique, UNESCO (vol III, V, VI)

– Organisation politique

Les Yorouba sont plus de 3 millions dans le sud-ouest du Nigeria (on les retrouve aussi au Moyen-Togo jusqu’à la frontière du Ghana). Leur influence culturelle va jusqu’en Amérique où elle est bien marquée à Cuba, à la Jamaïque et à Bahia. Ils sont divisés en cantons, dont certains étendus, ayant chacun un chef. Deux de ces chefs, l’Oni siégeant à Ifé, et l’Alafin siégeant à Oyo avaient autrefois sur les autres une prééminence : religieuse pour le premier, temporelle pour le second. Cette confédération étatique a disparu depuis près de 2 siècles.

Actuellement le système présente un emboîtement d’unités sociales : la famille, le lignage, le clan, chacune de ces unités ayant son chef. Dans les villes, nombreuses et peuplées bien avant l’arrivée des Européens, les quartiers se répartissent par familles étendues, des étrangers étant cependant admis à cohabiter mais avec un rang inférieur ; à ces populations libres s’ajoutaient autrefois les esclaves.
Les associations ont un développement considérable : associations de distractions, de secours, de corporations masculines ou féminines (le rôle de la femme est important dans l’agriculture et le commerce), associations religieuses. La principale de celles-ci, la société Ogboni, a des sections dans tout le pays yorouba; contrôlée par une aristocratie héréditaire, elle avait jadis une grande influence politique.

Les chefs (Bale), bien qu’indépendants, sont de rang différent, ce rang étant marqué par le droit de porter ou non des couronnes de perles, les couronnes avec franges étant réservée aux rangs les plus hauts. La personne du chef est sacrée ; des rites divers interviennent pour son intronisation. L’Alafin était choisi dans le lignage du fondateur par un Conseil des Sept, représentant les grandes familles ; il faisait ensuite une retraite ou l’instruisait de ses droits et de ses devoirs ; puis il mangeait le coeur de son prédécesseur pour assurer la continuité, enfin venait les rythmes de couronnement. Ailleurs c’était la tête conservée du prédécesseur que l’on utilisait pour la passation de service. Dans chaque chefferie un Conseil représentait l’aristocratie près du chef qui ne pouvait prendre de décisions sans lui. Les corporations et la société Ogboni jouaient d’autre part un rôle important, participant au Conseil ou équilibrant son influence.

Le pouvoir du chef, ainsi très limitée, était de plus toujours révocable. A Oyo, le président du Conseil des Sept consultait de temps à autre le sort pour savoir si l’Alafin était toujours bien vu des puissances célestes. En cas de réponse négative, il envoyait des oeufs de perroquet au chef, qui devait immédiatement se tuer.
Des membres du lignage du chef ou des grandes familles étaient envoyés dans les villages, surtout pour percevoir des tribus. Mais dans l’ensemble, les villages s’administraient eux-mêmes, par leurs principaux patriarches. Le Conseil jugeait seulement les appels et les cas les plus graves. Le gouvernement central assurait les relations extérieures et présidait aux opérations de guerre. Il n’y avait pas d’armée permanente et seuls les volontaires partaient en expédition, assurés par quelques sacrifices humains de la faveur des dieux.

Ailleurs, on peut trouver ceci sur les Yorouba : ils sont divisés en un nombre assez considérable de tribus, dont certaines organisées en Etats. Les principales sont : Oyo, Ifé,Ibadan, Egba, Ondo, Ekiti…Les diverses tribus sont liés par des mythes d’origine communs et par certaines conceptions religieuses qui en découlent, le tout centré sur la ville sainte d’Ifé. Celle-ci aurait été fondée vers le XIIème-XIIIème siècle par le héros Odudua, dont le fils cadet, Oranyan, aurait été le premier Alafin d’Oyo, ville d’où seraient partis les fondateurs des autres Etats yorouba et edo. Les diverses tribus formaient autour d’Ifé une sorte de confédération assez lâche plutôt qu’un Etat centralisé. La civilisation yorouba a atteint son apogée aux XVème-XVIème siècle, époque d’où datent les formidables sculptures d’Ifé. La décadence commencera au XVIIIème siècle, sous l’influence de la traite américaine et des guerres avec le Dahomey, puis au XIXème siècle, avec les Peuls.

