L’histoire du continent africain est passionnante. Nous connaissons tous les pharaons d’Egypte et leurs tombeaux magnifiques. Mais combien d’entre nous ont entendu parler des anciens empires de l’Afrique de l’Ouest ? Le premier de ces empire, le Ghana, s’est développé de l’an 300 à l’an 1300. Le Ghana était alors si riche que, dans le palais du roi, les chiens portaient des colliers d’or.
Au cours du Xe siècle, quelques savants arabes commencent à décrire les richesses des grands royaumes d’Afrique. Certains, comme Ibn Battuta, parcourent réellement le continent. D’autres s’inspirent des récits des voyageurs. Les écrits sur l’Afrique sont alors de plus en plus nombreux et très vite la richesse des royaumes est connue en Europe. Les Portugais sont les premiers Européens à s’implanter en Afrique au début du XVe siècle. Un peu plus tard viennent les Français, les Hollandais et les Britanniques.
Les Européens établissent des comptoirs le long des côtes et commercent avec les Africains. Mais bien peu, à cette époque ose s’aventurer à l’intérieur du vaste continent qu’ils nomment le « continent sombre ». Quasi absents au XIIe siècle, des marchands européens accèdent peu à peu au commerce africain en ouvrant des comptoirs dans les villes du Maghreb. Au XVe siècle, par exemple, on trouve à Oran des marchands catalans, majorquins, castillans, génois, vénitiens, pisans et marseillais Si tous se pressent ainsi dans le Maghreb, c’est bien pour l’or africain, dont l’importance pour l’économie européenne doit être questionnée. On sait bien que cet or a une importance primordiale pour les souverains maghrébins. Il leur permet de mener une politique de prestige passant par un monnayage d’or intensif. Pour les villes marchandes européennes, quelques chiffres montrent que cet or n’est pas moins important : En 1377, le bénéfice net du commerce génois avec l’Afrique s’élève à 68 000 livres. Durant tout le XVe siècle, la valeur globale du commerce africano-catalan dépasse 500 000 dinars par an. Outre le commerce, l’or africain passe dans l’économie européenne par l’entremise des tributs versés par les royaumes maghrébins aux
souverains castillans ou aragonais. La location de flotte de guerre ou de mercenaire est également très lucrative.
Le monopole des marchands arabo-berbères sur le commerce transsaharien gêne cependant autant les rois du Mali et du Songhay que les Européens : dans les deux cas, il s’agit d’un monopole mal vécu. Ambassades, envois de cadeaux et autres échanges de lettres ont cependant peu d’effets.
Il en va de même dans l’océan indien, que les souverains successifs du Caire interdisent aux marchands européens. Dans cet océan, un grand commerce très actif est en place autour des deux plaques tournantes que sont Aden et Kilwa. Les commerçants Arabes, Indiens, Indonésiens et Chinois (7 expéditions de Cheng Ho entre 1405 et 1433) viennent y échanger épices, soie et porcelaine contre du fer, du bois, de l’ivoire et surtout l’or du Monomotapa, dont la production est estimée à 10t/an durant tout le XVe siècle.
L’EMPIRE DU GHANA : LE WAGADU (750 -1204)
Dans les premièrs siècles de notre ère, le Wagadu, un petit royaume situé entre le Sénégal et le Niger, aux sources de l’or, et gouverné par le clan des Cissé Tounkara finit par dominé l’ensemble des Soninkés, peuple d’agriculteurs.
Le roi fondait son pouvoir sur le culte du Wagadu-Bida, le dieu serpent. Il portait le titre de « Kaya-Magan » ou « roi de l’or ».
Les problèmes de successions étaient inconnus car la tradition plaçait automatiquement sur le trône le fils aîné de la sœur aînée du roi.
Le souverain du Wagadu fit bon accueil aux marchands musulmans arrivés au IXe siècle dans cette région qu’ils avaient appelée Ghana (du nom du titre que portait les rois signifiant « chef de guerre »). Il leur permit de s’installer à côté de sa capitale, Koumbi Saleh, pour échanger leurs produits contre de l’or, mais sous bonne surveillance, car il se réservait le secret des origines de cette matière précieuse.
Le Wagadu finit par dominer la vallée du Sénégal et la plus grande partie du delta intérieur du Niger. C’est au sein de cet empire très décentralisé que seraient apparues les premières castes de marchands et d’artisans.
De sa capitale, l’empereur règne sur un empire divisé en provinces et royaumes avec une armée forte de 200 000 hommes. Des gouverneurs, des rois, des ministres l’aident à gouverner son peuple comportant trois couches sociales : nobles (commerçants, agriculteurs, aristocrates…), hommes de caste (artisans, griots…) et esclaves (prisonniers…).
Il s’appuie sur une économie très développée : l’agriculture prospère au Sud, l’élevage au Nord ; le commerce, notamment transsaharien, est florissant (or, peau, céréales, esclaves…) ; les mines d’or et de fer se révèlent intarissables ; les transports se développent.
L’opulence de cet empire animiste attire les convoitises de ses voisins musulmans. Dès 1042, des Berbères convertis à l’islam, les Almoravides, entreprennent la conquête du Wagadu. La ville d’Aoudagost est prise en 1057, puis Koumbi Saleh en 1076 mais reprise en 1087. Cependant, le Wagadu se trouve très affaibli et alors débute son lent déclin par un démembrement progressif.
Les populations de l’empire hostile à l’islam, imposé par la force, émigrent vers le Sud ou l’Est. La nation se dépeuple et ses armées se trouvent donc moins puissantes. Ainsi, des royaumes tels que ceux du Mali ou du Diara prennent la liberté de se détacher de l’empire qui va devenir un petit royaume.
Simultanément, ce qui faisait sa prospérité (commerce, élevage, agriculture, mines) se trouve bien désorganisé. Certains des Etats vassaux en profitent pour ce développer. L’un d’entre eux, le Sosso du grand Soumaoro Kante s’empare même du Wagadu à l’aube du XIIIe siècle.
