60 ans après les indépendances
1960-2020: Les Etats d’Afrique noire francophone (AOF/AEF) peinent toujours à asseoir une paix sociale dans des pays dominés par des potentats souvent positionnés par la métropole. Comment arriver à construire des états véritables et prospères dans un climat de crise permanente entre le pouvoir et le citoyen? On entend souvent que les votes ne sont plus utiles, depuis qu’on a vu des soldats embarquer des urnes sous les bras au Togo pour un décompte dans les camps militaires.
Comment construire enfin des Etats africains digne? Des compatriotes se sont llivrés à l’exercice pour des pays comme le Congo, le Mali et la Guinée… On peut lire au travers de ces lignes une grande similitude entre les Etats dits indépendants de l’Afrique francophone; le fil conducteur est une faillite annoncée sur fond de bricolages.
Congo: Nous devons sauver la République
À côté du bruit des armes et des cliquetis des baïonnettes, rythmique infernale, il se développe un danger peu redouté mais qui n’en reste pas moins menaçant. Les faits d’agressions venues de l’extérieur et de guerres atroces, grands malheurs, ne sont pas les seuls à assombrir les horizons de notre République. Soixante ans après l’indépendance, les pics d’actes de tribalisme et les revendications sécessionnistes restent des dangers susceptibles d’amoindrir la cohésion et l’intérêt général, pouvant nous conduire jusqu’à une balkanisation (qu’à Dieu ne plaise) poussée de l’intérieur!
“J’observe souvent, disait le Chef de l’Etat, la ferveur avec laquelle nombre de mes concitoyens s’indignent lorsqu’il est porté atteinte aux droits et libertés des personnes de couleur sous d’autres cieux, notamment dans les vieilles démocraties.” Et d’ajouter en questionnant : “comment comprendre que ces mêmes concitoyens se retrouvent parfois parmi ceux qui attisent le plus le tribalisme et la haine lorsqu’il s’agit de la vie de nos compatriotes?”
Cette question recentre le débat vers l’une des problématiques qui conditionnent l’expérience congolaise : la cohésion nationale, déjà un casse-tête depuis la création de l’Etat Indépendant du Congo, constitué à partir d’une mosaïque de peuples. La cohésion nationale est aujourd’hui encore affaiblie par la poussée des communautarismes qui ont toujours favorisé les tendances à l’éclatement. Ces communautarismes marquent la République de fractures intérieures d’où émergent des cloisonnements identitaires qui dénient sa prééminence à l’intérêt général.
C’est aussi ce qu’a démontré la dernière élection, quand à travers une passation de pouvoir on a voulu apercevoir une redistribution de rôles entre deux tribus : l’une arrivant au pouvoir, l’autre regardée d’une certaine distance comme perdant ledit pouvoir. Il est à craindre que la réalité ne vienne à valider ces thèses obscures.
C’est par ce type d’appréhensions réductionnistes que la réalité nationale est disséquée, dénudée de sa dimension englobante, par des consciences programmées à ne jurer que par la tribu, la région d’origine, la religion, le parti politique, la corporation, et ainsi de suite, surtout quand rien n’a été fait pour offrir une perspective de rassemblement à nos concitoyens.
L’identité tribale comme d’autres identités particulières, légitimement reconnues, deviennent donc par l’abus des constructions handicapantes pour la marche collective vers un horizon commun, encore qu’il faille s’en être fixé un et surtout, s’être donné les moyens de converger vers lui. Quand on laisse se développer la promotion des considérations particularistes sur le dos de l’intérêt collectif, on débute l’effacement de la République.
C’est l’occasion d’acter l’état d’inachèvement de notre République. Elle est un chantier dont l’inauguration ancienne et les faibles acquis sont abandonnés au délitement sous le poids du temps qui s’écoule. Pour arrêter l’érosion de ce qui nous reste comme repère, il faut replacer l’idéal républicain au centre du projet politique des prochaines années, car les maux du tribalisme et les velléités sécessionnistes qui reviennent en trombe ne disparaîtront pas à l’aide d’incantations ni de conjurations hymniques sortant des bouches qui entonnent mécaniquement le “Débout Congolais”, sans toujours y croire.
L’échec de l’intelligence congolaise se consacre donc dans l’incapacité à construire jusqu’ici les infrastructures de la conscience qui doivent servir d’intersection solide aux nombreuses avenues qui traversent la grande place de l’identité nationale. Cette intersection doit être le prolongement de chacune des composantes de la nation et demeurer l’aboutissement dans lequel se reconnaissent toutes les aspirations, dont la première est celle de vivre.