Les Yorouba sont des agriculteurs habiles, et des commerçants remarquables.
La descendance est patrilinéaire, la parenté est bilatérale : il y a prohibition de mariage non seulement dans le patrilignage, mais aussi avec toute personne avec laquelle on peut établir une parenté. Les Yorouba n’ont donc jamais formé d’Etat centralisé unique, mais encore connaissent 4 types différents d’organisations politique (Ifé, Oyo, Ijébu, Egba). Les traits communs sont d’abord l’existence d’une hiérarchie de chefs à 3 degrés : les rois oba, desecndants à caractère sacré du héros civilisateur, Odudua, les oloja, et enfin les bale, ces derniers ayant des regalia beaucoup moins élaborés.

Le caractère sacré de l’oba se marquait par les cérémonies très complexes du couronnement (sacrifices humains, manducation du coeur de son prédécesseur…) et par l’étiquette sévère qui l’entourait d’un réseau d’interdits tels qu’il était pratiquement reclus et n’apparaissait en public que très rarement et toujours voilé. L’oba était choisie par le Conseil parmi les descendants du héros civilisateur, la primogéniture n’intervenant que très exceptionnellement : le fils aîné était très souvent sacrifié sur le lit mortuaire de l’oba défunt. Le rôle du roi était essentiellement d’accomplir les rites nécessaires au bien-être moral et matériel de l’Etat. Dans beaucoup de tribus, il était exécuté ou contraint au suicide si ses facultés physiques ou métaphysiques, paraissaient décliner. L’administration de l’Etat se confondait avec celle de la capitale, celle des chefferies subordonnées avec l’administration des chefs-lieux, et ainsi de suite jusqu’à l’échelon du village. Le système assurait une autonomie certaine aux collectivités locales, ce qui explique peut-être la fragmentation de l’ethnie yorouba en un relativement grand nombre d’états. A chaque échelon le chef ne pouvait rien faire sans l’agrément d’un Conseil de composition variable, ilu, comprenant généralement les chefs des principaux lignages et des représentants des guildes et associations. À Oyo, le chef terrestre (basorun) par opposition à l’alafin, chef céleste, présidait le conseil et était chargé d’interpréter annuellement l’oracle qui décidait de la vie ou de la mort de l’alafin.

La Cour royale était nombreuse avec des dignitaires titrés, les uns libres, les autres de statut servile, chargés de tâches administratives, militaires, fiscales ou rituelles. Certaines charges de courtisans et de conseillers étaient héréditaires. La religion était très étroitement liée à la structure royale. Le dieu créateur Olorun est lié au siège royal d’Ifé. Il est cependant relativement moins important que les quatre cent orisha, divinités inférieures ou esprits personnalisés, liés à des phénomènes naturels, à des ancêtres déifiés, à des rites, à des groupes sociaux et dont le culte se pratique jusque chez les négro- américains du Brésil et des Antilles. A signaler particulièrement : Ifa lié à la divination; Shopona, la variole; Shango, la foudre; Ogun, orisha de la guerre et de la métallurgie….