Le déclin du Ghana
Les sources insistent sur les relations « compliquées » que le Ghana entretenait avec les Berbères sahariens. La plupart du temps ces relations étaient pacifiques, avant tout commerciales : des Berbères étaient même sujets du Ghana. Le point de friction récurrent entre les deux partenaires semble avoir été la ville commerciale d’Aoudaghost. Cette ville symbolise la tentation des deux parties de contrôler les ressources de l’autre à leur source pour se passer de son intermédiaire.En 990, Adouaghost passe brièvement sous le contrôle des berbères unifiés par un dénommé Tilutane. Il semble même qu’un roi du Ghana ait été assassiné à cette occasion. La ville est vite reprise, mais en 1054, les berbères unifiés par le mouvement almoravide d’Ibn Yasin la reprennent, avant de pousser en 1076 jusqu’à Kumbi Saleh, qu’ils détruisent ( le massacre de ses habitants reste semble-t-il un enjeu mémoriel important encore de nos jours). A cette date, les Almoravides contrôlent donc seul le commerce transsaharien.
Le Ghana s’est replié vers le sud sans disparaître tout à fait : il retrouve son indépendance en 1087, quand le dernier chef Almoravide meurt. La structure fédérale du Ghana ne résista cependant pas à ces revers de fortune : les provinces qui avaient profité des guerres avec les berbères pour prendre leur indépendance (dont le Tekrour ou le Bambouk) refusèrent de retourner dans le giron du Ghana. Des troubles durables génèrent le commerce. Une nouvelle route commerciale évitant le Ghana et aboutissant à Walata fut ouverte en 1224. Privé de ses ressources, le Ghana fut remplacé par le Sosso, puis annexéen 1241 par l’empire du Mali. Il semble en outre que la surexploitation des forêts ait suscité une sécheresse durable, poussant les Soninkés à l’exil. Cette sécheresse pourrait aussi correspondre à l’optimum climatique médiéval observé en Europe à cette période
L’EMPIRE DU KANEM
Situé au croisement des routes de la vallée du Niger, des régions forestières du Sud, de la vallée du Nil et de la Méditerranée, le bassin du Tchad est le plus grand carrefour de civilisations au Sud du Sahara.
Ici c’est développé le royaume du Kanem au VIIe siècle. Son souverain, le « maï », tenait son pouvoir de la possession de chevaux et de la présence d’artisans métallurgistes. Grâce à la cavalerie dotée de couteaux de jets redoutables, les Zaghawas, peuple de pasteurs dont il était issu, assurèrent leur domination sur les agriculteurs.
Le Kanem dura plus de 1000 ans.
Un empire fondé sur l’esclavage
La richesse du « Maï » du Kanem n’était pas fondée sur l’or, mais sur l’esclavage.
« Son emprise sur ses sujets, écrit un chroniqueur musulman de l’époque, est absolue. Il réduit en esclavage qui il veut. »
Au cours de siècles, la région ne cessa d’être le terrain privilégié des chasseurs d’esclaves au profit du monde arabe, puis de l’Empire Ottoman. Aujourd’hui, l’esclavage n’a pas complètement disparu dans la région et se perpétue à l’occasion des conflits locaux avec le Soudan voisin.
La fin de l’empire du Kanem
Au XIVe siècle, le Kanem faillit succomber sous les coups d’autres nomades. Sa caste dirigeante se réfugia dans un petit royaume vassal, le Bornou, et perpétua son pouvoir sous ce nom jusqu’à la veille de l’arrivée des Européens, à la fin du XIXe siècle.
L’EMPIRE DU MALI (1325-1546)
Successeur du Ghana tombé sous les coups des Almoravides en 1076, l’empire du Mali fut le premier Etat structuré d’Afrique occidentale. Ses coutumes et sa structure sociale marquent encore les habitants de la région et leur mode de vie.
Soundata Keita
Selon la tradition orale, Soundiata Keita était le seul rescapé des 12 fils du roi du petit royaume Manding du Mali, tués par Soumaoror Kanté, roi du Sosso. Soumaoro laissa la vie sauve au petit Soundiata car celui-ci était paralytique. Mais le jour de ses 7 ans, n’en pouvant plus d’être la risée de la Cour, Soundiata plia une barre de fer pour en faire un arc et acquit une force étonnante. Craignant pour sa vie, il dut s’exiler et décida, avec des alliés, de combattre Soumaoro qui avait enlevé sa sœur.
Une nuit, la sœur de Soundiata réussit à percer le secret de l’invincibilité de Soumaoro. Aussi, quand un jour de 1235, les armée des deux adversaires se trouvèrent face à face, Soundiata tendit son arc et frappa l’endroit précis de l’épaule de Soumaoro indiqué par sa sœur. Soundiata Keita assura, ensuite, sa victoire en s’emparant des régions riches en or du Ghana dont il fit son vassal.
L’empire Mandingue
Les successeurs de Soundiata Keita étendirent son royaume et constituèrent un véritable empire dont l’influence allait de l’Atlantique au lac Tchad.
En 1285, un esclave affranchi s’empara du pouvoir pendant 15 ans, mais le clan Keita parvint à remonter sur le trône.
Les empereurs se convertirent à l’islam et divisèrent la société en castes, dominée par les guerriers, créant ainsi une structure sociale encore très présente aujourd’hui.
L’empire du Mali se disloqua à partir du XVe siècle sous la pression du royaume de Gao et la révolte des provinces.
Mansa Moussa (Kankou Moussa)
Plusieurs souverains du Mali firent des pèlerinages à La Mecque et favorisèrent le commerce musulman. En 1324, l’empereur Mansa Moussa (Moussa le Grand) prit la tête d’un immense cortège pour se rendre à La Mecque. Il emportait des présents ainsi que la plus grande partie de l’or conservé depuis des générations. Durant leur passage au Caire, les Maliens distribuèrent des aumônes comme tout bon pèlerin et dépensèrent sans compter au point que le cours de l’or chuta dans la région pour plusieurs années.