La chose voire la cause publique (res publica) est le projet d’avenir qui doit déboucher sur un pays du vivre ensemble soumis à la loi du bien commun, où les replis doivent céder peu à peu la place aux grandes ouvertures qui doivent faire s’amalgamer des couches sociales retrouvant dans la République des raisons de se dépasser et de s’unir. Cela devra passer par la création d’une mentalité républicaine homogène dont le premier signe de vie sera l’entrée en scène de l’Etat, ce grand déserteur du champ de la patrie.
L’Etat doit investir le champ de la patrie et, à travers sa présence effective dans l’espace et dans le temps long, devenir le repère immuable qui encadre la marche vers l’idéal républicain, cet horizon indépassable. Pour ce faire, une offre politique émanant d’institutions publiques fonctionnelles et efficaces doit se donner comme objectif de résoudre les défis de la vie au quotidien et permettre à nos populations d’oser l’audace de se projeter vers l’avenir dans un espace propice à la vie pour tous.
À travers un modèle social axé sur l’école publique obligatoire, la couverture santé universelle, avec une police nationale assurant la protection des citoyens et une armée veillant à l’intégrité du territoire, la République peut redevenir l’ultime abri pour les Congolais désireux de s’y réfugier, loin des séparatismes sans lendemains.
Les conditions du vivre ensemble dont la convergence des mentalités, la paix, la sécurité, la justice, le développement économique sont au cœur du défi des prochaines années, pour nous éviter la dérive toujours malheureuse vers un Congo qui ne ressemble pas au vœu des Pères de l’indépendance.
Nous devons sauver la République.
Par Simeon Nkola Matamba
Matininfos.net 2 août 2020
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Guinée: Il faut sauver la République pour trouver un citoyen nouveau
Le premier devoir d’une République est de faire des républicains’’, disait Ferdinand Buisson. La Guinée où l’État et la République ont foutu le camp, il faut cependant craindre de son avenir. Il n’a jamais été facile de construire un avenir radieux pour tous, mais c’est dans la vitalité de notre façon de vivre, bâtie sur des principes républicains que nous saurons nous faire une place dans ce monde global et compétitif pour se faire envié.
Qu’ensemble, nous trouvions l’énergie pour agir en citoyens et devenir ainsi des vrais militants de la République et non de partis politiques. Si le citoyen détient des droits très importants, ceux-ci ne découlent en réalité sur ses devoirs, dont seule l’observation permet le respect des droits de chacun et la liberté de tous.
Quelles que soient notre positionnement politique, notre nationalité, la couleur de notre culture, nos conditions sociales, nous sommes avant tout des citoyens. Comme la morale républicaine souffre énormément par le fait des politiques, on devient par égoïsme plus militant que citoyens, alors que dans une république il devrait eu avoir plus de citoyens que de militants politiques.
Dans les bons modèles de sociétés où l’esprit républicain est une norme de conduite, être citoyen, c’est appartenir à un État où les valeurs de la République.
« Travail-Justice-Solidarité » est notre devise si chère à notre Guinée commune dont son exercice n’est possible que dans le cadre d’une démocratie laïque. Dieu est omnipotent et omniscient par nature très laïque. Il est cependant à reconnaître que plus on croit en Dieu plus on devrait être laïque. Sénèque nous enseigne : « vivre, c’est être utile aux autres. Vivre, c’est être utile à soi. Quant à ceux qui se cachent pour végéter, ils sont dans leur maison comme dans un tombeau ».
Pour préserver l’intérêt général, la République doit responsabiliser les citoyens, elle aide mais n’assiste pas. L’ordre et la coercition sont des principes fondamentaux pour redresser une nation en souffrance de citoyenneté comme la nôtre.
Chaque citoyen est libre et responsable. Il assume ses droits pour jouir pleinement de ses devoirs. Il respecte et fait respecter la loi républicaine. Il participe activement à la vie publique dans le souci de sa dignité et celle des autres. «Nul ne possède d’autre droit que celui de faire toujours son devoir ». Auguste Comte.
