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Soudan : le Conseil de transition militaire dos au mur ?

Qui a dit que les gilets jaunes n’arriveront pas en Afrique?

Sous pression de toutes parts des émissaires américains et africains, le Conseil militaire de transition l’a reconnu : oui, ils ont dispersé dans la violence le sit-in devant le QG de l’armée le 3 juin. 

Face aux craintes d’une escalade de la violence, des émissaires américains et africains se trouvent à Khartoum depuis mercredi pour tenter de trouver une solution à la crise entre les militaires et le mouvement de contestation, surtout après la dispersion brutale le 3 juin du sit-in des manifestants qui était en place depuis près d’un mois devant le siège de l’armée. Selon un comité de médecins proches de la contestation, quelque 120 personnes ont été tuées dans la répression des manifestants depuis le 3 juin, la plupart dans la dispersion du sit-in. Les autorités ont parlé de 61 morts.

Les militaires font leur mea culpa

Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ils ont fini par reconnaître ce jeudi 13 juin leurs responsabilités dans l’organisation et l’exécution des violences perpétrées ce jour-là envers les civils présents sur le sit-in. Une enquête aurait été diligentée, bouclée, et les conclusions seront présentées samedi 15 juin. L’information a été donnée par le porte-parole du CMT, Shams-Eddin Kabbash. Le militaire a déclaré que certains officiers avaient été arrêtés pour leur rôle dans la dispersion meurtrière du sit-in de protestation dans la capitale Khartoum.

Le parquet général du Soudan a annoncé d’autre part jeudi que l’ancien président Omar el-Béchir, renversé et arrêté le 11 avril après plusieurs mois de manifestations contre son règne autocratique, avait été inculpé de corruption au terme d’une enquête. Il a déjà été inculpé en mai d’incitation à la violence et d’implication dans la mort de manifestants. Les procureurs ont ordonné en outre qu’il soit interrogé pour des soupçons de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Les militaires de la transition se disent désormais même prêts à reprendre le dialogue. Dans quelles conditions  ?

L’opération de désobéissance civile est terminée

Pour maintenir la pression sur le Conseil militaire, une campagne de désobéissance civile a quasiment paralysé la capitale Khartoum de dimanche à mardi, malgré le durcissement de la répression. C’est grâce à une médiation du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed que les chefs de la contestation ont cessé la campagne de désobéissance civile et accepté le principe d’une reprise des pourparlers avec le Conseil militaire.

Qui sont les émissaires sur place  ?

Le nouvel émissaire spécial américain, Donald Booth, et le secrétaire d’État américain adjoint chargé de l’Afrique, Tibor Nagy, doivent aussi rencontrer le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane. Mais il n’était pas possible de savoir si la rencontre avait eu lieu.

Les deux envoyés spéciaux américains doivent en outre rencontrer des diplomates saoudiens, émiratis et égyptiens. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte soutiennent les généraux au pouvoir, estiment des analystes. Après le renversement de Omar el-Béchir, Riyad et Abu Dhabi ont octroyé une aide de trois milliards de dollars au Soudan, dont un dépôt de 500 millions de dollars à la Banque centrale, pour soutenir la livre soudanaise qui a plongé face au dollar. Ensuite, ils devraient aussi se rendre à Addis Abeba pour s’entretenir avec des responsables éthiopiens et de l’UA qui a suspendu le Soudan après la répression.

L’émissaire de l’UA, Mohamed El Hacen Lebatt, a assuré qu’une équipe de diplomates étrangers travaillait à résoudre la crise. « Je peux dire sans optimisme excessif que les discussions que nous avons eues avec chaque partie séparément progressent. » La crise économique au Soudan a été à l’origine des premières manifestations contre le régime de Béchir, destitué après trois décennies au pouvoir.

Les pourparlers entre Conseil militaire et meneurs de la contestation ont été suspendus le 20 mai, chaque camp voulant diriger la future instance censée mener la transition. Les relations se sont nettement détériorées avec la répression du sit-in et les meneurs de la contestation insistent désormais pour que tout accord s’accompagne « de garanties régionales et internationales ».

L’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), le fer de lance de la contestation déclenchée en décembre 2018, a indiqué que ses leaders avaient informé les responsables américains de la nécessité d’une enquête transparente sur la dispersion du sit-in le 3 juin, attribuée par les chefs de la contestation aux troupes des redoutées Forces de soutien rapide (RSF). Les leaders de l’ALC ont également appelé au retrait des « milices » des rues de Khartoum et d’autres villes, à l’arrêt des coupures d’Internet et à l’établissement d’une autorité civile, selon un communiqué.

Publié le 14/06/2019 à 09:51 | Le Point.fr