Sous son règne, le commerce transsaharien prend un essor spectaculaire : du Nord viennent le sel, les tissus, l’encens, les livres. Du Sud partent les épices, le cuivre, l’or, l’ivoire et les esclaves. Les pays côtiers fournissent le miel, le kola, l’huile de palme et l’indigo.
Comme monnaie, on se sert des cauris, d’or, de cuivre, de barres de fer ou de bandes de cotonnades.
Les impôts permettent l’édification de somptueux bâtiments tels que les mosquées de Tombouctou, Djenné et Gao ou le palais royal de Niani.
Les Castes
La première caste était celle des guerriers. Elle était composée des 16 clans mandingues dont la haute noblesse qui regroupait les 4 familles alliées à Soundiata, aux noms encore répandus dans la région : Alpha, Condé, Camara et Traoré.
Puis venaient 5 clans de religieux, ainsi que les marabouts »gardiens de la foi », les artisans, les griots et enfin les esclaves de guerre.
L’EMPIRE SONGHAÏ (1464- 1591)
Les royaumes vassaux de l’empire du Mali n’attendaient qu’une occasion de prendre leur revanche. Ce que fit le petit royaume de Gao, qui donna naissance au plus grand empire que la région eut connu jusqu’à provoquer la convoitise du lointain roi du Maroc.
Sonni Ali
En 1464, Sonni Ali monta sur le trône du petit royaume de Gao, chez les Songhaïs, établi sur le Niger en aval de Tombouctou.
Ce souverain constitua une cavalerie et une flotte de 400 bateaux, puis se lança à l’assaut de Tombouctou, qui fut vaincu en 1468.
Cinq ans plus tard, la flotte de Djenné assura la domination de Sonni Ali sur tout le delta intérieur du fleuve.
Surnommé « Ali le Grand », il favorisa le commerce, créa une administration centralisée et prit l’habitude de rédiger des actes officiels.
Askia Mohamed
Son fils fut un piètre successeur et n’opposa aucune résistance à la prise du pouvoir par Mohamed Sylla, le chef de l’armée appelé ensuite « Askia Mohamed ». Ce coup d’Etat, fomenté par les lettrés de Tombouctou, devait relancer l’islamisation de la région, trop lente à leurs yeux.
Askia Mohamed étendit les limites de son empire et favorisa le développement des cités commerciales.
C’est sous son règne que Tombouctou atteignit sa plus grande renommée intellectuelle et commerciale. Il a laissé l’image d’un grand bâtisseur et d’un homme profondément religieux.
Tombouctou
Tombouctou tiendrait son nom de Bouctou, une vieille femme chargée de garder un puits où les caravaniers venaient faire boire leurs chameaux. Située sur la route la plus courte pour aller du Soudan au Caire et dans le monde arabe, la cité ne cessa de prospérer tant sous la domination des Maliens que sous celle des Songhaïs.
Avec Djenné au Sud, elle était la plaque tournante des échanges entre les céréales produites dans l’empire et le sel du désert passé sous le contrôle des Askias.
Cette richesse permettait d’entretenir nombres d’écoles musulmanes en relation avec les universités du Maroc et d’Egypte.
L’apogée de l’empire
Arrivé sur le trône grâce à un coup d’Etat en 1493, Sarakollé Mohamed Touré (ou Askia Mohamed) adopte une politique inverse et islamise le royaume brutalement. Après son pèlerinage à la Mecque, en 1496, il obtient au Caire le titre de Calife du Soudan, qui légitime son pouvoir et ses conquêtes. Il fait donc du Songhay un champion de l’Islam et fonde la dynastie des Askia (1493 – 1592). C’est sous son règne que l’empire atteint son apogée.
Malgré l’affichage d’une pureté islamique, le système de gouvernement mis en place par Askia Mohamed respecte certaines traditions païennes se combinant avantageusement avec la Charia. L’Askia lance des Djihad contre les peuples animistes, mais reste le « père du peuple » et le garant de la fécondité. Il réduit les Mosis razziés en esclavage parce qu’ils ne sont pas musulmans, mais son peuple croit encore aux Hole (doubles), à l’animisme ( dieu du fleuve Harake Dikko, dieu de la foudre Dongo) et aux magiciens (Sonanke), en lutte permanente contre les sorciers (Tierke).
Le gouvernement semble néanmoins moderne, rationnel, avec un partage des compétences bien déterminé entre conseil, chancelier et différents ministres : Hi Koy (maitre de l’eau), Monjo (agriculture) et kalisa farma (finances). L’empire est divisé en deux provinces (est et Ouest), dirigée chacune par un gouverneur, souvent un prince du sang. Douze provinces plus petites ou des villes sont confiées à des gouverneurs (fari ou koy), à la tête d’une administration efficace, militarisée. Les royaumes vassaux ou tributaires conservent une indépendance théorique, mais l’Askia impose toujours son candidat lors des successions. Askia Mohamed crée également une armée et une flotte permanente encadrée par des officiers professionnels. A l’inverse des rois du Ghana et du Mali, Askia Mohamed tente de dépasser la structure clanique traditionnelle en s’appuyant sur l’islam comme moteur d’unification, même avec les royaumes vassaux.
En ce début du Début du XVIe siècle, le commerce demeure l’activité la plus lucrative, Or et sel avant tout, même si la traite des esclaves prend une place de plus en plus grande. Malgré des permanences, on constate deux grands changements socio-économiques : La première différence par rapport aux deux empires antérieurs est le développement d’une société urbaine stable, fondée sur le commerce et la religion musulmane. Les trois principales villes de l’empire ont un rayonnement international : Tombouctou rassemble 80 000 habitants. C’est à la fois une ville sainte (université Sankoré, 180 écoles coraniques spécialisées dans le droit malékite) et la capitale économique de l’empire. Djenné (40 000 habitants) domine le commerce avec l’Afrique équatoriale alors que Gao (100 000 habitants), la capitale politique, est plus orientée vers l’Egypte et l’Arabie. Ces villes cosmopolites où les Songhay sont très minoritaires n’influencent néanmoins que très peu le monde rural qui s’islamise beaucoup plus lentement.