C’est autant dire que, la citoyenneté devient l’adhésion à un pacte conclu entre l’État et le peuple. C’est d’où le pacte républicain. La République est cependant pour Jean Jaurès un grand acte de confiance et un grand acte d’audace. La citoyenneté est un enseignement au quotidien. Or, former des citoyens n’est pas l’affaire d’un jour ; et pour les avoir hommes, il faut les instruire enfants. L’école est une expérience fondamentale de la citoyenneté.
Au regard de ce qui est décrit si haut, la Guinée a du chemin à faire pour enfin trouver ce modèle de citoyenneté à la guinéenne. Car, le principe n’est pas universel et il est évolutif.
Les principes républicains édictés dans la Loi fondamentale Travail, Justice et Solidarité sont plein de sens et surtout d’un sentiment d’enthousiasme, de dignité et d’espoir. D’enthousiasme, en ce qu’il nous invite à nous assumer. De dignité, car il nous délivre de toute contrainte de servitudes et d’espoirs, car, il nous permet d’entrevoir un monde meilleur et de nous battre pour y parvenir.
C’est cette République qui nous manque et dont on veut avoir forcément et dans un bref délai. L’incivisme, l’égoïsme, le mépris, le militantisme, le négationnisme, le vandalisme et la saloperie deviennent des normes de conduite qui désenchante notre Nation.
Jeter les ordures dans les rues, mauvaises conduites dans la circulation, la perversité, le lynchage et autres ne sont pas dignes du citoyen. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. La liberté quelle belle et grande idée, inhérente à la qualité de citoyen. Mais la liberté rime avec responsabilité.
En réalité, au-delà de ces vrais problèmes de fond, la citoyenneté, ça se vit. Or, vivre en citoyens, c’est d’abord au quotidien. C’est s’engager et être responsable. La citoyenneté n’est pas figée. Elle évolue chaque jour, exigeant en permanence vigilance et participation des citoyens. La Guinée d’aujourd’hui a plus besoin d’éducation pour devenir citoyen de la république.
Par Habib Marouane CAMARA [Lire]
Mali: Gouvernance du pays : L’option qui s’offre à IBK pour sauver la République !
Environ un million de personnes ont répondu, le vendredi 05 juin 2020, ‘’oui’’ à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko et alliés au monument de l’Indépendance. La réussite de ce rassemblement pourtant controversé s’explique, au-delà du poids de mobilisation de ses organisateurs, par la colère de la plupart des Maliens envers le pouvoir en place qui peine à respecter ses promesses de campagne. La passion est sur le point de dominer la raison de pas mal de citoyens qui ne voient comme solution que « la démission » du président de la République. Faut-il négliger le combat de ces citoyens ? Non. Une seule solution s’impose à IBK pour sauver son régime et la République en même temps : écouter le cri de cœur des Maliens et changer la façon de gouverner le pays.
Le Mali est malade et se trouve d’ailleurs dans un état critique. La colère des citoyens se sent partout, dans les mots comme dans les pratiques. Les secteurs clés du pays : Éducation, Santé, Sécurité… sont paralysées. La corruption, la mauvaise gouvernance, l’extravagance dans laquelle vivent certains proches du régime, le chômage, les difficultés d’accès à l’eau et à l’électricité, l’insécurité alimentaire… grossissent chaque jour le lot des révolutionnaires circonstanciels. Les enseignants, victimes de la violation de l’article 39 de leur statut particulier, et les frustrés des élections législatives dernières aussi. Chacun de ces mécontents ne veut plus d’IBK et de son régime.
L’union des forces entre la CMAS, le FSD et l’EMK, un coup dur pour le régime IBK !
Si après la démission forcée de l’ancien premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga et la formation du Gouvernement Boubou Cissé, le régime IBK a été renforcé, car ayant récupéré certains opposants radicaux, il vient d’être fragilisé. Oui, l’union des forces entre la CMAS de Mahmoud Dicko, un mouvement politico-religieux qui bénéficie, de nos jours, de la confiance de bon nombre de Maliens ; le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie qui regroupe la plupart des partis politiques de l’opposition, dont l’URD de Soumaila Cissé ; et le mouvement Espoir Mali Kura regroupant des formations politiques et associations de la société civile, jouera, sans nul doute, sur le régime IBK.
