Le continent africain toujours absente de l’histoire?
Une révolution est en marche dans le monde des solutions de paiement et le système monétaire. Facebook vient de créer en Suisse une nouvelle entreprise de technologie financière orientée sur la blockchain avec pour ambition d’opérer des paiements, de l’analyse de données et de l’investissement sous le nom de Libra.
Libra Networks, dont Facebook Global Holdings est actionnaire, a été enregistrée en Suisse le 2 mai dernier avec pour objectif de fournir des services financiers et technologiques et de développer le matériel et les logiciels associés. L’intérêt de Facebook : trouver un nouveau relais de croissance et introduire un nouveau moyen de paiement qui pourrait être une nouvelle manne financière et fidéliser de nouveaux annonceurs.
Le Libra
Selon les créateurs de cette monnaie, celle-ci devrait être globalement stable. Libra ne sera « pas volatile » comme une monnaie classique parce qu’elle aura « un taux de change fixe ». Cette monnaie numérique sera adossée à un panier de monnaies et de valeurs jugées stables comme les dollars et les euros. Grâce à une application sur leur téléphone portable, les consommateurs pourront en acheter et les utiliser pour payer sur Internet, sur des plateformes d’e-commerce mais aussi dans l’univers de Facebook, notamment les messageries Whatsapp ou Messenger.
Cette cryptomonnaie permettra d’acheter des biens dans des boutiques physiques. Elle servira également au transfert d’argent : un Bambara installé aux Etats-Unis pourrait ainsi envoyer des libras à sa famille à Bamako. L’ambition de Facebook et de ses partenaires est d’offrir un service plus rapide et moins cher que ceux des banques ou de Western Union.
Des cofondateurs non négligeables au vu de leur renommée internationale et de leur capacité financière ont déjà rejoint le mouvement: des entreprises comme Visa-Mastercard, PayPal, Spotify, Uber, Booking.com mais aussi Iliad, la maison mère de l’opérateur téléphonique Free, que dirige le célèbre Xavier Niel.
Le blockchain
Le blockchain (chaîne de blocs) est ce protocole informatique rendu célèbre par les cryptomonnaies, les fameux bitcoins. Mais ce protocole n’est pas qu’un outil financier. Il permet aussi de stocker et de transmettre des informations (des données, des paiements, des contrats), de manière sécurisée, sans passer par un organe central de contrôle.
Et c’est là toute son originalité : la blockchain fonctionne comme un immense livre comptable (transparent et immuable) dont les données sont conservées (en bloc) sur des milliers de serveurs qui garantissent les informations partagées.
Ce registre contient l’historique de tous les échanges réalisés entre ses utilisateurs depuis sa création. Pour tout objet échangé, une transaction sera mémorisée sur des milliers de serveurs. C’est ce qui garantit la fiabilité des informations. Si quelqu’un tente de changer les données d’un bloc, tous les autres serveurs informatiques lanceront une alarme pour falsification. Et l’avenir de cette technologie semble assuré : en 2018, les fonds de capital-risque ont investi 4 milliards de dollars dans le blockchain.
Facebook, avec Whatsapp, compte plus de deux milliards d’utilisateurs à travers le monde, autant de clients potentiels pour ce nouveau type de paiement.
Les consequences pour l’Afrique
Le grand changement introduit sera la reduction du poids des banques. Les banques donc souvent les Etats qui jusqu’à présent régulent les marchés. Et comme il sera possible d’envoyer discrètement de l’argent sans frais à n’importe quel endroit du monde, il est fort à parier que cela pourra renforcer les transactions frauduleuses au regard des législations locales et favoriser ainsi le blanchiment d’argent.
Selon le journal économique français Les Echos, Facebook offrira gratuitement son service Libra à son lancement. Ainsi, « tout le monde pourra l’utiliser massivement et convertir en ligne ou en cash sa monnaie, sans avoir à payer de commission. L’idée étant de populariser au maximum cette nouvelle monnaie. Une fois celle-ci bien implantée, Facebook pourrait alors proposer des services payants, comme ceux proposés par les banques classiques« .
L’autre événement est que Facebook va fragiliser à terme les monnaies classiques et de ce fait dépassionner le débat sur le franc CFA. Mais encore une fois, l’Afrique est discriminée, avec d’une part couverture technologique sous contrôle dans certaines dictatures.
D’autre part, à l’instar des banques françaises qui détiennent aujourd’hui l’ensemble des données des contribuables de la zone CFA, Facebook sera demain à la manoeuvre. « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit !« , Facebook se rétribuera certainement en collectant encore plus d’informations sur ses abonnées et en vendant les informations à des sociétés partenaires. L’Afrique est-elle en marche vers une nouvelle colonisation? Après Western Union, Facebook va débarquer…
Pendant ce temps, nous discutons du nom et de l’oportunité du CFA.
La rédaction Afrology
avec les agences de presse