La seconde différence est l’importance croissante des européens, et notamment des Portugais, dans les échanges commerciaux. Le fleuve Gambie devient donc une voie commerciale importante qui commence lentement à détourner le trafic transsaharien.
Cette prospérité est menacée à partir de 1510 par les royaumes maghrébins qui craignent que la puissance du Songhaï ne débouche sur une mainmise de sa part sur les mines de sel du Sahara. Le commerce transsaharien est gêné par ces tensions, interrompues par la mort d’Askia Mohamed en 1528.
La fin de l’empire Songhaï
Fasciné par le prestige de Tombouctou et la richesse supposée des Askias, Al-Mansour, le sultan du Maroc, se lança à la conquête de l’Empire Songhaï.
Askia Daoud résista vainement et la guerre civile dévasta le pays qui s’enfonça dans l’anarchie. Les gouverneurs marocains nommés par le sultan furent appelés « Armas » par la population à cause des armes à feu qui avaient assuré leur victoire. Puis les sultans se désintéressèrent du Soudan, trop éloigné de chez eux.
LES ROYAUMES DES GRANDS LACS
En Afrique centrale, dans la région équatoriale des hauts plateaux, la grande forêt primaire a été peu à peu défrichée par les agriculteurs. Les royaumes qui ont réussi à s’imposer, au cours des siècles, sont fondés sur la possession du bétail.
Les conditions climatiques ont longtemps constitué un obstacle à l’évolution des sociétés. Mais les techniques métallurgiques, connues et employées depuis 2000 ans avant J.-C. dans cette partie du continent, ont permis aux agriculteurs itinérants de défricher des clairières dans la grande forêt primaire qui n’était habitée jusque-là que par des groupes de chasseurs-cueilleurs dont les Pygmées sont les descendants.
La culture du sorgho, puis de l’igname, favorisa l’augmentation de la population. Et les espaces défrichés, laissés en jachère, permirent l’introduction de l’élevage en provenance du Nord.
Ruhanga fondateur du Kitara
La légende fait du Kitara, le premier royaume ayant gouverné la région en donnant un rôle dominant aux possesseurs de bétail.
D’après la tradition orale, Ruhanga, l’ancêtre fondateur, avait trois enfants appelés Kana (« petit enfant »). Afin de leur donner un nom, il les mit à l’épreuve, confiant à chacun un pot de lait à transporter. Le plus jeune en perdit un peu mais en demanda à ses frères, le deuxième en renversa la moitié et l’aîné tomba à terre en perdant tout. Ruhanga décida que ce dernier ne serait bon qu’à s’occuper des cultures, au deuxième, on confierait les soins du bétail. Quant au premier, le plus malin, il dirigerait les deux autres !
Le royaume du Buganda
L’origine de ces premiers royaumes est mal connue.
Les traditions évoquent l’arrivée des Chwezis, des pasteurs de la vallée du Nil.
Au XVIIe siècle, le Buganda, un des vassaux du royaume du Bunyoro dans l’Ouganda actuel, s’émancipa sous la conduite de son souverain qui portait le titre de « kabaka ». Situé dans une région au sol fertile, bordée à l’est par le lac Victoria, le Buganda entra en contact avec les marchands musulmans, échangeant de l’ivoire contre des cotonnades.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, les premiers explorateurs européens y furent accueillis avec beaucoup d’égard.
Le royaume du Rwanda
Certains petits royaumes, entre les lacs Victoria et Kivu, s’épuisèrent en conflits familiaux.
Au sud-ouest, celui du Rwanda ne fit pas dans la modestie. Les traditions orales le font descendre directement du ciel par l’intermédiaire de Kigwa (« celui qui est tombé ») et de son frère Mututsi, qui a donné son nom aux Tutsis.
Jusqu’à l’indépendance, la société rwandaise resta divisée en classes sociales sur le modèle imposé par Ruhanga, le roi légendaire du Kitara.
LE ROYAUME DU KONGO
En Afrique centrale où la forêt est épaisse, les chefs de village qui ont cherché à s’imposer ont dû luter contre une nature hostile.
Souverains prestigieux au destin parfois tragique, on les appelle « les rois forgerons », maîtres en matière de fabrication d’outils pour défricher la forêt.
Les échanges avec le Portugal
Le royaume du Kongo s’épanouit de part et d’autre de l’embouchure du fleuve Congo grâce à Ntinu Wene, un homme à la poigne de fer.
En contact avec le Portugal dès le XVe siècle, le Kongo devient vite le plus grand Etat de la région, fort de ses échanges commerciaux : plantes comestibles importées d’Amériques, huile de palme locale, ivoire et cauris (monnaie de coquillages ramassés sur la côte). C’est en cherchant un passage pour pénétrer dans l’océan indien que les Portugais le découvrirent.
Les premières relations donnèrent lieu à des échanges d’ambassadeurs entre Lisbonne et Mbanza-Kongo, la capitale du royaume.
Des jeunes Kongolais partirent même faire leurs études en Europe et, en 1513, un des fils du roi de l’époque prononça un discours en latin devant le pape.
Mais en raison de la distance, les communications entre les deux pays restaient rares. Et les représentants du Portugal, les commerçants et les aventuriers, finirent par prendre tous les pouvoirs. Ils surveillaient le royaume à partir de l’île de Sao Tomé, au large, qui leur servait d’entrepôt d’esclaves.
Sous la pression des Portugais, le Kongo finit par devenir un vassal du Portugal. Il fut même obligé de livrer des esclaves, capturés dans les pays voisins.
Mais en 1665, quand les Portugais lui imposèrent de livrer des esclaves kongolais et de dévoiler l’emplacement de ses mines, le souverain du Kongo, Antonio Ier, refusa. Son armée fut vaincue et sa tête ramenée à Loanda, la future Luanda, devenue elle aussi un comptoir portugais.