En effet, chacun de ces mouvements a des capacités de mobilisation inestimables. Mieux, ils dénoncent tous les mêmes maux : la gestion « catastrophique » de la crise multidimensionnelle ; les atteintes à la souveraineté et à l’intégrité du territoire du pays ; la généralisation de l’insécurité partout dans le pays ; la corruption, la mal gouvernance, le gâchis financier au détriment des paysans et secteurs privés ; la destruction des services sociaux de base (éducation, santé l’électricité, l’eau, les infrastructures) ; l’appauvrissement croissant des populations ; les atteintes aux valeurs et principes de la République ; le péril des droits et libertés individuels et collectifs des citoyens ; l’impasse d’une voie électorale hypothéquée. Tous ces maux sont une réalité aujourd’hui. Ils ont donc facilement l’adhésion des Maliens à leur combat. Tous les autres frustrés, ceux qui ont des comptes à régler avec IBK ou son régime, ont vite rejoint le bateau de ces trois organisations.
Le vendredi dernier, ils ont pu mobiliser des dizaines de milliers de personnes venues de partout à travers le pays. Certains ont même passé la nuit au monument de l’Indépendance. Tous les opposants se sont retrouvés et même certains soutiens d’IBK sont entrés dans la danse.
Aujourd’hui, que l’on veuille ou pas, ces organisateurs du rassemblement du 5 juin 2020 peuvent faire trembler le régime. Ils le font d’ailleurs.
IBK condamné d’écouter tout le monde
Le président de la République doit, après le rassemblement du vendredi, reconnaitre la force de ces trois organisations. Ses proches doivent lui dire cette vérité. La première erreur qu’IBK doit éviter, c’est de négliger ces mouvements, leurs réclamations comme certains de ses soutiens le font d’ailleurs. Nul ne peut nier le malaise social aujourd’hui. Il doit tout faire pour sauver son régime, mais aussi la République qui est en danger. Pour cela, il est contraint, malgré son pouvoir, d’écouter tout le monde, les acteurs du rassemblement du 05 juin surtout. S’il faut un autre dialogue différent du DNI, pourquoi ne pas le faire ? Qu’IBK n’écoute aucun de ses proches opportunistes qui le déconseille de dialoguer avec Dicko et alliés. Aussi, il est important qu’il cherche à changer sa façon de gérer le pays : le clanisme, la corruption, le laisser-aller…
Avec les enseignants et d’autres travailleurs victimes de la violation de loi, que l’État engage le dialogue. C’est uniquement dans ces conditions qu’IBK pourra non seulement sauver son régime, mais aussi la République.
Par Boureima Guindo
Par bamada.net 08/06/2020
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Le Togo: Un condensé des Etats défaillants d’Afrique
On pourrait étendre la liste et reprendre les analyses sur les autres pays, comme le Cameroun (avec une présidence à vie), le Tchad (avec une navigation à vue), le Burkina Faso (dirigé depuis la France), la Côte d’Ivoire (en route pour un 3ème mandat), le Gabon (dirigé par un président diminué)… Mais nous allons nous intéresser à un petit pays qui semble résumer toutes les tares des autres: Le Togo, un pays soi-disant « indépendant » depuis avril 1960 a connu le premier coup d’état sanglant d’Afrique 3 années plus tard en janvier 1963.
Construit de toutes pièces par les colons français, anglais et allemands, le Togo peine en effet à se trouver une identité. Un paragraphe sur le Congo pourrait résumer la situation socio politique: « C’est par (certains) types d’appréhensions réductionnistes que la réalité nationale est disséquée, dénudée de sa dimension englobante, par des consciences programmées à ne jurer que par la tribu, la région d’origine, la religion (ou la secte), le parti politique, la corporation, et ainsi de suite, surtout quand rien n’a été fait pour offrir une perspective de rassemblement à nos concitoyens. » Lors d’une manifestation de l’opposition le 1er août dernier à Lomé, nous avons été choqué par les images de miliciens munis d’armes blanches aux carrefours de la ville. Que reprochons nous aux étrangers qui étranglent nos frères noirs?
En Guinée, Habib parle de citoyenneté et de devoirs. Comment peut-on envisager la question de la citoyenneté lorsque dans un pays comme le Togo, on autorise l’installation d’écoles françaises avec le programme et les examens calqués sur le modèle de la métropole? A quel pays s’identifie au final un citoyen après avoir passé son adolescence à étudier la géographie, l’histoire et l’hymne d’un autre pays?