Religion :

Bien que la majorité des Yoroubas du Nigeria et du Bénin (l’ancien Dahomey) soient chrétiens ou musulmans, la religion yorouba traditionnelle est loin d’être éteinte. Non seulement reste-t-elle vivace chez une minorité des 13 millions de Yoroubas d’Afrique, mais encore survit-elle, sous une forme des plus pures, aux Antilles et au Brésil, où elle s’est implantée à l’époque de la traite transatlantique des esclaves.
La religion yorouba traditionnelle reconnaît quatre niveaux hiérarchiques d’êtres spirituels ou quasi spirituels. L’être suprême, Olodumare, également appelé Olorun (propriétaire des cieux) occupe le niveau supérieur, ses ministres ou dieux subordonnés (Orisha) le niveau immédiatement inférieur. Parmi eux se reconnaît une certaine hiérarchie, Obatala étant le plus important de tous. À l’étage au-dessous règnent les ancêtres déifiés comme Shango. Viennent enfin les esprits associés aux phénomènes naturels comme la terre (Ile), les rivières, les montagnes et les arbres.
L’être suprême, Olodumare, est immortel, unique, omniscient, omnipotent et complètement impartial dans ses jugements. Les Yoroubas, bien qu’ils n’érigent ni temples ni sanctuaires en son honneur, l’invoquent, le prient et le révèrent. Inversement, les dieux subordonnés et les autres êtres spirituels ont leurs prêtres, leurs temples, leurs sanctuaires et leurs autels.

Outre les actions de grâce personnelles et privées rendues à Olodumare et le culte public dont font l’objet les dieux subordonnés, la religion yorouba professe le respect et la vénération des ancêtres. Elle fait aussi une large place aux pratiques divinatoires. L’oracle d’Ifa est le plus consulté. À travers tous les territoires des Yoroubas, danses et mascarades sont intimement associées au culte des morts et des divinités qui doivent garantir le bien-être et la prospérité de l’ensemble de la communauté. Les mascarades des oto et des egungun sont à cet égard les deux cultes les plus répandus.

Obatala est pour la plupart des Yoroubas le plus important des dieux secondaires. Selon les mythes yoroubas, il aurait joué un rôle majeur dans la création du monde, en secondant Olodumare, le dieu suprême. Celui-ci lui aurait appris à façonner hommes et femmes auxquels l’être suprême insufflait ensuite la vie.

Le dieu rusé Eshu, messager du bien et du mal à la fois, est le premier des intermédiaires entre le ciel et la terre. Eshu tient Olodumare informé des activités des dieux subordonnés et des hommes. Il a sa place sur tous les autels familiaux et chacun tente de se le rendre propice.

En terre yorouba. il existe différentes catégories de prêtres et de personnages sacrés par exemple des prêtres attachés à des temples chargés de sacrifices propitiatoires, votifs… Les différents dieux et ancêtres déifiés ont leur propre clergé. Les prêtres de Shango sont appelés magba, ceux d’Orunmila, babalawo. Après une longue et rude initiation, les prêtres sont consacrés et investis du pouvoir d’offrir des sacrifices. En dehors des prêtres, il existe des personnages sacrés, « médiateurs » et thuriféraires qui gardent les temples et les autels. Il y a enfin les devins. Si un prétre peut être un devin. un devin ne peut procéder aux sacrifices.

Certaines divinités yoroubas sont plus ou moins vénérées selon les lieux ; d’autres. comme Ogun, sont l’objet d’un même culte d’un bout à l’autre des terres yoroubas. Ogun, selon la tradition, aurait utilisé sa hache pour ouvrir la route aux dieux lorsqu’ils vinrent habiter la terre. Son habileté à manier la hache et sa force en ont fait, peu à peu, le dieu des chasseurs, des forgerons, des bouchers, des barbiers, des soldats et aujourd’hui des camionneurs, des chauffeurs de taxis et de tous ceux qui travaillent le fer ou l’acier. Ogun préside égaLement à la conclusion des pactes et des accords. Lorsqu’un Yorouba, attaché aux croyances traditionnelles comparait devant un tribunal, il ne prête pas serment sur le Coran ou la Bible, mais sur un morceau de fer qui incarne et symbolise Ogun.

Les Yoroubas recourent à différents systèmes de divination. Les instruments les plus importants de l’oracle d’Ifa sont des noix de palmier rigoureusement sélectionnées, un plateau obligatoirement rectangulaire, rond ou semi-circulaire, une cloche d’ivoire ou de bois. Tous ces objets servent à invoquer l’esprit qui va rendre l’oracle. Les dents d’animaux. les coquillages et des petits fragments de céramique sont également utilisés.

