Des putschistes ont capturé dimanche 05 septembre 2021 le président guinéen Alpha Condé. Si le coup d’Etat se confirme, ce ne serait pas le premier dans la région
Les habitants du centre de Conakry, la capitale de la Guinée, l’un des pays les plus pauvres du monde malgré un riche sous-sol, ont été réveillés dimanche par des coups de feu nourris. Puis ils ont découvert médusés des militaires masqués et lourdement armés entourant le président Alpha Condé. Sur une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, les mutins demandent au chef d’Etat de 83 ans s’il a été brutalisé. Assis sur un fauteuil, le visage fermé, celui-ci ne pipe mot.
Dans l’après-midi, une autre vidéo a circulé. Cette fois, celui qui se présente comme l’instigateur du putsch apparaît à visage découvert. Il s’agit du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya qui dirige depuis 2018 les forces spéciales, considérées comme l’unité la mieux équipée du pays.
Avant de prendre la tête des forces d’élite guinéennes, l’officier faisait partie de la légion française et il a été formé en France, selon plusieurs médias. Ces dernières années, Mamady Doumbouya aurait aussi participé à des exercices militaires en coopération avec les Etats-Unis contre la menace terroriste. Le lieutenant-colonel fait apparemment partie du même groupe ethnique que le président qu’il affirme avoir capturé. Dans sa vidéo, l’officier a annoncé la dissolution de la Constitution et du gouvernement. Il appelle les autres unités de l’armée à rester dans leurs casernes.
«La politique au peuple»
La situation demeurait toutefois incertaine à Conakry. Dans la journée, le Ministère de la défense affirmait avoir «repoussé le groupe d’assaillants». Il annonçait que les «opérations de sécurisation et de ratissage se poursuivaient». En attendant, toujours selon ce communiqué, le président Alpha Condé appelait la population au calme.
Mais, manifestement, les putschistes contrôlaient aussi dimanche le siège de la télévision nationale. Sur le coup des 16h (heure suisse), ils ont interrompu les programmes pour s’adresser à leurs compatriotes. Enveloppé du drapeau national, le même Mamady Doumbouya a appelé au «rassemblement de la Guinée et de ses quatre régions». Selon lui, «la personnalisation de la vie politique est terminée, nous n’allons plus confier la politique à un homme, mais au peuple».
Le militaire a promis une large consultation pour rédiger une nouvelle Constitution. Et de conclure: «La Guinée est belle, nous n’avons pas besoin de la violer, il faut tout simplement lui faire l’amour.» Selon plusieurs vidéos prises dimanche à Conakry, la chute présumée du président Alpha Condé a provoqué des manifestations de liesse.
Un mandat de trop
Cette situation n’est pas sans rappeler le soulagement des Maliens en août 2020, quand des militaires avaient déposé le président après des mois de manifestations. Mais, depuis, les officiers maliens ont congédié le gouvernement de transition pour prendre seuls les commandes. Ils laissent planer le doute sur le fait qu’ils organiseront des élections comme prévu en début d’année prochaine.
L’étoile du président guinéen Alpha Condé, opposant historique aux régimes militaires successifs en Guinée et finalement élu en 2010, s’était ternie ces dernières années. En 2020, il avait fait changer la Constitution pour se présenter une troisième fois. Malgré les manifestations durement réprimées, se soldant par des dizaines de morts, il a été réélu en octobre 2020. Mais le pays n’était pas sorti de la crise politique. Une situation délétère qui a fait le lit des putschistes.
Comme pour conjurer le sort, le président Condé répétait d’ailleurs qu’il n’y avait jamais eu de coups d’Etat en Guinée, l’armée prenant habituellement le pouvoir juste après la mort du président précédent. La Guinée semble ce dimanche retombée dans l’engrenage des coups de force.
Simon Petite
Publié dimanche 5 septembre 2021
Source: Le Temps – Lire