Au Mali, enfin, Boureima parle de mal-gouvernance: « La corruption, la mauvaise gouvernance, l’extravagance dans laquelle vivent certains proches du régime, le chômage, les difficultés d’accès à l’eau et à l’électricité, l’insécurité alimentaire… grossissent chaque jour le lot des révolutionnaires circonstanciels. » Le fossé constaté dans les pays francophones (à l’instar du Togo) entre les différentes couches sociales est très importante; l’impunité est la règle pour un certain groupe dans les positions les plus élevées. Au Togo, des budgets disparaissent dans leur totalité, sans rendre de comptes; des colonels de l’armée sont éliminés, sans aucune poursuite, des marchés sont incendiés sans jamais trouver de coupables…
Le réveil nécessaire
La grande réussite du colon, c’est la très grande balkanisation de ces Etats construits après la guerre de 1917. A l’intérieur, il n’existe aucune affinité entre les citoyens d’un même Etat, il n’y a plus aucune histoire commune, exceptée le lien avec la métropole. Cette dernière dicte donc les règles au grand dam des populations africaine. Comme conséquence directe, l’Afrique francophone reste sous le contrôle permanent du maître français et/ou belge avec une présence permanente à tous les niveaux de pouvoir ou de décision. Sous pression idéologique, militaire et économique, ces pays ne comprennent pas que le développement est une pieuse illusion.
Comme conséquence de cette dépendance, l’Afrique francophone n’est aujourd’hui capable d’aucune production, malgré la qualité de ses citoyens et les immenses ressources physiques disponibles. Elle crée des institutions (CEDEAO – UA – CEMAC) dont les textes ne sont pas contraignants pour les dirigeants qui les promulguent; les instruments de la métropole étant placés au-dessus. En dehors de ses frontières, le migrant d’origine AOF ou AEF est complètement déconsidéré et méprisé.
Dans les années 90 pourtant, comme dans un sursaut soudain, la majorité de ces populations se soulève pour prendre une nouvelle orientation dans des conférences dites nationales. L’échec de ces conférences réside à nos yeux dans son caractère trop « local »; la Guinée de Sekou Touré paye jusqu’à ce jour ce choix isolé contre les instructions de la France. Il faut une conférence AOF et/ou AEF pour arriver à faire bouger les lignes. Ces manifestations ont donc manqué d’ambition, et peinent aujourd’hui à imposer leurs décisions. Au Togo, le seul acquis encore visible est le multipartisme, avec un peu plus de 100 partis politiques pour un pays de quelques 7 millions d’habitants (une hérésie).
Une piste: revenir à la base
A défaut de retrouver les liens du passé (l’Afrique des grands empires ou le rêve unitaire de Bob Marley et NKrumah), il faudrait peut-être tourner la page et envisager de pousser la logique de la balkanisation à son terme. Une tentative pour les populations opprimées serait alors le repli micro-identitaire pour une forme de regroupement à la base. Les occidentaux parlent alors de communautarisation, parlant des populations de primates. Et pourtant c’est la technique du repli stratégique qui a réussi à sauver les populations juives.
L’idée serait de s’éloigner un temps des Etats créés par le colon, pour consolider le développement autour d’une région ou groupe social ou « ethnique » spécifique. Au Togo, par exemple, les cinq régions économiques traditionnelles pourraient alors se muer en espaces autonomes avec un budget et une gouvernance spécifiques. Le Rwanda a réussi partiellement le projet en contraignant les régions à une forte spécialisation agricole. De ce fait, les échanges intra-continentaux vont se développer plus vite et l’émiettement du pouvoir rendra le poste de président un peu plus vide et éphémère. Il est déjà possible, au travers de principes simples comme le troc et l’échange direct, de contourner les institutions de la métropoles telles le CFA, la BCEAO et les produits importés. La timidité des dirigeants en place à adopter ces mesures simples démontre à suffisance leur position de simples exécutants.
A défaut, il faudrait pouvoir s’organiser au niveau régional et penser une politique commune aux différents pays sous domination CFA. Dans ce sens, un parti politique ne pourrait s’envisager que sous une déclinason trans-nationale. C’est ainsi que nous comprenons et appuyons l’initiative récente du Parti pour l’Intégration Africaine de Mamadou Koulibaly, lequel déclarait en 2017 « Le PIA prône l’intégration africaine. Nous allons convaincre le peuple à dépasser les barrières étatiques, car tant que les Etats africains n’iront pas à l’intégration, ils seront toujours à la traine ». Mais avant d’aller vers l’Afrique, il faut commencer à régler la question de l’AOF et l’AEF.
Qu’il est long le chemin…
Bruxelles, le 05 août 2020
Gustav Ahadji