Le prêtre d’Ifa (le babalawo), le plus «spécialisé» de tous les prêtres yoroubas étudie et utilise un groupe de seize poèmes (odus) qui sont censés renfermer la somme des expériences qu’un être humain peut connaître.
Orunmila, l’un des principaux dieux subordonnés est la puissance qui se tient dans l’ombre de l’oracle. Il est pénétré de toute la sagesse d’Olodumare et tous recherchent ses faveurs.

Les masques d’egungun étaient jadis. et sont encore réservés à des fonctions sociales et religieuses d’une extrême importance. L’egungun lui-même est tenu pour l’incarnation de l’esprit d’un mort revenu du monde des esprits pour rendre visite à ses «enfants». Aucune partie du corps de l’egungun ne doit être exposée à la vue, car celui qui l’apercevrait verrait aussi l’esprit qu’elle cache ; il romprait le charme et mourrait.

Les egungun sont ainsi enveloppés des pieds à la tête dans un tissu et portent un masque qui est souvent la caricature d’un animal, un python, un léopard, un Européen, ou un quelconque « étranger ».. Lorsqu’une ville ou un village a été purifié avec de l’eau bénite et des médecines, les hommes masqués apparaissent et commencent à exécuter des danses acrobatiques.

Les Yoroubas élèvent parfois au rang de dieu de grands héros ou des individus dotés de grands pouvoirs. Shango, le dieu de la foudre, la «colère» d’Olodumare, était, selon la légende, roi d’Oyo. C’était un tyran. Un jour , ayant découvert qu’on complotait de l’assassiner, il quitta Oyo et se vengea de ses anciens sujets en foudroyant leurs villes et leurs villages. Les habitants d’Oyo, imaginant que Shango s’était suicidé et ne pouvait être tenu pour responsable de leurs malheurs, consultèrent l’oracle qui leur révéla que Shango était bel et bien l’artisan de leurs malheurs.

Pour tenter de l’apaiser et de le rendre propice, ils firent tout ce qu’ils purent, allant jusqu’à le défier. Aujourd’hui, les autels dédiés à Shango ne se comptent pas, non seulement en pays yorouba, mais jusque sur le continent américain et aux Antilles. Seuls les magba, les prêtres de Shango, sont habilités à préparer l’enterrement des victimes de la foudre.

Parmi les divinités associées aux entités naturelles telles que la terre, les fleuves, les montagnes et les arbres, les unes sont mâles, les autres femelles, bonnes ou maléfiques Yemoja, une divinité femelle bienfaisante, règne sur les fleuves, les rivières, les lacs et l’eau en général. Son corps est la source de toute eau. Olokun, une divinité mâle, vit dans la mer, en contrôle les colères et en répartit les ressources. Oya, la divinité du fleuve Niger, est l’auteur des vents violents et des bourrasques. Oshun, divinité tutélaire d’Oshogbo, est associée au fleuve du même nom. C’est une déesse de la fertilité qui, grâce à ses eaux thérapeutiques, dispense la joie de la procréation aux femmes stériles.

Source: Atlas des civilisations africaines, 1987

3. LES YOROUBA A TRAVERS LE MONDE

– La Santeria à CUBA :

Il s’agit d’une religion syncrétique dérivée des pratiques religieuses et des croyances africaines et catholiques romaines qui s’est développée à Cuba puis s’est étendue plus tard à d’autres pays. La Santeria s’est développée entre le 16ème et le 19ème siècle, quand les colonisateurs espagnols de Cuba ont importé des centaines de milliers d’esclaves d’Afrique pour travailler sur les plantations de sucre et de café. Les Espagnols, qui introduisirent le catholicisme romain à Cuba, ont baptisé ces esclaves et leur ont interdit de pratiquer les religions africaines. Mais les esclaves ont préservé certains éléments de leur religion en identifiant leurs dieux (orishas) aux saints catholiques romains. Ce syncrétisme a permis aux esclaves « d’adorer » les orishas secrétement tout en rendant hommage aux saints catholiques (santos).