Les Laundas
A leur arrivée au Kongo, les Portugais entendirent parler de puissantes chefferies à l’intérieur du bassin du Congo. Les Luandas constituaient la plus dynamique, dominant la région correspondant au Katanga, au Sud du Congo-Kinshasa. Ils devaient leur réputation aux gisements de cuivre qui leur avaient fourni la matière pour créer une monnaie.
Au XVIIIe siècle, ils étaient les maîtres du commerce entre le Kongo, dominé par les Portugais pourvoyeurs d’armes à feu, et les côtes de l’océan Indien où ils contrôlaient l’utilisation des cauris qui risquaient de concurrencer leur monnaie de cuivre.
L’ABYSSINIE, LE ROYAUME DES NEGUS
Le plateau escarpé au centre de l’Ethiopie a permis à une succession de royaumes chrétiens de résister pendant des siècles aux invasions qui bouleversèrent la Corne de l’Afrique. L’histoire de cette région, connue en Egypte antique sous le nom de « pays de Pount », fut ponctuée de coups d’Etat, d’assassinats et d’intrigues de palais.
Le royaume d’Axoum
Les premiers habitants de l’Ethiopie étaient apparentés aux populations de la Nubie. Au Ier millénaire avant notre ère, des émigrants du Yémen s’installèrent entre les rivages de la mer Rouge et le lac Tana. Une de leurs tribus, les Habashas, donna son nom à l’Abyssinie et le royaume d’Axoum finit par s’imposer.
Axoum était la plus grande puissance de la région quand son roi, Ezana (320-342 après J.-C.), se convertit au christianisme. Les Axoumites dominèrent la mer Rouge et firent des expéditions en Arabie. Ils eurent des relations fructueuses avec l’Extrème-Orient.
En 1504, le royaume d’Aloa, avant-dernier des royaumes chrétiens de Nubie, dut céder devant la pression musulmane. Seule résista l’Abyssinie, réfugiée dans son repaire montagneux. Mais les troupes d’invasion commandées pat l’imam Gragne et renforcées pat l’arrivée des Turcs en mer Rouge dévastèrent la région. L’empereur Claudius demanda alors l’aide des Portugais dont les caravelles venaient d’entrer dans l’océan Indien. A l’issue des combats, les troupes de l’imam Grange durent quitter le territoire et les Portugais s’installèrent en Abyssinie.
Fasilidas
En 1632, le clergé copte souleva la population abyssinienne, contraignant le négus (roi) Sousneyos à abdiquer et à expulser les jésuites portugais.
Son fils Fasilidas (1632-1667) se fit construire une capitale, à Gondar, au nord du lac Tana. En diplomate habile, il noua des relations avec les Turcs, devenus les maîtres de la Méditerranée, et avec le grand Mogol dont l’autorité s’étendait sur la plus grande partie de l’Inde.
Fasilidas et ses successeurs enrichirent Gondar de palais édifiés et décorés par des artisans indiens et arabes.
Ménélik
C’est Ménélik, roi du Choa, une province au sud du lac Tana, qui édifia l’Ethiopie moderne. Reconnu comme négus en 1889, il bâtit un empire en annexant plusieurs régions de la Corne de l’Afrique et en construisant Addis-Abeba (la « nouvelle fleur »), une nouvelle capitale, loin de l’Abyssinie et de ses intrigues.
Il meurt en 1913 en ayant tout tenté pour éviter à son empire d’être colonisé.
LE ROYAUME DU BENIN
Sur le pourtour du golfe de Guinée, la forêt a empêché la formation de grands empires. Mais à partir du XVIe siècle, l’établissement de comptoirs commerciaux européens sur les côtes a favorisé l’essor de cités marchandes grâce à leur artisanat, et même, pour certaines, grâce à l’esclavage.
Le travail des métaux
Avec plus de 130 habitants au km2, le sud du Nigeria est une des régions les plus peuplée d’Afrique. La culture organisée de l’igname depuis 6500 ans semble avoir favorisé cette forte densité de population.
C’est dans le petit village de Nol, sur le plateau central, qu’on a trouvé de superbes têtes de terre cuite datant de 500 ans avant notre ère ainsi que des vestiges du travail du fer.
Ces connaissances en métallurgie ne cessèrent de s’améliorer pour aboutir à la confection de masques en bronze ou en laiton, véritables oeuvres d’art.
La cité d’Ifé
La ville d’Ifé, au sud-ouest du Nigeria, aurait été fondé il y a plus de 1000 ans, par les Yoroubas, venus du lac Tchad sous la conduite du roi Odoudoua. Après la fondation d’Ifé, ses fils seraient partis chacun de son côté pour créer les cités de Bénin, Oyo et Owo.
Il y eut souvent des conflits entre ces cités, mais toutes reconnaissaient Ifé comme leur centre religieux et culturel. Ifé était placée sous l’autorité de l’ « oni », un roi-prêtre qui présidait aux rituels de la fêtes des ignames.
Les cités de Bénin et Oyo
Bénin, au sud-est d’Ifé, entre dans l’histoire au Xe siècle. Ses « obas » (rois) en font un Etat centralisé qui bénéficie de l’affaiblissement d’Ifé et de l’arrivée des Portugais à la fin du XVe siècle.
L’oba s’entoure de nombreux artisans qui exécutent des commandes faites pour l’aristocratie portugaise. En contrepartie, les Portugais aident l’oba à régler ses conflits avec les voisins.
Sous l’influence portugaise, le Bénin se lance dans la culture du palmier à huile et dans la traite des esclaves.
A Oyo, l’ « afalin » (roi) ou « compagnons des dieux » était secondé par son fils aîné dans la conduite des affaires de l’Etat. Pour éviter que celui-ci ne tente un coup d’Etat après la mort de son père, sept « oyomesis », des dignitaires chargés de faire respecter la tradition, veillaient à ce qu’il suive son père dans la tombe.
Les oyomesis finirent par prendre goût au pouvoir mais les luttes internes et les incursions du Dahomey voisin sonnèrent le glas d’Oyo qui sombra dans le désordre.
