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Inscrite à l’agenda de l’UNESCO en 2004, la Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition (JISTNA) est célébrée le 23...

La banque de demain…

Afrology a lancé en 2020 un projet de création d’une banque d’épargne et d’investissement. La Banque de demain regroupe des africains de la diaspora répartis...

Covid-19 et politique africaine

Le continent africain sort sa « Ligue d’impro »

La crise mondiale du Coronavirus dévoile une fois encore les limites des hommes politiques et de la classe dirigeante africaine. Entre amateurisme et improvisations de toutes sortes, des hommes aux titres ronflants se sont illustrés par un manque total de préparation et d’anticipation face aux derniers événements. Certains se sont simplement murés dans un silence coupable, incapables de mettre en place une organisation crédible pour faire face à la pandémie.

Ils aiment signer « son Excellence » malgré la médiocrité manifeste de leurs actions. La cacophonie actuelle sur le terrain ne nous étonne guère ; en Afrique, on décrète le couvre-feu pour isoler le virus. Certains de ces « Excellences » passent à la télévision montrer comment se laver les mains au lavabo, s’adressant à une population qui ne dispose pas de l’eau courante…

Population con-finée par des dirigeants con-finis

La crise actuelle démontre l’absence de projet dans les pays d’Afrique. Les programmes fumeux du FMI ont en effet mis fin aux ministères du Plan dans la majorité des pays du continent. Ce faisant, on confie à des ministres sans grand bagage intellectuel des portefeuilles et des responsabilités dont ils ne mesurent pas la portée. Dans la logique, un ministre de la santé devrait porter la lourde charge d’organiser les programmes de santé publique dans le pays. Très souvent, malheureusement, ces « Excellences » se transforment en gestionnaire des hôpitaux publics et des pharmacies. Quand on connait le nombre et l’état desdits hôpitaux, on comprend qu’il lui reste beaucoup de temps libre pour les campagnes du parti unique au pouvoir.

Lorsque les premiers cas surviennent, on se retrouve pris de court ; on improvise. Dans des pays sans aucune agence ou institut de statistiques, sans le moindre dispositif de test de la maladie, on commence à ânonner des chiffres, comme une nouvelle arme politique (basée sur la terreur) ou alors pour faire beau ; certains feront même marche arrière, se rendant compte du ridicule des données avancées. Derrière les annonces, aucune structure d’accueil pour les malades ; pas un seul respirateur artificiel, dans certains pays. Au Burkina Faso, au Cameroun, au Senegal, les gouvernements, faute de centres de tests et de laboratoires, ont très rapidement autorisé les structures hospitalières à traiter les malades avec l’hydroxychloroquine. Les Etats en Afrique manquent de tout: les médecins et les intellectuels sont pour la plupart en exil; le pouvoir politique, décrédibilisé, peine à mobiliser des ressources locales…

Alors on appelle à l’aide et on décrète. Certains en profitent pour faire rapidement passer des lois et des textes pour conserver le pouvoir après leur mort ; d’autres se dépêchent de renforcer les pouvoirs des corps armés. A Niamey, on rend le port du masque obligatoire sans en fournir à la population. On déclare ci et là le couvre-feu. On autorise la bastonnade des noctambules, oubliant pour certains l’absence même de toilettes à l’intérieur des maisons. Les militaires ont le droit de pénétrer dans le domicile privé des citoyens et de les bastonner, en dépit de tout bon sens dans cette crise où la distanciation sociale est de rigueur dans les pays dits développés. On confine une population habituée à se débrouiller pour vivre au quotidien sans lui donner d’alternative de survie. On montre les images des grandes villes, pour la galerie. Les villages sans électricité ni eau courante n’ont qu’à tirer leur plan…

Occident, le retour de manivelle

Pendant ce temps, c’est le branle-bas de combat ; l’Occident ferme ses ambassades et envoie des avions pour rapatrier ses citoyens. En dehors des pertes financières démesurées, il est triste de lire ainsi le doute dans leurs actions. Après 60 années d’indépendances, la métropole ne croit même pas dans les capacités sanitaires du pays colonisé. A quoi aura servi toute la coopération pendant ces années ? Certains citoyens médusés découvrent aussi les inconvénients de la double nationalité, avec des autorités désireuses de gagner un peu de visibilité qui décident soudain que les bi-nationaux sont d’abord des nationaux.

