Buhari brandit le risque de dislocation de la CEDEAO en cas d’adoption unilatérale de l’ECO par l’UEMOA
(Agence Ecofin) – Dans une rafale de tweets, le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a clairement brandi le risque de dislocation de la CEDEAO en cas d’adoption prématurée de la monnaie ECO, en remplacement du FCFA par la zone UEMOA.
Dans une série de tweets publiés ce mardi, le président du Nigeria, Muhammadu Buhari (photo), a clairement fustigé la volonté des pays membres de la zone UEMOA qui utilisent le Franc CFA de passer à l’ECO avant les autres membres de la CEDEAO. « Cela me donne un sentiment de malaise que la zone UEMOA souhaite reprendre l’Eco en remplacement de son Franc CFA avant les autres Etats membres de la CEDEAO », a-t-il déclaré.
Signe d’un certain malentendu qui est train de s’installer au sein de cet ensemble sous-régional, le président nigérian a pointé du doigt le manque de « confiance » qui prévaut dans les discussions devant mener à une adoption commune de la nouvelle monnaie de la CEDEAO. « Il est inquiétant qu’un peuple avec lequel nous souhaitons nous associer prenne des mesures importantes sans nous faire confiance pour la discussion », s’est indigné Muhammadu Buhari.
Ces propos durs du président nigérian font suite à une demande formulée au mois de février par son pays aux fins d’une « prolongation du délai pour le lancement de la monnaie unique » tel que prévu par les présidents Alassane Ouattara et Emmanuel Macron en décembre 2019 à Abidjan. « La position du Nigeria sur l’ECO est que les critères de convergence n’ont pas été remplis par la majorité des pays », avait alors argué Abuja.
Le souhait n’a apparemment pas rencontré l’assentiment des dirigeants de la zone UEMOA qui, sous la houlette du président ivoirien, semblent ne pas vouloir faire marche arrière sur leur volonté d’adopter l’ECO en remplacement du Franc CFA, en principe au cours du deuxième semestre de cette année 2020. Une initiative qui avait d’ailleurs soulevé les critiques des pays anglophones de la zone comme n’étant « pas conforme aux décisions de l’Autorité des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO pour l’adoption de l’Eco comme nom d’une monnaie unique indépendante de la CEDEAO ».
Une question d’indépendance sur laquelle Muhammadu Buhari semble clairement ne pas vouloir céder un pouce de terrain. « Le Nigeria soutient pleinement et est attaché à une union monétaire dotée des fondamentaux appropriés – une union qui garantit la crédibilité, la durabilité, la prospérité et la souveraineté régionale entière. Mais nous devons faire les choses correctement et assurer le respect absolu des normes établies », a-t-il insisté dans un tweet.
Brandissant le spectre d’une dislocation de la CEDEAO en raison de ces désaccords relativement au passage à l’ECO, Muhammadu Buhari prévient que « nous ne pouvons pas nous ridiculiser en entrant dans une union pour se désintégrer potentiellement au plus tôt lorsque nous y entrons. Nous devons être clairs et sans équivoque sur notre position concernant ce processus ». Ajoutant que « nous devons procéder avec prudence et respecter le processus convenu pour atteindre notre objectif collectif tout en nous traitant les uns les autres avec le plus grand respect. Sans cela, nos ambitions pour une union monétaire stratégique en tant que bloc de la CEDEAO pourraient très bien être sérieusement menacées ».
Insistant sur le caractère stratégique de la nouvelle monnaie commune de cette sous-région, le président de la première économie d’Afrique (qui représente à lui seul 70% du PIB de la CEDEAO) déclare ouvertement avoir « tellement misé sur ce projet pour laisser les choses à la simple convenance et à la commodité ».
Rappelons que selon une étude de l’institution, seul le Togo respecterait les exigences et critères principaux pour la mise en place d’une monnaie unique sous-régionale, parmi les pays de la CEDEAO.
Borgia Kobri