Le royaume du Dahomey
Des émigrants d’Oyo seraient à l’origine du royaume du Dahomey, au sud de l’actuel Etat du Bénin. Sa capitale, Abomey, dont le nom signifie « enceinte fortifiée », a été édifiée au milieu du XVIIe siècle pour servir de place forte.
L’Etat était très structuré et le palais soumis à une étiquette rigoureuse.Le roi ne s’adressait jamais au peuple à voix haute. Il communiquait avec lui par l’intermédiaire du « mêhou », époux de sa seconde fille, qui devait avoir la même apparence physique que lui.
LES SWAHILIS
Depuis près de 3000 ans, l’océan Indien est un important centre d’échanges. Des vents réguliers et des eaux calmes ont favorisé les relations entre l’Inde, la Chine, l’Afrique et l’Arabie.
Une civilisation originale et pacifique en est le résultat.
Arrivée des Shirazis
Dans le Nord de l’océan Indien, la mer d’Oman est parcourue depuis 4000 ans par des navires marchands ; les premiers allaient chercher, dans la Corne de l’Afrique, l’encens et les épices pour la Mésopotamie et l’Egypte. Puis les marins grecs profitèrent des vents de la mousson pour faire des échanges sur les côtes africaines.
A la fin du VIIe siècle, ce sont les marchands arabes qui établirent des comptoirs commerciaux dans les îles et sur les côtes. Le principal était Kilwa, au sud de la Tanzanie actuelle, riche en or et en ivoire.
Vers 950, des troubles religieux à Shiraz, en Perse, poussèrent une partie de la population commerçante à trouver refuge sur les côtes africaines.
Ces émigrants, appelés « Shirazis », construisirent des palais et nouèrent des relations dans le monde musulman.
Une population de métis, les « Swahilis » (« les gens du rivage »), ne tarda pas à se constituer, usant d’une langue très favorable aux échanges.
Le commerce swahili connut son apogée au XVe siècle avec l’arrivée sur les côtes africaines de jonques commerciales chinoises.
Zanzibar
L’arrivée des caravelles de Vasco de Gama en 1498 sonna le glas de la prospérité swahilie qui ne put résister aux armes à feu occidentales.
L’océan Indien passe sous la domination portugaise, hollandaise, puis anglaise au XVIIe siècle. En 1840, le sultan d’Oman transféra sa capitale dans l’île de Zanzibar, au large de la Tanzanie. Sous la protection des anglais, il exploitait le clou de girofle et faisait commerce de l’ivoire exporté en Europe.
En 1898, l’interdiction de l’esclavage et la mainmise de l’Allemagne sur les possessions continentales du sultan marquèrent la fin de la prospérité de l’île.
L’archipel des Comores
Le nom des Comores vient de l’expression arabe « Djazaïr el-Qamar » (les îles de la lune).
En se mariant avec les filles des chefs des quatre îles de l’archipel, les émigrés shirazis arrivés au XVIe siècle fondèrent les sultanats, encore à la tête de ces îles aujourd’hui.
Ces sultans, qui vivaient du commerce des épices et parfois de piraterie, ne cessèrent d’être en conflit les uns avec les autres. Par ailleurs, les habitants devaient se défendre contre les raids des pirates de Madagascar qui débarquaient souvent à l’improviste pour emmener la population en esclavage.
LE ROYAUME DE MADAGASCAR
Madagascar s’est peuplée, il y a 2000 ans, d’Africains et d’immigrants indonésiens. Sur l’île jusqu’alors déserte, les grandes tribus comme les Sakalava et les Betsimisaraka fondèrent des royaumes aux coutumes communes. De grands souverains unifièrent le pays à partir du XVIIIe siècle.
Des immigrants indonésiens
Poussés sur les côtes d’Afrique orientale par les vents de la mousson, les immigrants indonésiens ont probablement apporté avec eux le bananier et le riz, qui offriront une nourriture de base aux Africains. Ils ont aussi donné leur langue, le malgache, parlé aujourd’hui par tous les habitants de l’île.
Par ailleurs, Madagascar doit au continent africain le principe de la royauté sacré, et le regroupement de la population en clans.
Elle tient plus particulièrement des Swahilis son organisation politique, commerciale et culturelle.
Andrianampoinimerina fondateur de l’unité malgache
Ramboasalama, autrement dit « le chien bien portant », l’un des lointains descendants du fondateur d’Antananarivo, prit le pouvoir, dans les années 1790, sous le nom d’Andrianampoinimerina, « le Seigneur au cœur d’Imerina ».
Il fonda une administration forte où les gouverneurs avaient autorité sur les chefs de clans locaux. Des assemblées de villages, les fokonolona, étaient responsables devant les inspecteurs royaux.
Il s’efforça en vain d’unifier le pays. Son fils, Radama Ier continua sa tentative de modernisation en équilibrant la présence des Français et des Anglais, détenteurs des comptoirs sur la côte.
La fin de l’indépendance
De 1864 à la conquête française en 1896, Rainilaiarivony fut le véritable chef de Madagascar. Epoux de trois reines successives, Rasoherina, Ranavalona II, puis Ranavalona III, il s’efforça de préserver l’indépendance du pays. Ranavalona II se convertit au protestantisme, ouvrant Madagascar à l’influence de l’Angleterre. Au grand regret de la France, et sous le règne de Ranavalona III, l’île ne put résister aux pressions étrangères. En 1890, le sort de Madagascar fut décidé en dehors des Malgaches, car les Français et les Anglais s’étaient partagé la région.
La France céda à l’Angleterre son influence commerciale sur Zanzibar en échange de Madagascar, qui fut annexé en 1896.
L’EMPIRE DU MONOMOTAPA
les origines de l’empire
« Monomonata » est la version portugaise du mot Mwene Mutapa. « Mutapa » signifiant « les terres conquises » et mwene « le seigneur ». Cette étymologie vient conforter la légende de la fondation de l’empire : dans la première moitié du XVe siècle, un prince du Zimbabwe nommé Nyatsimba Mutota aurait été envové au nord du royaume pour y chercher de nouvelles mines de sel. Il aurait fait la conquête de ces terres qui appartenaient aux Shonas et aurait créé sa capitale, Zvongambe, sur les rives du Zambèze. Il devient donc le « Mwene Mutapa ».