Et si jamais l’Afrique était le seul continent protégé dans cette crise ?

Les occidentaux vont alors soudain se réveiller sur leurs erreurs d’appréciation. On a promu des con-finis au pouvoir ; on les a aidés à piller leur continent ; on a décidé de fermer les yeux sur des élections truquées. Aujourd’hui le monde ne peut même pas prétendre disposer d’un cadre de repli. Il suffit d’une vingtaine de cas importés pour assister à une explosion dans ces pays mal gouvernés. Aucune structure n’est mise en place pour la prise en charge des malades ; le programme de santé publique est inexistant. Dans tous les pays avancés, les militaires sont appelés à la rescousse ; ils disposent de médecins militaires et d’hôpitaux de campagnes déployés en urgence pour assister la population civile. En Afrique, ces militaires sont appelés pour sévir et cogner.

Mais la situation aurait pu être inversée. En supposant que Wuhan était un patelin du nord du Cameroun, quel serait aujourd’hui l’état du monde ?

Le repli sur soi au Nord sur fond d’improvisation au Sud

Pendant que l’OMC, avec le soutien de la Banque Mondiale et du FMI contraint les pays faibles à s’ouvrir (telles des prostituées) au marché mondial, les occidentaux se découvrent soudain une identité nouvelle, très égocentrée. Contraints en effet de se tourner vers la Chine pour se fournir en masques et gel désinfectant, ils ont enfin atteint les limites du marché mondial. Les laboratoires locaux sont rapidement restructurés et leurs productions réquisitionnées pour raison d’état. Les compagnies aériennes ont toutes rapatrié leurs avions et certaines sociétés ont suspendu leur cotation à la bourse. On parle de confinement des familles ; on oublie de s’étaler pour le moment sur le confinement des États.

Pendant ce temps, un peu plus au Sud, nos sous-dirigeants sont fiers de s’afficher devant les dons d’Alibaba. Ils s’empressent de négocier les crédits (auprès des 40 voleurs) pour enfin acheter les premiers respirateurs et les masques au prix fort. Personne n’envisage l’après Covid, personne ne pense au programme de maintenance ou d’entretien de ce matériel nouveau ; il n’y a pas de techniciens dans ces pays. La Chine, quant à elle, sort doucement du confinement et décide d’expulser les africains immigrés, jugés trop résistants et donc porteurs asymptomatiques de la maladie. Dans cette configuration minimaliste, les institutions nationales et les organisations régionales (CEDEAO – BCEAO – UEMOA – BOAD – CEMAC – BAD – Union Africaine…) sont déjà en mode « TILT ».

De nombreux Afrologues nous contactent, indignés de voir la dimension tragique prise par ce covid, pendant les expulsions des africains de Chine, alors que le paludisme tue beaucoup plus et depuis bien plus longtemps, en silence. Le protectionnisme n’est pas une invention nouvelle. Mais l’africain attend toujours une aide de l’Occident et du grand Orient.

Epilogue

Nous le disons depuis des années : il n’y a qu’une seule planète. Qui aurait pu imaginer qu’un simple ragout de pangolin aurait eu un pareil effet sur l’univers entier ? C’est le fameux « effet papillon ». Cette crise sanitaire, de même que tout le débat sur le climat, remettent en exergue la nécessité de créer un dispositif mondial de riposte collective, concerté et contraignant en matière de protection de la planète et de ses habitants. L’oNU a failli dans sa mission. La récente déclaration de retrait de Trump de l’OMS démontre que ces institutions d’ailleurs sont toutes en échec.

Mais pour ce faire, il faut des interlocuteurs crédibles ; ce qui est loin d’être le cas dans la plus grande partie du continent africain. Ce n’est pas avec « son Excellence » dictateur mal ou pas élu et incompétent que l’on peut discuter de l’avenir quand son seul plan de survie est de conserver le pouvoir à tous les prix.

On ne peut pas se permettre d’improviser, en matière de santé publique ; il en va de l’avenir de LA race humaine.

Bruxelles le 12 avril 2020
Gustav AHADJi  en con-finement