Les historiens ont identifié les esclaves venus d’Afrique comme faisant partis en grande majorité du groupe des yorouba du sud-ouest du Nigeria. Les esclaves yorouba croyaient en un être suprême (Olodumaré) : à Cuba, cet être fut assimilé à la conception chrétienne de dieu. De même, les orishas (enfants et serviteurs d’Olodumaré) furent assimilés aux saints chrétiens. La religion yorouba comprend 400 à 500 orishas, chacun d’entre eux ayant un rôle protecteur; ils sont « adorés » par les habitants de villes différentes. Les pratiquants de la Santeria reconnaissent environ 16 orishas (ceux-ci sont parfois appelés Lucumi à Cuba car ce nom était utilisé par les Espagnols pour désigner les esclaves yorouba).

Pour les pratiquants de la Santeria, Olodumaré est un dieu distant et inaccessible. Ils concentrent leurs activités religieuses sur les orishas. Pour ceux qui les « adorent », les orishas sont des ancêtres divins, immatériels, qui contrôlent certains aspects de la nature et quelques activités humaines. Ogum, par exemple, est le dieu du fer et des minéraux; il surveille les forgerons et ceux qui conduisent des véhicules constitués de parties métalliques. Chaque individu développe une relation réciproque avec l’un des orishas. L’orisha le protège et le guide; en échange, on lui apporte des offrandes. La communication avec les orishas est établit à travers différentes formes de divination célébrées par un prêtre ou une prêtresse (également à travers la possession de l’esprit). Ce rituel prend place au cours de cérémonies musicales et dançantes.

La Santeria utilise trois types de divination : obi, dilogun et une combinaison de l’opelé et du tablero d’Ifa. Pour chaque type de divination, le prêtre ou la prêtresse procède au lancement d’objets et interprète la chute de ceux-ci (exemple d’objets lancés : un quart de noix de coco pour l’obi, 16 coquillages pour le dilogun…).

L’opelé et le tablero sont utilisés exclusivement par les babalawos (la divination d’Ifa comprend 256 signes ou odu, et chaque signe contient des centaines de versets), les plus importants prêtres de la Santeria, tandis que les dilogun sont utilisés par un santero ou une santera. L’obi peut être utilisé par eux deux.

Les pratiquants de la Santeria organisent des cérémonies appelées bembés pour invoquer leurs orishas.
Chaque orisha a son propre rythme de tambour, de chant et de pas de dance. En pratiquant la musique et la chorégraphie d’un orisha, « l’adorateur » essaie de persuader l’orisha de participer à la cérémonie. Il tente aussi d’être possédé(e) par cet orisha. Un orisha qui possède de façon temporaire un adorateur, est capable de participer aux festivités et d’accepter les offrandes de nourriture (il peut aussi donner des conseils).

La Santeria s’est implantée en dehors de Cuba et en particulier aux Etas-Unis. Des centaines de milliers d’exilés cubains sont arrivés aux Etats-Unis en 1959. Mais la coutume qui prévoit le sacrifice d’animaux pour nourrir les orishas a provoqué un scandale aux Etats-Unis.

– Au Brésil, spécialement à Bahia, Rio de Janeiro et Sao Paulo, la religion basée sur « l’adoration » des orishas s’appelle soit Candomblé soit Umbanda. La différence est que l’Umbanda incorpore une grande part de spiritisme (philosophie européenne développée par l’écrivain français Alan Kardec au milieu du 19ème siècle).
Les humains ne négocient ni avec dieu ni avec les orishas (trop éloignés) mais avec des esprits de moindre importance. Au nord du Brésil, à Recife, la religion est connue sous le nom de Xango alors qu’à la Trainité elle se nomme Chango.

Source : Microsoft Encarta Africana

Référence: AfriquePluriel