Le successeur de Mutota, Matope, aurait fait la conquête des terres jusqu’à l’océan indien, soumettant les autres royaumes Shona : le Maniyka, le Kiteve et le Madanda. Le Monomotapa est donc un empire composé d’une métropole directement dirigée par l’empereur et de royaumes tributaires, qui conservent chacun leur roi et leurs traditions. Par contre, le commerce extérieur est entièrement contrôlé par le Mwenemutapa, sous peine de mort. A noter que le Zimbabwe fait aussi partie de l’empire, mais n’est pas construit par le Monomotapa, qui ne fait que récupérer ces constructions.
Un empire prospère
Le commerce de l’Ivoire, du cuivre et le l’or avec les arabes venus du Yémen, les Hindous et même les indonésiens permet l’enrichissement de l’empire. Et cette richesse est même antérieure : Ibn Battuta relève en 1331, lors de sa visite à Kilwa, l’importance du port de Sofala. Les découvertes archéologiques confirment l’existence d’un grand commerce (verre syrien, faïence persane, céladon chinois). Le Monomotapa, protégé des convoitises par les basses terres insalubres, les difficultés de navigation sur le Zambèze et le Limpopo et le secret bien gardé de l’emplacement des mines, traite sur un pied d’égalité avec ces marchands. En témoigne la pénétration très lente de l’Islam dans l’empire, qui conserve sa religion traditionnelle : animisme, culte des ancêtres et rôle primordial des Mkondoros, médiums responsables du maintient de la prospérité et des traditions.
Les Portugais changent la donne
a) des débuts timides
Les côtes du Mozambique présentent plusieurs sites intéressants pour installer les relais nécessaires à la navigation vers l’Inde. En 1516, des Portugais créent donc des comptoirs à Sofala et Kilwa, alors villes commerciales arabes importantes. Loin de rester de simples bases de ravitaillement, ces villes attirent des colons avides de partir à la découverte des mines du roi Salomon et de « cités d’or » que la Bible situe dans ces régions. Des aventuriers, les « sertanejos », ne tardent pas à s’enfoncer à l’intérieur des terres. Marchands, ils deviennent aussi des conseillers et des interprètes des rois Shonas. Les Portugais restent cependant dans une position d’infériorité par rapport au Monomotapa. Les capitaines ou gouverneurs qui s’installent dans les comptoirs doivent payer à l’empereur une très grosse somme d’argent, comme s’ils lui achetaient leur charge ou le droit de résider. Ils doivent également accepter une taxe de 50% sur toute marchandise qui est importée dans l’empire. Pour finir, à intervalles réguliers, des Portugais sont massacrés, de façon à leur rappeler la précarité de leur situation.
b) Une pression de plus en plus forte
Au XVI siècle, le Monomotapa devient une sorte de fantasme, visible sur les cartes éditées en Europe, qui exagèrent grossièrement son importance en l’étendant de l’Angola au Mozambique. La pression portugaise s’accentue donc fortement.
En 1561, Un missionnaire jésuite réussit à convertir le Mwenemtutapa. Face à la colère de marchands musulmans, le roi se ravise et fait exécuter le missionnaire. C’est là le prétexte rêvé d’une intervention portugaise.
En 1568, plus de 1000 hommes, dirigés par Francesco Barreto, tentent de prendre le contrôle des mines d’or et des zones de chasse aux éléphants. Ils avancent jusqu’au haut Zambèze mais doivent se replier, suite aux maladies qui les déciment. En 1572, cependant, les Portugais contrôlent les plaines côtières. Ils sont désormais des intermédiaires obligés pour le commerce dont dépend la prospérité de l’empire. Ce dernier reste cependant puissant : le contrôle très rigoureux de la production aurifère par le Mwenemutapa ne permet pas non plus aux Portugais de se passer de lui.
En 1629, le Mwenemutapa se sent assez fort pour expulser les intrus. Il échoue et les Portugais le détrônent pour installer à sa place un fantoche, Mavura Mkande Felipe. Il signe avec eux un traité qui lui permet de conserver une indépendance de façade tout en vassalisant l’empire : les Portugais ont désormais la permission d’installer des comptoirs fortifiés dans tout le royaume et d’accéder aux mines d’or…qu’ils s’obstinent à ne pas croire épuisées.
Le prestige du Mwenemutapa est sérieusement affecté par ce traité. Des successions difficiles permettent aux portugais de s’immiscer de plus en plus dans les affaires de l’empire en appuyant des factions rivales. Les royaumes tributaires cessent alors de payer et s’émancipent de plus en plus. La fin réelle de l’empire peut donc être placée en 1629, même s’il survit encore durant des siècles; Il semble que le commerce des esclaves ait également joué un rôle dans le déclin du Monomotapa, qui se trouvait à la
confluence des demandes arabes, perses, indiennes et européennes. Une fois les ressources en or épuisées, ce commerce a provoqué une nette baisse de la population dans le sud-est de l’Afrique.
c) Un déclin qui n’en finit pas
Au XVIIe siècle, l’empire s’effiloche peu à peu. Au sud du Monomotapa, la dynastie Rozwi crée le royaume Butwa. Cette région tributaire de l’empire refuse alors de payer les taxes et commerce directement avec les Portugais. Non seulement le Mwenemutapa se monte incapable de les châtier, mais il est en plus déposé par les Portugais en 1663.
Plus tard, en 1684, le Mwenemutapa Mukombe est battu à la bataille de Mahvugwe par le changamire (roi) Rozwi, Dombo.
En 1692, à la mort du Mwenemutapa Mukombe, une énième guerre de succession oppose le candidat des portugais et celui des Rozwi. Après moult massacres, les Rozwi réussissent à prendre le contrôle des régions aurifères du Manyika. Ils sont désormais plus puissants que le Mwenemutapa, au point d’imposer leur candidat au trône impérial en 1712. L’empire recouvre un semblant d’indépendance en 1720, lorsque les préoccupations des Rozwi les portent plus au sud où l’installation des Hollandais commence à produire ses effets
L’EMPIRE ZOULOU
Il y a 200 ans, l’Afrique australe a connu de grands bouleversements : des populations se sont combattues pour prendre possession de la terre. Cette période est restée connue sous le nom de Mfécane, l’affrontement. Le Mfécane a d’abord opposé des peuples d’éleveurs bantous, puis les Zoulous aux Boers.
Chaka
A la fin du XVIIIe siècle, des pasteurs bantous, les Ngunis, arrivèrent du nord et s’installèrent au bord du Zambèze. Dans un de leurs clans, celui des Abatetwas, naquit un enfant « bâtard », fils d’un des chefs et d’une danseuse rencontrée au marché. Humilié dès l’enfance, Chaka dut aussi faire face à la jalousie, le jour où il tua de ses mains un lion qui avait fait fuir tous les villageois. Mais informé de son exploit, Dinguiswayo, le grand chef des Abatetwas, le convoqua et en fit son homme de confiance. A sa mort, Chaka prit sa place.
Les Zoulous, peuple du ciel
Etre chef des Abatetwas ne suffit pas à Chaka. Exterminant ses ennemis, sauf les plus jeunes à condition qu’ils s’enrôlent dans son armée, il rassembla tous les Ngunis séparés en petits clans souvent en conflit. Il les obligea à abandonner leur nom et leur dialecte maternel pour s’appeler désormais les Zoulous, le « Peuple du Ciel ». Il organisa son armée en régiments de plus de 1000 soldats d’une même classe d’âge, les impis.
Chaka était implacable envers les peureux. Pour obliger ses soldats au combat corps à corps, il avait fait remplacer les lances par de courtes sagaies à large lame, des haches et un bouclier. Au retour d’une expédition, il fit exécuter ceux qui étaient revenus sans leur sagaie.
La tactique favorite de ce chef de pasteurs était celle des « cornes de buffle ». Elle consistait à harceler sans cesse l’ennemi pour le rabattre, à la manière des deux cornes d’un buffle, contre des soldats zoulous aguerris qui le décimaient.
Les victoires de Chaka firent aussi sa perte car ses excès et sa tyrannie lui avaient aliéné jusqu’à ses plus fidèles lieutenants qui firent sécession.
En 1827, à la mort de sa mère, il décréta un deuil d’un an, interdisant à quiconque de boire du lait et aux personnes mariées de vivre ensemble.
Sous la direction de Mzilikazi, un groupe n’acceptant pas le célibat s’enfuit vers le Zimbabwe avec des jeunes filles et fonda le peuple Matabélé.
Chaka mourut victime d’un complot.
SourceS
http://planetejeanjaures.free.fr/geo/zoulou_empire.htm
https://www.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/histoiregeographie/Se_former/Nouveaux_programmes_de_5e/Royaumes_africains/Les_royaumes_africains__accompagnement_de_la_presentatio.pdf
Bibliographie
Braudel F, civilisation matérielle et capitalisme, volume III, 1979 – collectif, History of Mali, @lphascript publishing, 2009 ( en fait des articles de wikipedia)
El Fasi,M (dir) Histoire générale de l’Afrique, tome III, l’Afrique du VIIe au XIe siècle, Unesco, 1997 Fischer, Rudolf, Gold, Salz und Sklaven, edition Erdmann, 1982.
Gordon, M, L’esclavage dans le monde arabe, VIIIe – XXe siècle, éditions Texto, 2009 Heers, J, Les négriers en terre d’islam, la première traite des noirs, VIIe – XVIe siècle, éditions Perrin,
Iliffe, John, Les Africains, Histoire d’un continent. Champs Histoire, 2009. Insoll, Timothy, The archaeology of islam in sub-saharian Africa, Cambridge university press, 2003
Quigley, Mary, Ancient west African kingdoms : Ghana, Mali and Songhaï. Heinemann Library, 2002.
Lugan, Bernard, Histoire de l’Afrique. Ellipses, 2009
Mann, Kenny, African kingdoms of the past: Monomotapa, Zulu, Basuto. Dillon Press, 1996
Mokhtar, G. (dir) Histoire générale de l’Afrique, tome II, l’Afrique ancienne, UNESCO, 1987
Niane, D.T. (dir) Histoire générale de l’Afrique, tome IV, l’Afrique du XIIe au XVIe siècle, UNESCO, 1985
Pétré-Grenouilleau, Olivier, la traite oubliée des négriers musulmans, in Les collections de l’Histoire n°46, octobre 2009
Pierrat, Emmanuel, Comprendre l’art africain, éditions du chêne, 2008
Randles , W.G.L., L’empire du Monomotapa du XVe au XIXème siècle. EHESS, 1975
Shuter, Jane, Ancient west African kingdoms, Heinemann Library, 2002.
Smith, Etienne, L’Afrique, 50 cartes et fiches. Ellipses, 2009.
Wilmot, Alexander, Monomotapa (Rhodésia); elibron classics, 2005
Histoire de l’Afrique ancienne, VIIIe-XVIe siècle. la Documentation photographique N° 8075., Paris, mai 2010
Ressources
IXe siècle: Yakub (mention du Ghana, Gao)
Xe siècle : Al Masudi
XIe siècle : Al Bakri (Afrique de l’ouest) – Ibn Butlan (sur l’esclavage)
XIIe siècle : Al Idrisi (Afrique de l’ouest : kitab Rudjar et carte)
XIIIe siècle : Ibn Saïd (Soudan)
XIVe siècle : Ibn Battuta (visite le Mali en 1352-1353)
XVe siècle : Ibn Khaldun, Muqqadima.- kitab al zandj, chronique de Kilwa, 1530 (sur le Monomotapa)
XVIIe siècle : Tarikh al sudan et Tarikh al fattash, chroniques écrites à Tombouctou
Al Omari, Masalik el Absar fi Manalik el amsar, librairie orientaliste Paul Geuthner, paris 1927 (Sur le Mali)